Google aurait décidément du mal à respecter ses obligations en matière de droits voisins – cette rémunération qu’il doit, comme d’autres géants du numérique, verser aux médias pour la reprise d’articles de médias dans ses pages de résultats. Après avoir été condamné une première fois en juillet 2021 par le gendarme français de la concurrence, le géant du numérique, qui a lancé son IA générative Bard (renommée Gemini) en juillet dernier, est à nouveau l’objet d’une amende salée, décidée par la même autorité. Il devra régler 250 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses engagements pris vingt mois plus tôt.
Concrètement, le gendarme français reproche à Google d’avoir manqué à quatre promesses (sur les sept) listées en juillet 2022, explique l’autorité dans son communiqué publié sur son site Web. La firme de Mountain View aurait failli à ses engagements de :
- « conduire des négociations de bonne foi, sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires (…) » ;
- « transmettre aux éditeurs ou agences de presse les informations nécessaires à l’évaluation transparente de leur rémunération au titre des droits voisins » ;
- et enfin de « prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent pas les autres relations économiques existant entre Google et les éditeurs ou agences de presse », précise le communiqué.
La loi sur les droits voisins, un moyen de rééquilibrer le partage de la valeur
Depuis la loi de 2019 qui instaure les droits voisins, un moyen de « redéfinir, en faveur des acteurs de la presse, le partage de la valeur » entre médias et plateformes numériques, le gendarme français de la concurrence veille à sa bonne application. En théorie, les plateformes du numérique sont censées rémunérer les médias lorsque les acteurs du Web reprennent des extraits de leurs contenus, une obligation qui s’applique aussi à Google. Son moteur de recherche affiche des extraits d’articles de presse dans ses pages de résultats.
Mais en pratique, Google n’aurait pas suivi ces règles à la lettre, selon des éditeurs de presse qui ont porté plainte contre le géant américain en 2019. Deux ans plus tard, le gendarme français de la concurrence avait condamné Google à payer une amende de 500 millions d’euros. La raison : l’absence de négociation « de bonne foi » des accords avec les éditeurs de presse, en application des droits voisins. En tout, cette autorité aura émis quatre décisions à l’égard de Google sur ce sujet.
Parmi les griefs : l’entraînement de Bard, son IA générative, sans autorisation et sans avoir mis en place l’opt-out
Et cette fois, le gendarme de la concurrence s’est penché sur Bard, l’agent conversationnel de Google lancé en juillet 2023 et renommé Gemini en février dernier. « L’Autorité a en effet constaté que (Google) avait utilisé aux fins d’entraînement de son modèle fondateur des contenus des éditeurs et agences de presse, sans avertir ces derniers ou l’Autorité ». Outre l’absence d’information, la firme américaine n’aurait pas permis aux médias de s’opposer à cette utilisation, une opposition qu’on désigne par le terme « opt-out ». Elle n’aurait pas « proposé de solution technique permettant aux éditeurs et agences de presse de s’opposer à l’utilisation de leurs contenus par Bard ».
Google n’a proposé que fin septembre 2023 une telle solution : un blocage de son robot d’indexation, via le « Google-Extended ». Mais le fait de mettre en place ce « pare-feu » ne mettrait pas non plus un média à l’abri de l’indexation de Bard. Le gendarme français constate par exemple que cet outil continuait à répondre à des requêtes utilisant des sites qui avaient pourtant « activé » Google-Extended, comme on peut le lire dans sa décision intégrale, notamment à propos de TF1.fr et TF1info.fr.
Pour le gendarme, le fait que Google ait passé sous silence l’utilisation faite par Bard de leurs contenus, à des fins d’entraînement, constitue un manquement à l’engagement de transparence de la firme. L’autorité ajoute toutefois que « la question de savoir si l’utilisation de publications de presse dans le cadre d’un service d’intelligence artificielle relève de la protection au titre de la règlementation des droits voisins n’a pas été tranchée à ce stade ».
L’amende est disproportionnée, selon Google
En retour, Google a répondu, dans un article de blog, que l’amende de 250 millions d’euros était « disproportionnée ». La sanction « ne prend pas suffisamment en compte les efforts déployés pour répondre aux diverses remarques », à savoir, la signature « d’accords de licence significatifs au titre des droits voisins avec 280 éditeurs de presse français — couvrant plus de 450 publications », écrit la firme américaine.
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Pourtant, « Google s’est engagé à ne pas contester les faits », écrit le gendarme de la concurrence dans son communiqué. La firme a déjà « proposé une série de mesures correctives en vue de répondre à certains manquements identifiés par l’Autorité de la concurrence ». Une approche reconnue par Google, qui explique « avoir transigé, car il est temps de tourner la page ».
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Source : Communiqué de l'Autorité de la Concurrence française du 20 mars 2024