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Pourquoi Threads n’est pas encore accessible en France

Pourquoi Threads, le réseau social lancé par Meta pour concurrencer Twitter, n’est-il pas disponible en France et au sein de l’Union européenne ? Un indice : la règlementation européenne. Et non, il n’est pas que question du RGPD, le Règlement européen sur les données personnelles.

Depuis le lancement de Threads dans une centaine de pays le 6 juillet dernier, vous avez peut-être tenté d’installer la nouvelle application de Meta censée concurrencer Twitter. Et si vous n’avez pas suivi notre tuto qui explique comment y accéder, vous avez certainement constaté que ce nouveau réseau social n’était pas officiellement disponible en France comme dans toute l’Union européenne (UE). Pourquoi ? Non, ce n’est pas parce que l’appli est d’abord testée aux États-Unis avant de débarquer sur le Vieux continent. Meta n’a pas non plus déclaré que l’application ne serait jamais accessible en Europe. Ce n’est qu’une question de temps, il faudra plusieurs mois avant de pouvoir installer et utiliser officiellement ce nouveau réseau social.

Alors pourquoi ce lancement reporté à une date ultérieure ? Si le groupe cofondé par Mark Zuckerberg n’a pas répondu à notre demande de commentaires à l’heure de la publication de cet article, une interview d’Adam Mosseri, le responsable d’Instagram qui était invité du podcast Hard Fork du New York Times le 6 juillet dernier, est venue clarifier les choses. Selon ce dernier, il n’y a qu’un seul coupable : c’est la réglementation européenne. Celui qui a été designer de Facebook explique à nos confrères que :

« se conformer aux lois qui entreront en vigueur en 2024 (au sein de l’UE, ndlr) est difficile. Nous voulons nous assurer non seulement que nous sommes en conformité avec les lois à venir, mais aussi que nous pouvons expliquer de manière crédible comment nous sommes en conformité avec nos normes de documentation et de test. Et cela va malheureusement prendre du temps ».

Le responsable ? Le DMA

S’il ne la nomme pas de manière précise, la loi qu’il évoque est le DMA, le « Digital Markets Act », un règlement européen qui empêche les « gate keepers » – les très grosses plate-formes dont Meta fait partie – d’abuser de leur toute puissance sur leur marché… tout en leur imposant de nouvelles obligations. Or au début du mois de juillet, Meta a bien été officiellement désigné comme entrant dans cette catégorie par la Commission européenne. Ce qui signifie qu’un compte à rebours a commencé : le groupe cofondé par Mark Zuckerberg a six mois pour appliquer le texte – la date limite étant fixée en début d’année 2024.

Et lorsque le journaliste du New York Times met les pieds dans le plat, en demandant, à propos du report du lancement de Threads en Europe, quel était le problème, le responsable d’Instagram botte en touche. La« difficulté n’est-elle pas que la réglementation de l’UE exige des informations précises sur le partage des données entre les applications, et sur la quantité de données de Threads qui peut être partagée avec Instagram et Meta ? », questionne notre confrère. Sans répondre positivement ou négativement, Adam Mosseri évoque la mise en place d’un système à concevoir et à tester, et le fait qu’à la moindre erreur, le groupe serait « durement frappé par les médias ou par les autorités de réglementation, qui nous infligent des amendes. La responsabilité est donc trop grande ».

Le partage des données entre applications problématique ?

Meta serait en pratique confronté à trois problèmes. D’abord, le groupe compte collecter des données relatives à la santé et à la localisation, aux contacts et à l’historique de recherche d’un utilisateur de Threads, éléments qui seraient ensuite combinés avec d’autres data collectées sur les autres plateformes de Meta comme Instagram, Facebook et WhatsApp. L’objectif : établir un profil plus précis d’un internaute, à qui on va proposer des publicités ciblées.

Or, le DMA impose aux « gate keepers » d’obtenir l’approbation des utilisateurs s’ils veulent combiner leurs données personnelles recueillies sur différentes plateformes. En d’autres termes, l’utilisateur doit consentir à ce « mélange » de données, qui est au cœur du modèle économique de Meta. Problème : jusqu’à présent, le groupe de Mark Zuckerberg ne recueille pas ce consentement pour ces données combinées. Il passe d’ailleurs par des moyens juridiques autres que le consentement sous forme « d’opt-in » pour se conformer au Règlement sur les données personnelles – des moyens retoqués par les autorités européennes.

En 2019 par exemple, les autorités outre Rhin avaient déjà ordonné à l’entreprise d’arrêter de combiner les données WhatsApp et Instagram sans le consentement des utilisateurs, cette fois pour non-respect du RGPD, le Règlement européen sur les données personnelles – un arrêt confirmé le 4 juillet dernier par la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE. Ce qui explique les réticences du groupe à lancer un nouveau réseau social qui ferait exactement la même chose, cette fois dans toute l’UE : l’entreprise serait forcément sanctionnée par une autorité européenne à ce sujet si elle ne change pas ses procédures pour recueillir ce consentement.

Le lien entre Threads et Instagram

Deuxième problème : le lien de Threads avec Instagram, qui lui a permis d’atteindre près de 100 millions d’utilisateurs en quelques jours. Pour créer un compte sur Threads, les utilisateurs doivent en effet connecter leurs comptes Instagram et utiliser les mêmes noms de compte. Ensuite, ils peuvent utiliser Instagram pour suivre automatiquement sur Threads les comptes qu’ils suivaient déjà sur cette plateforme. Et pour supprimer un compte Threads, il faut sacrifier son compte Instagram.

Or, le DMA interdit aux « gatekeepers » d’accorder un traitement plus favorable à leurs propres produits sur leurs plateformes qu’à ceux de leurs concurrents – ce que l’on appelle « l’auto-préférence ». Cette notion a été utilisée dans le passé pour décrire par exemple la façon dont Amazon ou Google favorise sur leur plateforme respective leurs propres produits ou services, au détriment de ceux proposés par leurs concurrents. Et selon un chercheur interrogé par The Verge, il pourrait s’agir d’un cas d’auto-préférence sanctionnée par le DMA – mais cela reste à confirmer.

Meta est dans le viseur des autorités européennes

Troisième problème : Meta sait qu’il est dans le collimateur des autorités européennes. En à peine quelques mois, les condamnations et les amendes record n’ont fait que tomber, déjà pour l’absence de recueil du consentement des utilisateurs sanctionnée par le RGPD. Outre l’amende record de 1,2 milliard d’euros décidée par la Cnil irlandaise pour non-respect du RGPD, le groupe a été condamné à payer 390 millions d’euros en janvier dernier, une sanction de 210 millions (pour Facebook) et l’autre de 180 millions d’euros (pour Instagram), à nouveau parce que son traitement des données personnelles – et en particulier celles récoltées à des fins publicitaires – était jugé non conforme au droit de l’UE…

Ajoutez à cela la récente condamnation de la CJUE du 4 juillet dernier, et le fait que sous le DMA, l’amende pourrait être plus que salée en cas de non-respect des obligations. La somme peut en effet aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial total – contre 4% pour une violation du RGPD. D’où une certaine prudence à ne pas lancer un réseau social dont les conditions générales et le recueil du consentement seraient scrutés de près.

Une solution possible serait pour Meta de délier les deux réseaux sociaux (Instagram et Threads) et de permettre aux utilisateurs de créer des comptes Threads avec leur seule adresse électronique, et non avec leur compte Instagram. Le groupe pourrait aussi mettre en place un processus d’obtention du consentement pour les données combinées. Ces mesures seraient susceptibles de ralentir la croissance du nouveau réseau social, mais elles lui donneraient accès au marché de l’UE… sans recevoir les foudres des autorités européennes.

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Source : The New York Times


Votre opinion
  1. On n’a pas besoin de “deviner” ce qu’on savait déjà…
    Vous croyez que seul 01net était au courant ? Sérieusement ?
    Si oui, alors redescendez sur terre et faites dégonfler un peu les chevilles…
    Tous ceux qui lisent 01net ne sont pas des débiles sous informés.

  2. Euh… @Odjef, c’est à toi de redescendre sur terre et de dégonfler, nulle part dans l’article il est suggéré des trucs comme “Y’a que nous qui sommes au courant, c’est une exclu, yooohooo !” 😀

    Je crois que tu brode et que tu invente au fur et à mesure, juste pour troller… Raté !

    Personnellement cet article je le trouve très bien, parce qu’il approfondit le sujet avec plus de détails qu’ailleurs, merci Mme Bascou !

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