Equiper les élèves en tablettes comme le prévoit François Hollande ou les faire travailler en classe avec leurs propres objets numériques ? L’expérimentation de ces deux modes d’enseignement était à l’honneur cette semaine au salon Educatec-Educatice à Paris.
Dans le cas des tablettes, les élèves se voient fournir un matériel identique, plus ou moins contrôlé par l’enseignant. Dans celui du BYOD (« Bring your own device », apportez votre propre appareil), il s’agit d’exploiter sur le plan pédagogique les propres outils – généralement les smartphones – des élèves. Ils sont la plupart du temps interdits au sein des établissements, mais utilisés quand même clandestinement sous la table.
« Nous n’en sommes qu’au début de l’expérimentation des tablettes », avec des appareils imaginés pour le grand public ou pour l’école, souligne Bruno Devauchelle, professeur associé de l’université de Poitiers et rédacteur du site spécialisé Le Café pédagogique, qui a organisé des tables rondes sur les tablettes et le BYOD.
Gaëlle Charcosset, professeur en Saône-et-Loire, a expérimenté un modèle où l’enseignant pilote tout ce que font les écoliers. Elle pouvait déployer sur leurs tablettes « un cours, des exercices, des activités, des consignes précises, récupérer leur travail », d’abord en individuellement puis de manière coopérative.
On peut s’adapter « aux difficultés des élèves. En cas de dyspraxie ou dyslexie, la tablette va avoir un rôle intéressant ». L’outil permet « le travail par l’erreur, effacer, recommencer », dit-elle. « Mes élèves n’ont jamais autant écrit que depuis qu’ils ont une tablette ».
Chacun peut « travailler à son rythme », indique Yves Cohen, ancien directeur d’école. Des élèves qui peinaient encore en CM2 avec les multiplications les ont intégrées, avec un logiciel de sa conception, car « il n’y avait pas la peur du regard des autres ».
Le numérique « a des vertus en termes d’interactivité, de suivi des difficultés personnalisées des élèves », a plaidé la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem devant l’Association des maires de France (AMF), réunie en congrès cette semaine.
« On va équiper les collèges » en tablettes « à partir des classes de 5eme en 2016, année de changement des programmes scolaires. Cela permet aussi d’alléger les cartables », a-t-elle expliqué.
Les sites pilotes cherchent leur voie
Les tablettes constituent « une source de motivation pour les élèves, un atout dans l’amélioration des résultats », selon une maire qui a équipé les écoles de sa commune en Isère.
Au lycée pilote innovant de Jaunay-Clan, près du Futuroscope, les élèves peuvent avoir pour moitié du contenu personnel (musique, films..) sur leur tablette. « On n’a eu que très peu d’usages autres que ceux attendus par l’enseignant en classe », précise l’enseignant documentaliste Pierric Bergeron.
Côté BYOD, quand les élèves apportent leur matériel, ils le connaissent, le maîtrisent, en prennent soin, relève Alain Van Sante, responsable du numérique à l’académie de Rennes. « On peut donc se concentrer sur la pédagogie, moins sur la technologie, même si certains enseignants craignent d’avoir 10, 15 types de matériel ».
Cela implique « un changement de posture », car l’élève pourra « accéder à l’information soumise par le professeur pour la contrôler ».
Autre question, les inégalités : que faire si certains ont un smartphone dernier-cri, d’autres un vieux modèle, voire aucun téléphone ?
Amener son smartphone en classe est « un levier de motivation important, mais si l’élève ne rentre pas dans l’activité telle qu’on l’a construite, ça ne marche pas », prévient Jérôme Staub, professeur d’histoire-géo qui a enregistré avec ses élèves les sons de la ville avec des sonomètres et des smartphones.
Eric Biset, proviseur dans un lycée de l’Essonne, a autorisé le BYOD sur la base du volontariat et estime qu’il faut le faire doucement. Les enseignants s’en emparent peu. Une majorité « a peur, ne maîtrise pas les outils » et craint les usages non autorisés, comme la prise de photos ensuite postées sur Facebook.
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