Google, l’un des acteurs majeurs de la recherche en matière d’informatique quantique, vient de dévoiler sa nouvelle puce baptisée Willow. Composée de 105 qubits, cette puce supraconductrice présente des performances inédites et serait capable de réduire les erreurs de manière exponentielle, résolvant l’un des plus importants écueils rencontrés par l’informatique quantique. De quoi véritablement ouvrir la voie à une ère nouvelle, même si le chemin à parcourir reste encore long.
Qubit et erreurs quantiques : de quoi parle-t-on ?
Un qubit, contraction de “quantum bit” (ou “bit quantique”), est l’unité fondamentale de l’information quantique. Contrairement à un bit classique, qui ne peut prendre que les valeurs 0 ou 1, un qubit peut se trouver dans une superposition de ces deux états. Cette propriété unique permet aux ordinateurs quantiques d’explorer simultanément un nombre exponentiel de possibilités, ouvrant la voie à des capacités de calcul sans précédent.
Hélas, les qubits sont des systèmes extrêmement fragiles et sensibles aux perturbations de leur environnement. Les erreurs quantiques, telles que les erreurs de bit-flip (bascule d’un qubit d’un état à un autre), de phase-flip (modification de la phase relative entre deux états d’un qubit), de fuite (erreurs de contrôle ou de mesure rendant le qubit inutilisable) ou encre de décohérence (perte d’information quantique au fil du temps), peuvent survenir et altérer l’information stockée dans les qubits, compromettant la fiabilité des calculs.
Willow : un pas de géant dans la correction d’erreurs
La véritable force de Willow réside justement dans sa capacité à mettre en œuvre une correction d’erreurs quantiques de manière efficace. La technique utilisée, théorisée depuis près de 30 ans, vise à protéger l’information quantique en regroupant les qubits physiques en réseaux appelés “codes de surface”. Chaque code de surface utilise un réseau carré de qubits pour former un qubit logique plus robuste. La théorie prévoit que plus le code de surface est grand, plus le qubit logique est protégé et plus les performances s’améliorent.
Cependant, augmenter la taille du réseau implique également d’accroître les possibilités d’erreurs. Willow marque une rupture en démontrant une suppression exponentielle des erreurs avec l’augmentation de la taille du code de surface. Autrement dit, chaque fois que la taille du réseau est augmentée, le taux d’erreur encodé est divisé. Ces résultats confirment les prédictions théoriques et prouvent que la correction d’erreurs quantiques est bel et bien possible. Willow devient ainsi le premier prototype de qubit logique évolutif réellement convaincant, capable de dépasser les limitations de ses composants physiques.
Des performances stupéfiantes face aux supercalculateurs classiques
Pour évaluer les performances de Willow, Google a utilisé un benchmark standard baptisé RCS (Random Circuit Sampling, ou “échantillonnage de circuits aléatoires”). Il consiste à exécuter des circuits quantiques aléatoires, composés de portes quantiques appliquées dans un ordre arbitraire, sur un processeur quantique. Le processeur produit ensuite une série de résultats, correspondant aux mesures des qubits à la sortie du circuit. La difficulté pour les ordinateurs classiques réside dans la simulation de ces circuits aléatoires et la reproduction de la distribution de probabilité des résultats de mesure.
Considéré comme l’un des plus difficiles pour les ordinateurs classiques, ce test permet de comparer efficacement les capacités des ordinateurs quantiques à celles des supercalculateurs. Et les résultats obtenus par Willow sont prodigieux : la puce a réalisé en moins de cinq minutes un calcul qui prendrait 10 septillions d’années (c’est-à-dire 1025 ans, soit un 1 suivi de 25 zéros) à l’un des supercalculateurs actuels les plus puissants. Ce chiffre, qui dépasse largement l’âge de l’univers, illustre de manière spectaculaire le potentiel de l’informatique quantique.
Willow se positionne comme la puce la plus performante à ce jour, tant en termes de correction d’erreurs que de performance au benchmark RCS. Les temps de cohérence, qui mesurent la durée pendant laquelle les qubits peuvent conserver leur état quantique, ont également été considérablement améliorés, atteignant près de 100 microsecondes. Ces performances confirment que l’informatique quantique entre dans une nouvelle ère, avec des capacités de calcul inaccessibles aux machines traditionnelles et à l’informatique “binaire”.
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Vers des applications concrètes de l’informatique quantique ?
Malgré ces avancées, le chemin vers des applications quantiques concrètes reste long. Le prochain défi pour le domaine est de démontrer un premier calcul utile sur les puces quantiques actuelles, pertinent pour une application réelle. Jusqu’à présent, les expériences se sont concentrées sur des benchmarks comme le RCS, qui mesurent la performance synthétique par rapport aux ordinateurs classiques mais n’ont pas d’applications pratiques connues, ou sur des simulations de systèmes quantiques scientifiquement intéressantes mais qui restent réalisables en un temps raisonnable sur des ordinateurs classiques.
L’objectif est désormais de combiner ces deux aspects : réaliser des algorithmes inaccessibles aux ordinateurs classiques tout en étant utiles pour des problèmes concrets. Google est optimiste quant à la capacité de la génération de puces Willow à atteindre cet objectif. L’entreprise encourage d’ailleurs la collaboration et l’innovation en mettant à disposition des chercheurs, des ingénieurs et des développeurs ses logiciels open source et ses ressources éducatives.
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Source : Google Quantum AI