Dans la course au quantique, outre les startups (notamment françaises) et les grands noms historiques du hardware que sont IBM ou Intel, on retrouve aussi les géants du logiciel et du web que sont Google et Microsoft. Dans le cadre de son sommet Azure Quantum, ce dernier vient d’annoncer avoir enfin réussi à créer des qubits d’un genre unique. Conçus autour de quasi-particules appelées fermions de Majorana, du nom d’un célèbre physicien italien du début du XXe siècle, ces qubits auraient comme propriété d’être bien plus stables et moins sujets aux erreurs que les solutions actuelles.
Today, we are bringing together AI and quantum with Azure Quantum Elements, ushering in a new era of scientific discovery. Our goal is to compress the next 250 years of chemistry and materials science progress into the next 25. https://t.co/UIkIZpqkXg
— Satya Nadella (@satyanadella) June 21, 2023
Microsoft est tellement content de lui-même, que c’est par la voix de son patron, Satya Nadella, que l’entreprise affirme que leur « but est de compresser les 250 prochaines années de progrès en chimie et sciences des matériaux dans les 25 années qui arrivent ». Une affirmation dont le degré de confiance n’a d’égal que le ton assuré de Krysta Svore, la vice-présidente du développement du quantique chez Microsoft. Pour qui, cette découverte est « similaire à l’invention de l’acier qui a mené au lancement de la révolution industrielle ».
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S’il n’y a aucun doute que l’ordinateur quantique a, sur le papier, la puissance de calcul théorique suffisante pour permettre à l’humanité de faire des pas de géants dans de nombreux domaines, le doute plane sur le fait que Microsoft soit celui qui mène cette révolution. Car ses précédentes annonces dans le domaine, notamment autour du fermion de Majorana, ont été prouvées fausses par la communauté scientifique. Qui, fidèle à son rôle, doute.
Un nouveau type de qubit et un rêve de cloud
Plusieurs technologies s’affrontent encore dans la quête vers l’ordinateur quantique : quand IBM a choisi la voie des supraconducteurs et Intel celle des qubits de spin, Microsoft a choisi un territoire encore plus exploratoire. À savoir la construction de qubit à partir de particules appelées « fermions de Majorana ». Ces briques élémentaires – à la manière des électrons, des protons, etc. – ont comme propriété assez peu intuitive d’être leur propre antiparticule. Inexistante dans la nature, la particule de Majorana a cependant été observée dans des expériences mêlant semi-conducteurs et supraconductivité.
La première question est de savoir pourquoi Microsoft a préféré cette voie ? La réponse est, comme bien souvent, sans aucun doute multifactorielle. Ce que l’on sait, c’est que l’entreprise n’avait aucun intérêt à être un suiveur – le retard se rattrape rarement. Et, dans le cas de la piste supraconductrice, il est difficile d’être devant IBM qui est un des inventeurs du champ scientifique. Ensuite, il y a un argument physique : la grande majorité des pistes explorées dans le domaine se heurtent toutes à un problème similaire qui est celui de la génération d’erreurs.
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Le caractère instable du monde quantique fait que les qubits des machines actuelles commettent des erreurs. La nature même de la quasi-particule choisie par Microsoft promet, sur le papier, une bien plus grande stabilité que les solutions concurrentes. Qui sont toutes très sensibles à la température et aux rayonnements électromagnétiques extérieurs.
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En tant que grand champion du cloud, c’est évidemment dans les nuages que Microsoft voit son futur ordinateur quantique. Tout comme IBM et sans aucun doute Google, qui cherchent tous à rajouter une corde à leur arc en matière de « computing ». Ici, une puissance de calcul qui transformerait des milliers d’années de calcul intensif en un claquement de doigt, ou presque. Le hic dans la stratégie de Microsoft, c’est qu’alors qu’Intel va livrer ses premiers processeurs quantiques aux universitaires et qu’IBM déroule une feuille de route sans faille depuis des années, il n’en va pas de même pour le géant.
De sérieux doutes planent
Interrogés par nos confrères de New Scientist, des physiciens de l’université de Basel en Suisse, de Delft aux Pays-Bas ou de Caltech (USA) demeurent sceptiques. Il expliquant notamment que « les protocoles (employés) par Microsoft ne sont pas sans failles », que « rien n’est sûr tant qu’une autre équipe n’a pas reproduit les mêmes résultats » voire remettent en cause le niveau actuel de la qualité des matériaux – dont la pureté et la régularité est capitale dans la voie choie par Microsoft.
Alors que des « petits » comme Quandela annoncent des constructions de petits sites industriels, que des grands comme Intel ou IBM avancent des pions techniques au travers de communications précises, les stratégies de Google et ici, de Microsoft, se cantonnent à des articles scientifiques – jusqu’ici critiqués, qu’il s’agisse de la prétendue suprématie quantique du premier, ou des premières publications bancales sur les fermions de Majorana du second. La seule chose tangible que Microsoft apporte aujourd’hui, est l’introduction de savoir quantique dans Copilot qui peut désormais écrire du code quantique ou dispenser des cours autour de la discipline. C’est déjà un début.
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Source : New Scientist