Si vous achetez un smartphone sous Android, il y a peu de chances qu’il vous soit vendu sans Google Maps ou YouTube et que son moteur de recherche par défaut soit autre que celui de Google. La présence des services de l’entreprise américaine est due à des clauses contractuelles imposées aux fabricants qui désirent vendre des appareils sous Android. Pour l’Open Internet Project (OIP) – une association regroupant des éditeurs comme Axel Springer ou des acteurs concurrents comme le français Qwant – il s’agit d’un abus de position dominante de la part de Google, dont l’OS équipe 81,6% des smartphones du marché. A ce titre, l’OIP vient de déposer une plainte auprès de la Commission Européenne.
L’utilisateur pénalisé?
L’association attaque Google sur trois fronts. Il est d’abord reproché au Californien de forcer les fabricants à préinstaller et à placer ses services à des endroits stratégiques, de sorte que l’utilisateur ne soit tenté d’en changer. L’OIP attaque également l’obligation pour les partenaires d’installer Google Search en tant que moteur de recherche par défaut, qu’il s’agisse de la barre de recherche placée sur l’écran d’accueil, de la reconnaissance vocale ou de la recherche par le navigateur Web – Chrome ou autre. Enfin, l’association souhaite que Google cesse de faire pression sur les fabricants pour les empêcher de développer leurs propres OS dérivés, les «forks».
Du point de vue du consommateur, bénéficier de l’écosystème Google est souvent perçu comme un atout. Pour l’OIP, la situation empêche au contraire l’apparition de concurrents dans des domaines essentiels comme la cartographie, la vidéo ou la recherche sur Internet. A l’arrivée, ce manque de concurrence priverait les clients d’une partie de l’innovation et d’une éventuelle baisse des prix des terminaux.
La plainte de l’OIP s’ajoute à une procédure déjà ouverte par la Commission Européenne à ce sujet, en avril 2015. Un an plus tard, l’institution avait conclu à titre préliminaire que «Google a mis en œuvre une stratégie relative aux appareils mobiles qui vise à préserver et à renforcer sa position dominante dans le secteur de la recherche générale sur l’internet». Parmi les attitudes jugées préoccupantes, l’interdiction pour tout fabricant produisant des appareils tournant grâce à un «fork» Android de préinstaller la moindre application Google.
Quand Google s’insurgeait contre Microsoft
Rappelant l’époque des enquêtes contre Microsoft, la Commission Européenne pointait également du doigt l’obligation pour tout fabricant désirant installer le Google Play Store sur ses appareils d’imposer Google Search en tant que moteur de recherche par défaut, et Chrome en navigateur. Autant d’accusations partagées par l’institution européenne et l’Open Internet Project, mais rejetées en bloc par Google dans un billet de blog publié en novembre dernier.
Sur son site, l’entreprise explique désormais qu’aucun fabricant n’est tenu de pré-installer les applications Google sur un appareil Android. Elle affirme également que tout fabricant peut développer sa propre version d’Android, mais sans confirmer qu’il est toujours libre d’installer ses applications. Elle explique enfin que ses services doivent être utilisés de façon groupée car «les applications mobiles de Google sont également conçues pour fonctionner ensemble».
Dans tous les cas, l’Américain ne devrait pas être inquiété dans les prochains mois. Comme le rappelait l’OIP à l’occasion d’une conférence de presse tenue ce 8 mars, ces procédures sont longues et prennent plusieurs années. En l’absence de mesures provisoires, le temps joue donc en faveur de Google.
Mais à long-terme, l’entreprise californienne pourrait risquer gros. Sa position dominante sur le marché du smartphone est désormais attaquée en Europe, mais aussi en Turquie, en Corée du Sud et aux Etats-Unis. A l’arrivée, des condamnations pourraient coûter très cher – jusqu’à plusieurs milliards d’euros – et obliger Google à modifier ses pratiques.
En 2013, Microsoft avait été condamné à payer 561 millions d’euros pour avoir privé ses utilisateurs du choix de leur navigateur. Quelques années plus tôt, Marissa Mayer fustigeait Microsoft pour avoir privilégié MSN – son service de recherche de l’époque – auprès des utilisateurs d’Internet Explorer . «Nous pensons que Microsoft a tort de configurer MSN comme moteur de recherche par défaut. Selon nous, les utilisateurs devraient avoir le choix», expliquait celle qui était alors… vice-présidente de Google.
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