Décidément, Dacia n’est pas un constructeur auto comme les autres. Quand ses concurrents se tournent massivement vers les SUV 100 % électriques, lui commercialise un break 7 places full hybride. Pour autant, ce virage stratégique n’est pas tout à fait anodin pour le constructeur. Si officiellement « l’esprit Dacia » est préservé, avec une proposition au rapport qualité/prix unique, les clients habituels, sensibles à l’argument du prix, seront-ils prêts à accompagner leur marque fétiche vers des sommets tarifaires encore jamais atteints ? Si Dacia veut espérer convaincre, il doit jouer sur deux arguments. Une montée en gamme de son véhicule, mais surtout sur la possibilité de réaliser des économies sur la durée.
C’est avec cette interrogation en tête que nous avons abordé l’essai de ce Jogger hybride qui nous a mené sur les routes portugaises entre Lisbonne et Setúbal, sur près de 300 km.
« Elle est belle pour une Dacia »
Voilà quelques années que Dacia a opéré une mue esthétique remarquée. Il est loin le temps de la première Logan, laide à souhait. Pour autant, le constructeur roumain paye toujours les pots cassés de ses errements esthétiques d’antan et traîne malgré tous ses efforts une réputation assez médiocre en matière de goût. Pourtant, s’il ne fallait qu’un contre-exemple pour illustrer tout le chemin parcouru depuis le retour au premier plan de Dacia en 2004, le design de ce nouveau Jogger suffirait. Bien entendu, le break de la marque n’en est pas à courir les concours d’élégance, loin de là, mais ses traits se sont harmonisés et son design global ne jure plus avec le décor environnant.
Esthétiquement, tout l’avant de ce Jogger a été emprunté à la Sandero, y compris l’habitacle. Mais ce qui distingue le « nouveau » break de son prédécesseur, c’est cette nouvelle face avant reprenant la nouvelle identité visuelle de la marque et le logo dévoilé l’été dernier. L’arrière a des faux airs de Volvo et le tout paraît relativement cohérent.
Économie de subsistance
Une fois à l’intérieur du Jogger, il est inutile de chercher des signes extérieurs de richesse. Dacia fait du Dacia, en optant pour des matériaux simples et sans chichi. Néanmoins, si les plastiques bas de gamme et les écrans d’un autre temps étaient des compromis acceptables pour une voiture à 15 000 euros, il est permis de se demander si une proposition aussi modeste convient à un véhicule vendu 10 000 euros plus cher. En effet, Dacia n’a jamais fait de la qualité des finitions un argument de vente, la Spring étant d’ailleurs le parfait exemple de cette stratégie. Mais jusqu’ici, ce choix s’accompagnait de tarifs particulièrement agressifs. Or, dans le cas du Jogger Hybrid 140, il faudra bien accepter de composer avec un triste écran tactile de 8 pouces et un OS particulièrement dépouillé, entre autres.
Les possibilités offertes par le système d’info divertissement sont très réduites, même si un gestionnaire de consommation, le fameux « Driving Eco » permet d’avoir un aperçu de son éco-conduite… quand il ne fait pas de la publicité pour les huiles Castrol. Pour le dire clairement, nous avons moyennement apprécié les conseils d’achat très orientés du constructeur directement intégrés dans l’interface du véhicule.
Par ailleurs, notre fibre nostalgique s’est (malheureusement) réveillée lorsqu’il a fallu utiliser la navigation de cet OS signé Dacia. Celle-ci provient en réalité du service Map-Care. Dans le niveau d’affichage, comme dans celui de la navigation, les performances sont proches d’un bon TomTom des années 2000. Et ce n’est pas le service associé de Dacia qui nous contredira puisque le constructeur offre généreusement six mises à jour de la cartographie… pendant trois ans. Des pratiques désuètes pour un GPS d’un autre temps.
Fort heureusement, tous ces soucis, ou presque, disparaissent dès lors que l’on branche son smartphone au véhicule. Apple CarPlay ou Android Auto se substitueront volontiers à l’OS maison, même s’il faudra toujours composer avec la définition médiocre de l’écran. En résumé, l’intérieur du Jogger hybride offre lui aussi peu de surprises. C’est sur les matériaux utilisés et sur le nombre et la qualité des services et autres aides à la conduite que Dacia réalise ses économies les plus importantes.
Motorisation : du full hybride, signé Renault
Bien que la mention E-Tech n’apparaisse nulle part chez Dacia, il n’y a pas de doute sur l’origine de ce « nouveau » moteur hybride chez le constructeur. Il s’agit tout simplement de l’ancien de Renault. Celui-ci est un moteur 4 cylindres de 1,6 L en essence de 90 ch qui est associé pour l’occasion à un double moteur électrique (un moteur de 50 ch et un démarreur/générateur haute tension). Le tout est combiné à une boîte de vitesses automatique électrifiée à 4 rapports (deux pour le thermique et deux autres pour l’électrique), il n’y a donc pas d’embrayage à proprement parler, ce qui rend la technologie de Renault assez singulière sur le marché. Dans sa version Dacia, ce moteur ne change pas d’un iota. Comme son prédécesseur, il permettrait de rouler, en théorie, 80 % du temps en électrique en ville et de réduire jusqu’à 40 % sa consommation en cycle urbain.
Surtout, dans cette même ville et à bas régime, il offre tous les avantages d’une voiture électrique, à savoir l’absence de tout bruit de moteur, dès le démarrage et, bien sûr, la garantie de pouvoir rouler en toute légalité dans les zones à faibles émissions (ZFE). Pour peu que sa batterie de 1,2 kWh soit suffisamment chargé, il peut parcourir des kilomètres sans réveiller le 4 cylindres et son vrombissement.
Autonomie/consommation : idéale pour voyager ?
Le Dacia Jogger hybride permet-il vraiment de faire des économies ? C’est ce qu’annonce son constructeur en affichant un alléchant 4,9 L/100 km pour sa consommation. Si l’on extrapole cette valeur, un plein sur le Jogger autoriserait à parcourir 900 km, de quoi faire du break une routière absolue. Au cours de notre essai, sur un peu moins de 300 km, nous avons pu observer une consommation tout à fait similaire à ce qu’annonce Dacia. Nous sommes tout simplement parvenus à 4,9 L/100 km. Quant à la distance parcourue en électrique, notre compteur nous a gratifié d’un très flatteur 143,9 km.
Précisons tout de même que l’essai s’est déroulé majoritairement sur des routes secondaires, même si nous nous sommes aventurés quelques fois sur l’autoroute, et que nous avons bénéficié de conditions climatiques idéales. Pour le reste, force est de constater que le Jogger tient ses promesses, ce qui est tout sauf une évidence lorsqu’on sait que cette version hybride du break ajoute 180 kg sur la balance par rapport aux versions thermiques classiques commercialisées l’an dernier. En définitive, l’argument majeur du Jogger Hybrid 140 se vérifie donc à l’usage.
Le Jogger hybride, ça donne quoi sur la route ?
La version Hybrid 140 n’est pas seulement la seule à être électrifiée sur ce modèle, c’est également la plus puissante de la gamme. Jusqu’ici, le break « pas cher » se contentait d’une motorisation de 110 ch. Cet ajout de puissance est plus que bienvenu. Le Jogger n’en devient pas un foudre de guerre pour autant, mais il autorise quelques reprises bien senties et une accélération plaisante et bien dosée.
En ville, on adoptera volontiers le mode « B » (pour break) qui renforce le freinage régénératif du véhicule et qui permet presque de conduire à une seule pédale. Malheureusement, celui-ci ne va pas jusqu’à l’arrêt, ce qui aurait permis d’apporter un peu de fun à la conduite urbaine du break.
Dans les courbes, le Jogger souffre légèrement de son poids et de son gabarit, mais là qualité de son châssis lui permet d’afficher un bilan positif. Au final, le break de Dacia n’a pas perdu ses qualités de conduite en changeant de moteur, bien au contraire. Néanmoins, il affiche quelques légers défauts. D’une part, qualité des matériaux oblige, il souffre d’une isolation phonique déficiente. Si vous partez pour de longues heures de route, prévoyez une bonne playlist capable de couvrir les bruits de roulage de la voiture. D’autre part, la fermeté de ses suspensions et la façon dont le Jogger filtre les aspérités de la route n’en font pas la voiture la plus confortable de sa catégorie, même si là aussi ses performances doivent être jugées au regard de son prix.
Le prix du Jogger hybride est-il un souci ?
Dacia aurait-il oublié d’où il vient et à quoi il doit son succès ? Il y a un monde entre les 11 490 euros demandés par le plus abordable des Sandero et les 26 500 euros de notre version d’essai du Jogger Hybrid 140… Et pourtant, la proposition du constructeur n’a rien d’indécent, bien au contraire. Elle doit surtout être jugée au regard de la concurrence. Or, ce n’est pas compliqué, de concurrents réels, le break hybride de Dacia n’en a presque pas.
Du point de vue du gabarit, les breaks des marques généralistes sont bien plus chers. Quant aux SUV permettant d’accueillir sept passagers, ils jouent dans une autre division en matière de prix. Ce n’est pas mieux lorsqu’on regarde du côté de la motorisation, pour trouver une proposition équivalente, il faut débourser près de 30 000 euros, chez Renault avec un Captur Hybrid bien moins polyvalent.
Finalement, le seul véritable concurrent de ce Jogger n’est autre qu’un autre Jogger. La version ECO-G du break de Dacia, sortie l’an dernier et affichée à partir de 16 990 euros (en 5 places), devrait garder un léger avantage sur le strict plan du rapport qualité/prix, mais pour le reste, la version Hybrid 140 est imbattable.
Verdict
Au cours des dernières années, Dacia a assurément amélioré son image de marque. Mais l’a-t-il fait suffisamment pour convaincre ses clients de dépenser plus de 25 000 euros pour l’un de ses modèles ? C’est tout l’enjeu de ce Jogger Hybrid 140 censé incarner « l’hybridation selon Dacia ». Pour notre part, le pari de ce Jogger est plutôt réussi. Le constructeur est parvenu à intégrer de manière efficace la technologie hybride E-Tech de Renault sans trahir sa promesse initiale : être le véhicule sept places électrifié le moins cher du marché. Sans concurrent à ce niveau, le Jogger se place sur la voie du succès. Pour autant, il faudra, plus encore que d’habitude, accepter une baisse certaine de qualité et un petit voyage dans le passé dès lors qu’on accède à l’habitacle. Si toutefois cet obstacle ne vous effraie pas, le Jogger s’annonce comme un excellent choix.
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Verdict : ce n’est ni plus ni moins qu’un Logan break “MCV”, prix neuf 8800 €