Mise à jour au 19/07/2023 à 09h01 : une semaine après sa nomination suivie d’une vague de contestation, Fiona Scott Morton a déclaré dans une lettre qu’elle se résignait à refuser le poste d’économiste en chef à la Direction générale de la concurrence. Margrethe Vestager, la Commissaire européenne de la concurrence, a exprimé son regret et a tenu à souhaiter « qu’elle continuera à utiliser ses compétences extraordinaires pour faire pression en faveur d’une application stricte de la concurrence ». Fiona Scott Morton terminait sa lettre en indiquant à Margrethe Vestage avoir « hâte de travailler ensemble à l’avenir ».
Hier, le Président de la République française Emmanuel Macron sortait du silence et s’exprimait sur le débat autour de la nomination de Fiona Scott Morton. Il se disait alors « dubitatif », tout en soulignant que « tous les systèmes académiques européens » allaient avoir un problème « si nous avons aucun chercheur [européen] de ce niveau ». À l’avenir, les règles devraient donc être plus explicites s’il s’avérait que la citoyenneté européenne était obligatoire pour remplir un rôle pareil.
Professor Fiona Scott Morton has informed me of her decision to not take up the post as Chief Competition Economist. I accept this with regret and hope that she will continue to use her extraordinary skill-set to push for strong competition enforcement https://t.co/8WSmWYc4LV pic.twitter.com/W3Zb34in7N
— Margrethe Vestager (@vestager) July 19, 2023
Article original :
Un laissez-passer qui ne passe pas. Depuis mardi 11 juillet et la nomination de Fiona Scott Morton en tant qu’économiste en chef de la Direction générale de la concurrence, la France a tenté en vain d’exhorter la Commission européenne à revoir son choix. Sur les onze candidatures reçues pour ce rôle clé de production d’analyses financières et de conseil, l’économiste en chef aura l’importante responsabilité de travailler de pair avec la Commissaire européenne de la concurrence, rôle actuellement occupé par Margrethe Vestrager.
C’est d’ailleurs la femme politique danoise, précédemment ministre de l’Intérieur et grande responsable des nombreuses amendes collées aux géants du web, qui s’est entretenue avec Fiona Scott Morton et validé sa nomination. Un choix controversé qui a particulièrement soulevé les eurodéputés des quatre plus gros groupes politiques représentés au Parlement européen (Renew Europe Group, European’s People Group, Progressive Alliance of Socialists and Democrats group, et Green-European Free Alliance group).
A l’initiative @RenewEurope, les présidents des 4 groupes pro-européens du Parlement 🇪🇺 protestent contre la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton comme chef économiste de la DG concurrence de la Commission européenne. pic.twitter.com/xSfuirnbaj
— Hughes Beaudouin 🇫🇷🇮🇸 (@hbeaudouin) July 14, 2023
Tous ont tenté de changer les choses, aussi, du côté français : du ministre délégué à la transition du numérique Jean-Noël Barrot, à la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna. Le président du Medef sur le départ, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann ou encore Yannick Jadot se joignaient à la sidération.
🆘The appointment of Fiona Scott Morton as the new EU Chief Competition Economist is notable (and questionable) for several reasons.
A thread 🧵 @ProfFionasm pic.twitter.com/FN925MiMZO
— Alberto Alemanno (@alemannoEU) July 13, 2023
Ils tiraient le signal d’alarme en attirant l’attention sur le rôle clé du poste dans la surveillance de Google, Apple, Meta (Facebook), Amazon et Microsoft, à l’heure où la mise en place du Digital Markets Act entre dans sa phase la plus critique de mise en application.
Texte approuvé le 2 novembre 2022, il est techniquement entré en application le 2 mai dernier. Les « contrôleurs d’accès », autrement dit les géants de la tech concernés par le texte de loi, ont jusqu’au 6 mars 2024 pour se plier aux nouvelles obligations qui les concerneront désormais dans l’Union européenne, et le ton est déjà monté d’un cran, notamment avec Microsoft, alors que l’échéance est dans huit mois. À la Direction de la concurrence sont aussi validés ou non les fusions les acquisitions, ainsi que les aides pour les Etats membres.
Conflit d’intérêts, citoyenneté, lobbyisme
« Tant qu’elle n’a pas signé son contrat, ça peut bouger », confiait avec prudence un haut fonctionnaire européen au journal Le Monde, vendredi 14 juillet. Au même moment, la Commission européenne confirmait une nouvelle fois qu’il n’était pas question de revoir le choix. « Nous ne voyons aucune raison de reconsidérer cette nomination » disait un porte-parole, en détaillant que « le Collège [des Commissaires] a pris une décision ». Le CV de Fiona Scott Morton a été plusieurs fois rappelé, soulignant sa formation académique et son expérience dans des postes économiques stratégiques chez les GAFAM qui l’aidera à accomplir les tâches de ses nouvelles missions.
Fiona Scott Morton savait, au moment de sa candidature, qu’une résistance allait arriver, elle qui a pris l’habitude de s’exprimer via Mastodon plutôt que Twitter. « Je ne veux pas publier ici car je ne veux pas donner gratuitement du contenu qui enrichira son propriétaire » sous-entendait elle en février dernier à propos d’Elon Musk.
Elle se défendait alors, dans ses documents, de n’avoir jamais été salariée d’aucun cabinet de consultant et qu’elle avait simplement été consultante indépendante. Pas de quoi écarter les eurodéputés français de leur peur de potentiel conflit d’intérêts – certains appuyant aussi uniquement le fait que l’économiste soit une Américaine et non « une citoyenne européenne ». Après avoir été cadre sous l’administration Obama, consultante pour Apple et Amazon, Fiona Scott Morton devenait experte économique au compte de Microsoft pour peser dans les discussions sur le rachat d’Activision Blizzard.
Au sein du Medef, l’organisation patronale française, la pilule est encore moins passée. A l’heure de sa transition de présidence, le mouvement critiquait le manque de transparence dans les recrutements aux postes clés des institutions européennes. En parallèle, il proposait une loi protectionniste permettant de prioriser les candidatures de ressortissants européens pour éviter notamment la situation dans laquelle s’est embarquée la Commission européenne et la Direction de la concurrence. “Nous n’avons pas travaillé d’arrache-pied pour réglementer les GAFAM, pour ensuite faire confiance à leur lobbyiste pour mettre en œuvre ces règles“, tweetait Raphaël Glucksmann, l’eurodéputé du parti Place Publique.
À la « DG Comp », comme elle est appelée en interne (pour Directorate-General for Competition), l’heure serait donc à retrouver « la souveraineté et une autonomie stratégique (…) il est regrettable de retrouver dans l’administration bruxelloise toujours autant de naïveté et d’indifférence, voire de mépris pour l’opinion publique européenne à quelques mois de futures élections majeures pour l’avenir de l’UE ». La Tour Madou près du Centre de Bruxelles offre une vue à 360 sur les alentours, et donnera les clés à son prochain économiste en chef de la souveraineté européenne, notamment sur le plan numérique.
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Combien de millions $$$ les GAFAM ont versé à ces ignares bruxellois pour que cette amerloc prenne la “place” ?
Quand on est pas un traitre on quitte cette europe corrompue , FREXIT
La MAJ du 19/07 est mauvaise.
” Fiona Scott Morton a déclaré dans une lettre qu’elle se résignait à accepter le poste d’économiste en chef à la Direction générale de la concurrence. ”
Elle ne se résigne pas, elle se retire…