La régulation des télécommunications et de l’audiovisuel est soumise à rude épreuve. Trois facteurs accentuent la pression sur cette régulation à la française : la révolution du Net, la convergence numérique et la consécration de l’usage éminemment marchand des services de communication. En quelques années, l’univers dans lequel interviennent le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) s’est transformé pour laisser place à un monde nouveau, où le mouvement est rapide et où les acteurs sont en reconfiguration permanente. Un univers concurrentiel aux antipodes de la programmation administrée par une autorité publique, fût-elle ‘ indépendante ‘ du gouvernement.
L’évolution technologique multiplie les canaux d’accès
Compétent pour l’attribution des fréquences dédiées aux services audiovisuels, le CSA affectera les bouquets numériques de la nouvelle génération de télévision hertzienne terrestre. Le législateur a revu plusieurs fois sa copie, hésitant devant la conduite à tenir : doit-on allouer un bouquet à un éditeur qui répartirait les canaux numériques entre des programmes distincts, ou garder la haute main sur la composition de chaque bouquet, alors assemblé selon un choix de politique publique ? Bien que plus contraignante pour l’organisation du marché, cette seconde hypothèse a les faveurs du gouvernement et du CSA. On pourrait résumer ce dispositif par x canaux pour les chaînes du service public, x canaux pour les groupes privés bien établis (TF1, Canal+ et M6) et x canaux pour les nouveaux entrants potentiels (Lagardère, NRJ et Pathé).
Le numérique hertzien terrestre appelle pourtant une régulation au goût du xxie siècle, tant l’évolution technologique multiplie les voies d’accès aux programmes et fait disparaître la prétendue rareté des ondes. Les centaines de chaînes par satellite, les milliers de radios et les centaines de programmes accessibles par le Net offrent un choix très large.
Les zones d’ombre des concours de beauté
Il faut avoir l’esprit bien étroit – ou rétrograde – pour croire que l’on pourra imposer durablement, en France, une programmation numérique moins ouverte à la concurrence que ne le sont les bouquets acheminés par satellite ou les programmes du Web. Personnifiée par l’ART, la régulation des télécommunications rencontre également des difficultés d’ajustement : le concours, ouvert l’hiver dernier pour attribuer diverses licences de boucle locale radio (BLR), préfigure les questions qui se posent désormais pour l’attribution des fréquences UMTS de la prochaine génération de téléphones cellulaires. Soulevées implicitement au fil des derniers mois, non clairement résolues à ce jour, ces interrogations concernent notamment le mode de sélection des candidatures et les conditions d’accès aux fréquences.
Pour ce qui est du mode de sélection, la place réservée aux sortants a-t-elle une autre raison d’être que de leur garantir une rente durable ? Quelle place les opérateurs étrangers peuvent-ils espérer sur le marché français ? A contrario, quelles raisons justifieraient une préférence en faveur de consortiums à majorité nationale ? Ces questions ont été, pour l’essentiel, éludées, vraisemblablement parce qu’il n’était pas aisé d’y répondre explicitement. Une ombre plane donc sur ce concours de beauté, où l’on préfère ne pas avoir à choisir sur la base des critères actuels.
La neutralité des pouvoirs publics à rude épreuve
Quant aux conditions d’accès au spectre, on retrouve ici l’ambiguïté qui pèse depuis des lustres sur le statut d’exploitant d’une fréquence radioélectrique en France. Autorisation accordée par la puissance publique, dans des conditions temporaires et, en principe, précaires, comme l’est toute occupation d’une portion du domaine public (un trottoir, pour une terrasse de café, par exemple) ; autorisation sans valeur patrimoniale, obtenue, par conséquent, sans payer de droit d’accès, mais assortie d’une redevance annuelle pour la gestion du spectre, dont le montant est répercuté sur le coût des services offerts. Mais, le véritable défi d’une mise aux enchères des fréquences, à l’instar de la démarche de nos voisins allemands, aurait été d’imposer au régulateur comme au gouvernement une position parfaitement neutre d’observateur, ou d’arbitre, mais pas de sélectionneur ! Une obligation de réserve qui ne semble guère satisfaire les pouvoirs publics, visiblement peu enclins à laisser jouer la concurrence entre entreprises commerciales. En définitive, nous assistons sans doute aux derniers feux d’une régulation qui se refuse à admettre qu’elle ne peut plus être le deus ex machina du marché et d’une politique publique qui risque de retarder l’avènement d’une société de l’information que le Premier Ministre appelle pourtant ardemment de ses v?”ux…
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