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Stéphane Richard veut faire payer Netflix, Google et Meta pour emprunter les réseaux des opérateurs

L’actuel patron d’Orange est à l’initiative d’une tribune de plusieurs opérateurs européens pour exiger que les grands acteurs américains participent au coût des infrastructures Internet dont ils profitent.

Stéphane Richard a beau être sur le départ, il continue de défendre bec et ongles les intérêts d’Orange. Il s’est distingué cette semaine par son lobbying auprès de la Commission européenne pour obtenir que les GAFAM contribuent au financement des infrastructures Internet.

« Il y a la nécessité d’un rééquilibrage de la contribution de chacun en Europe », a-t-il confirmé lors d’une conférence de presse suivant la publication des résultats financiers annuels d’Orange ce jeudi.

« Le poids des infrastructures revient en totalité au secteur télécom qui est soumis à de multiples contraintes de tous ordres », a-t-il tempêté. Une anomalie qu’il entend combattre. « Ces grands acteurs américains, innovants et performants, profitent finalement de nos investissements considérables dans la fibre optique, la 4G ou la 5G, pour pousser leurs services sans du tout y contribuer (..) Tout le monde a en mémoire la phrase de ce sympathique Eric Schmidt, ancien patron de Google : vous faites les investissements, je fais les profits »», a encore dénoncé Stéphane Richard.

Il y aurait urgence d’après les opérateurs

Le patron d’Orange a donc pris l’initiative d’une tribune publiée dans le Financial Times cette semaine, conjointement avec ses homologues Vodafone, Telefonica et Deutsche Telekom. Elle s’intitule Appel aux grandes plates-formes de contenus à contribuer au coût de l’infrastructure numérique européenne qui supporte leurs services. Tout un programme.

Les signataires affirment que « le streaming vidéo, les jeux et les réseaux sociaux hébergés par une poignée de plates-formes de contenus numériques représentent plus de 70 % de l’ensemble du trafic de données sur les réseaux ». Un trafic qui est voué à croître chaque année. Or, les opérateurs seraient contraints d’investir toujours plus avec de moins en moins de rendement. Le texte affirme carrément que la situation ne serait plus viable et que cela mettrait en péril la poursuite du développement des infrastructures.

La série Squid Game.
Netflix – La série Squid Game.

Le combat du FAI coréen SK contre Netflix

Ce dont rêvent les opérateurs, c’est une sorte de péage que les GAFAM paieraient pour emprunter leurs réseaux. L’exemple de la Corée du Sud les y encourage. Cela fait plusieurs années que le FAI national SK Telecom affronte Netflix. Il exige que le service de streaming lui verse 75 millions d’euros pour financer ses infrastructures. L’affaire a été portée devant la justice et l’énorme succès de la série Squid Game a amplifié la polémique. Au point que le pays réfléchit désormais à légiférer. Aux États-Unis aussi la question ferait de nouveau débat.

Le commissaire européen de la politique industrielle et du numérique Thierry Breton a dressé une oreille attentive aux revendications des opérateurs. Mais sans effet concret pour le moment. « Nous demandons maintenant aux législateurs de l’Union européenne d’introduire de toute urgence une réglementation pour faire de ce principe une réalité », réclament les protestataires. 

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Le fenêtre politique est propice

Ce n’est pas la première tribune de ce type. Au mois de novembre dernier, le lobby des opérateurs européens, l’European Telecommunications Network Operators’ Association (ETNOA), avait appelé Bruxelles à taxer les GAFAM.  Car ces revendications sont anciennes. Alors pourquoi ressurgissent-elles maintenant ? Question de timing politique.

En France, la campagne présidentielle a débuté. Parmi les propositions faites aux candidats par la Fédération française des télécoms, figure en bonne place l’idée d’alléger la fiscalité des acteurs des télécoms pour combler le fossé avec les « acteurs de l’Internet extra-européens ».

Mais surtout, notre pays préside le Conseil de l’Union européenne. Ce qui fait dire à un analyste interrogé par le Financial Times. «Je pense que nous verrons plus de positionnements comme celui-ci, en particulier pendant la présidence française du Conseil de l’Union Européenne, étant donné qu’ils ont été assez critiques à l’égard des Big Tech dans le passé».

Quant à Stéphane Richard, c’était sans doute l’occasion ou jamais de se manifester. Il doit laisser sa place à la nouvelle directrice générale Christel Heydemann le 4 avril prochain, même s’il restera président du groupe jusqu’au mois 19 mai. Une baroud d’honneur en quelque sorte.

Sources : Financial Times, la Fédération française des télécoms

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Amélie CHARNAY