Quinze mois après la fermeture de Silk Road, « l’eBay de la drogue », le procès du principal accusé dans l’affaire, l’informaticien Ross William Ulbricht, a enfin démarré. Hier, dans un tribunal de Manhattan, les parties qui s’opposent ont présenté leurs lignes d’argumentaire, face à la juge Katherine Forrest et aux 12 jurés.
Surprise : M. Ulbricht, qui risque la réclusion à perpétuité, a plaidé non coupable des sept chefs d’inculpation, parmi lesquels blanchiment d’argent et trafic de stupéfiants. Il reconnaît avoir créé le site caché, accessible uniquement au moyen du réseau Tor. Mais il nie être le cerveau derrière le trafic illégal. Il soutient qu’il n’est pas « Dread Pirate Roberts », le gérant de Silk Road qui a fait tourner la boutique.
Une « expérience économique »
Celui-ci aurait pris le contrôle du site quelques mois après sa création. M. Ulbricht « trouvait que c’était trop stressant, et il a transféré [le site] à d’autres », explique Joshua Dratel, son avocat, qui ne voit dans son client aux traits fins qu’ « un jeune homme avec beaucoup d’idées » et dans Silk Road « une sorte d’expérience économique ».
Fin 2013, se sentant menacé, « Dread Pirate Roberts » aurait alors tout fait pour aiguiller les forces de l’ordre sur Ross Ulbricht, en insérant notamment des données compromettantes sur son PC portable. En tant que créateur originel du site, M. Ulbricht était finalement « le bouc émissaire parfait» et s’est fait piéger, a souligné Joshua Dratel. Et de dire : « Le vrai Dread Pirate Roberts court toujours ».
Evidemment, le FBI et le procureur fédéral Timothy Howard ne l’entendent pas du tout de cette manière. Pour eux, Dread Pirate Roberts et Ross William Ulbricht ne font qu’un, et ils comptent bien le montrer. Ainsi, dès les premiers jours d’existence de Silk Road, des messages à caractère publicitaire faisant référence à des stupéfiants sont apparus dans des forums. Le FBI pense pouvoir prouver que c’est M. Ulbricht qui a écrit ces messages, en faisant la corrélation avec ses comptes email et ses comptes de réseaux sociaux.
Flou sur le mode opératoire du FBI
Le procureur annonce également la venue d’un témoin, un ami informaticien, à qui M. Ulbricht aurait avoué être le cerveau derrière Silk Road. Enfin, le procureur va s’appuyer sur les données retrouvées dans l’ordinateur de Ross Ulbricht. Des logs prouveraient qu’il était connecté à l’outil d’administration de Silk Road peu de temps avant son arrestation. Si ces éléments se révèlent véridiques, M. Ulbricht a peu de chance de sauver sa peau.
En octobre dernier, l’avocat de l’informaticien avait tenté de retourner l’affaire en accusant le FBI d’avoir agi de manière illégale. En effet, on ne sait pas vraiment comment l’agence fédérale a réussi à localiser les serveurs de Silk Road, hébergés en Islande. Les policiers ont dit qu’ils se sont appuyés sur une faille dans le formulaire d’accès de Silk Road (le « CAPTCHA » sous les champs d’identification aurait initié une connexion parallèle vers l’Internet ouvert). Mais, selon l’expert Brian Krebs, cet argument semble peu crédible. Il se peut, par conséquent, que le FBI ait utilisé des méthodes peu orthodoxes – surveillance sauvage, hacking – pour pénétrer les serveurs de Silk Road. Mais le juge Katherine Forest a finalement rejeté tous ces arguments.
Le procès devrait durer quatre à six semaines.
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