Mauvais joueur Spotify ? Le service de streaming suédois n’a pas apprécié que des chercheurs révèlent les pratiques troubles de ses débuts. Après avoir constaté que Spotify diffusait des fichiers MP3 piratés dans sa version bêta, l’équipe de chercheurs a reçu des intimidations de la part des avocats de la société.
C’est ce que raconte Rasmus Fleischer, ancien activiste au sein de The Pirate Bureau -organisme à l’origine de The Pirate Bay – au site TorrentFreak. Désormais diplômé d’un doctorat sur l’économie politique de la musique, il fait partie d’un collectif de cinq chercheurs, le Swedish Research Council. Un livre compilant leurs travaux (Spotify Teardown – Inside the Black Box of Streaming Music) sera publié l’année prochaine, mais Rasmus Fleischer a déjà commencé à en dévoiler certaines parties.
Piratage quasi obligatoire pour les débuts du streaming
En mai 2017, il racontait ainsi au site suédois DI comment entre mai 2007 et mai 2008, une partie des chansons diffusées par Spotify dans sa version bêta était en fait issue de fichiers MP3 téléchargés via The Pirate Bay par ses employés. Bien qu’illégale, puisqu’elle ne rémunère pas les ayants droit, la pratique était répandue chez plusieurs sites de streaming à leur début. Cela avait d’ailleurs coûté à Grooveshark son existence suite à un procès perdu en 2014.
Deezer avait d’ailleurs fait de même. C’est ce que raconte le journaliste Sophian Fanen dans son livre Boulevard du stream à paraître le 2 novembre prochain. La raison était en réalité très rationnelle : à cette époque, les labels ne savaient pas encore comment livrer à des tiers leurs catalogues numériques. Il fallait bien alors alimenter les bases de données pour que les utilisateurs trouvent les artistes qu’ils veulent écouter.
Ils ne s'en cachent pas, vu que les labels ne savaient pas livrer leur catalogue en numérique à l'époque du lancement de ces plateformes.
— Sophian Fanen (@SophianF) October 6, 2017
Les bots des chercheurs dans la ligne de mire
L’histoire aurait pu s’arrêter à ces révélations, semble-t-il rapidement pardonnées par l’ensemble des parties lésées. Sauf que cela n’a pas été du goût de Spotify. Douze jours après la publication de son interview dans DI, le chercheur et l’ensemble de l’équipe ont reçu un courrier des avocats de Spotify. Ces derniers reprochaient au Swedish Research Council d’enfreindre les conditions générales d’utilisation du service de streaming.
Une constatation que les chercheurs ne nient aucunement. Dans le cadre de leur étude, l’un d’entre eux, Om Pelle, avait détaillé dans un billet le processus mis en place. Plusieurs centaines de comptes pilotés par des bots avaient été créés pour tenter de décoder les algorithmes de recommandations de Spotify et leurs possibles biais.
Mieux comprendre les algorithmes de recommandation
Par exemple, deux d’entre eux écoutaient strictement les mêmes chansons mais étaient signalés comme étant un homme ou une femme. Le but étant de savoir si les recommandations sont différentes selon le sexe. Bien que contrevenant aux règlement de Spotify, les scientifiques n’ont jamais tiré aucun avantage pécuniaire de leur système de bots.
Malgré tout, les menaces n’ont pas réellement eu le résultat escompté. Tout au plus, les études des chercheurs ont été ralenties, mais pas stoppées. Leur livre sortira bien en 2018 aux éditions MIT Press et risque de faire encore plus parler de lui après ces dernières révélations. Un bel effet Streisand pour Spotify.
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