Ce mardi 15 juin, une trentaine de salariés de la division française de Softbank Robotics a manifesté devant les bureaux de la société, à Issy-les-Moulineaux. Ils protestaient contre un plan social annoncé le 30 mars dernier, qui vise à supprimer 165 postes sur 330. Ils ont fait défiler symboliquement jusqu’à une agence Pôle emploi plusieurs exemplaires des robots Nao et Pepper, conçus par leur entreprise.
Pas de slogan rageur crié à tue-tête lors de ce rassemblement plutôt sage, où le découragement et l’amertume semblaient dominer. « Tous les services sont concernés, mais plus particulièrement les commerciaux, le SAV et le service qualité, c’est-à-dire les techniciens qui assurent la maintenance et les réparations », nous explique l’un des employés, qui tient à garder l’anonymat, comme tous ceux avec qui nous avons parlés.
Les négociations seraient dans l’impasse depuis trois semaines. Les représentants syndicaux réclament de meilleures conditions de départ pour ceux qui seraient amenés à quitter l’entreprise, mais aussi un véritable projet pour ceux qui restent. Car l’avenir du fleuron de la robotique française semble mal engagé.
Une popularité mondiale pour Nao et Pepper
A l’origine, il y a la société française Aldebaran Robotics, créée en 2005 par Bruno Maisonnier, qui a imaginé Nao. Ce performant robot humanoïde est resté longtemps un objet de laboratoire pour les chercheurs, avant qu’Aldebaran ne soit racheté dans le plus grand secret par Softbank Robotics en 2012. Deux ans plus tard, c’est le lancement en grande pompe d’un autre robot humanoïde : Pepper. L’idée est alors encore d’en faire un robot compagnon, destiné à être commercialisé auprès du grand public.
Le groupe japonais préfère toutefois assez vite le réorienter vers le marché des entreprises, le restreignant à une fonction de robot d’accueil. Pepper a ainsi fait des incursions chez Carrefour, Darty ou des gares SNCF.
Nao et Pepper sont au fil du temps devenus très populaires en France : Nao a par exemple partagé une émission avec Thierry Ardisson ou encore dansé sur scène sous la direction de la chorégraphe Blanca Li. On se souvient aussi de la venue de Nao à l’Elysée, visite durant laquelle François Hollande, alors Président de la République, l’avait porté comme un bébé.
Leur aura a même fini par devenir internationale. Avec, un peu partout, le même accueil émerveillé du public face à ces machines humanoïdes à l’aspect débonnaire et aux réactions empathiques.
Des robots qui n’évoluent plus
Dans un communiqué de presse, les collaborateurs français de la société affirment que c’est cette belle image qui a permis au groupe Softbank de décrocher des partenariats avec l’Arabie Saoudite ou encore Apple et de lever 100 milliards de dollars pour créer le Vision Fund, un fond de placement dédié aux nouvelles technologies.
Lorsque l’on fait observer aux salariés en colère que Softbank Robotics a tout de même commercialisé Pepper en Asie à partir de 2015 et que les ventes se sont soldées par un échec, la réponse fuse. « Softbank Robotics n’investit plus dedans depuis cinq ans environ. La production a stagné, que ce soit au niveau matériel ou logiciel. Il n’y a eu aucune nouvelle fonctionnalité. C’est facile ensuite de dire qu’ils ne sont pas viables commercialement », s’insurge l’un des collaborateurs. Et de pointer les excellents résultats financiers de Softbank, qui accumule un bénéfice net de 37,8 milliards d’euros. De quoi lui permettre de continuer à investir dans Softbank Robotics au lieu de trancher dans le vif, d’après les protestataires.
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Pour les participants au rassemblement, le PDG Masayoshi Son aurait exploité largement ces robots et les abandonneraient maintenant qu’ils ne lui sont plus utiles.
Ce n’est pas seulement pour leurs emplois, mais aussi pour la survie de Softbank Robitics en France que les employés se battent aujourd’hui. « Nous sommes la seule entreprise au monde à produire des robots humanoïdes en série. Ce plan va entraîner une perte terrible de savoir-faire », conclut avec tristesse l’un des manifestants.
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