Le dossier avance lentement, mais au moins il avance. À l’issue du Conseil national du handicap, qui avait lieu mardi 11 février, le gouvernement a annoncé cinq mesures pour rendre plus accessibles les services publics en ligne. Une semaine plus tôt, le Conseil national du numérique (CNNum) lui en proposait 50.
80 % de sites publics accessibles d’ici 2022
Il est question d’abord de mesures institutionnelles et de suivi. « L’accessibilité numérique sera désormais un critère suivi dans l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne », un dispositif instauré en juin 2019 qui suit l’avancement et la qualité de 250 démarches dématérialisées.
Au sein de cet observatoire, seulement 13% des démarches en ligne sont aujourd’hui conformes, d’après le secrétariat d’État au Numérique. L’objectif désormais fixé est de passer à 80 % d’ici 2022 – soit environ 160 sites alors qu’ils ne sont actuellement qu’une trentaine. Un objectif « ambitieux » comme l’a rappelé Cédric O, le secrétaire d’État au Numérique.
En ligne, seulement 13% des démarches administratives les plus utilisées par les Français-e-s sont accessibles aux personnes en situation de #handicap. C’est inacceptable. Nous fixons l’objectif de 80% d’ici 2022. C’est une question d’égalité et de service public. @s_cluzel #CNH pic.twitter.com/i4LKSqx0Mj
— Cédric O (@cedric_o) February 11, 2020
Une ambition « réaliste »
Il va s’agir effectivement de mobiliser à la fois les sous-traitants qui créent les sites, mais aussi former les équipes qui les gèrent au quotidien, c’est à dire des agents d’État. Si le chantier est vaste, l’ambition gouvernementale reste néanmoins « réaliste » selon le vice-président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), Fernando Pinto Da Silva.
Pour piloter ce projet, le gouvernement prévoit la création d’une « task force dédiée […] au sein de la Direction interministérielle au numérique (Dinum) ». L’équipe « design » verra ses effectifs renforcés. La mesure semble elle assez modeste alors que le CNNum préconisait la création d’une direction spéciale dédiée à l’accessibilité numérique.
Priorité aux 10 sites les plus consultés
Concernant la formation des encadrants, le plan gouvernemental voit également petit. « Une circulaire rappelant les engagements du gouvernement en termes d’accessibilité […] sera diffusée à l’ensemble des administrations ». Cette directive veillera à la mise en accessibilité des dix sites publics les plus utilisés – sans évoquer de délai pour l’instant. Les propositions de formation initiale à ces problématiques du CNNum n’ont pas été retenues.
« C’est dommage car il y a des développeurs qui se rendent compte sur le tard de ces problématiques alors que techniquement ils ont les capacités de rendre accessibles leurs sites », regrette Fernando Pinto Da Silva, lui-même mal-voyant. Selon lui, très peu de formations dans les métiers du numérique intègrent l’accessibilité dans leur programme.
De l’importance des « retours-terrains »
Mais le représentant du CNCPH reconnaît volontiers le chemin parcouru. Enfin, leur voix est audible. Au travers des « Ateliers d’écoute » instaurés depuis le 14 janvier dernier, le gouvernement tend l’oreille aux associations et acteurs de terrain pour se mettre à la page. Ces trois rendez-vous annuels – au printemps, à l’été et à l’automne de cette année – « inviteront une diversité d’usagers à partager leurs expériences » autour notamment du handicap.
Ces « retours-terrains » seront complétés par une plate-forme citoyenne « VoxUsagers » disponible « dès le printemps 2020 ». L’objectif est là aussi d’écouter les usagers afin de signaler les problèmes et prioriser les axes d’amélioration. Si les outils peuvent paraître anecdotiques, aucun dispositif ne permettait jusqu’ici de mettre ces problématiques à l’agenda politique. Le constat est enfin posé. Et il est « inacceptable » selon les mots du ministre.
« C’est la première fois que j’entends un discours limpide et clair sur l’accessibilité au numérique », se réjouit Fernando Pinto Da Silva. « Le ministre a enfin dit sans détours ‘‘on est mauvais, et on va se réorganiser pour être meilleurs’’ ».
Liberté, Égalité, Numérique ?
Toutefois, Fernando Pinto Da Silva appelle à la prudence : « Ce n’est que le début du travail. » Pour lui, si l’État a un devoir d’exemplarité, l’enjeu dépasse le cadre institutionnel. L’accessibilité au numérique est un défi pour la devise républicaine française.
« Le problème c’est que je ne passe pas ma vie sur le sites publics ! », pointe le vice-président du CNCPH. « La prochaine étape c’est que les banques en ligne par exemple proposent des services adaptés. Pourquoi je n’en aurais pas le droit comme tout le monde ? ».
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