Il était une fois le Macintosh
« Vous verrez pourquoi 1984 ne sera pas comme 1984 ». Le slogan frappe l’imaginaire, tout comme la publicité « 1984 » réalisée par Ridley Scott qui met en scène un univers inspiré du roman glaçant de George Orwell. Le spot, diffusé pendant le Super Bowl, annonce la révolution qui couve du côté de Cupertino, Californie.
Deux jours plus tard, le 24 janvier 1984, Steve Jobs révèle au monde (et aux investisseurs d’Apple, c’était jour d’assemblée générale des actionnaires…) le Macintosh. Un ordinateur compact au design bonhomme, qui peut trouver sa place sur n’importe quel bureau — pour peu qu’on ait les moyens de s’offrir la bête, vendue 2 495 $ de l’époque, l’équivalent de 7 300 $ aujourd’hui. Les prix élevés, une constante historique chez Apple !
La machine beige impressionne par son design certes, mais aussi par le matériel et le logiciel. À côté du clavier, on trouve en effet un drôle d’accessoire qui permet de contrôler un curseur à l’écran. Et sur le petit écran monochrome de 9 pouces (512 × 342), une interface graphique conviviale et sympathique, celle du Système 1. Loin, très loin des austères interfaces texte des ordinateurs de l’époque !
L’interface graphique n’est pas une nouveauté. Le Lisa, lancé par Apple en 1983, est considéré comme le premier ordinateur personnel grand public doté de cette innovation dont l’origine remonte aux années 60 avec les recherches de Douglas Engelbart. Le pionnier Alan Kay reprend et développe ces idées pour le compte du Xerox PARC, qui inspirent Steve Jobs.
Avec les standards d’aujourd’hui, ce tout premier Mac parait bien modeste : microprocesseur 68000 de Motorola à 8 MHz, 128 Ko de RAM, lecteur de disquette 3,5 pouces (400 Ko). Il marque pourtant la révolution de l’informatique grand public.
Mac Plus, la longévité en plus
En janvier 1986, Apple dévoile le Mac Plus qui est resté dans les mémoires non seulement pour sa fiche technique, mais aussi pour sa longévité. Il est en effet resté 1 734 jours au catalogue d’Apple, un record qui ne sera dépassé que par le Mac Pro « cylindre » (2013 – 2019) ! Apple a assuré le support logiciel de ce Mac jusqu’en 1996, puisqu’il est possible d’y installer Mac OS 7.5.5.
Ce modèle bénéficie des meilleurs raffinements techniques de l’époque avec des barrettes de RAM que l’on peut remplacer soi-même (ce bon vieux temps est terminé aujourd’hui !) et pousser jusqu’à 4 Mo. Le Mac Plus inaugure également un lecteur de disquettes 3,5 pouces de 800 Ko. Pour les développeurs, cet ordinateur a véritablement posé les bases de la plateforme Mac pour les années à venir. Un jalon essentiel dans l’histoire d’Apple !
Le Macintosh Portable qui casse le dos
Première tentative d’une longue lignée, le Macintosh Portable de 1989 n’a de portable que le nom ou presque ! Ce monstre est le premier Mac équipé d’une batterie (au plomb) qui lui confère une autonomie de dix heures… qu’il soit allumé, en veille ou même éteint !
Il embarque un confortable écran à matrice active (LCD) de 9,8 pouces (640 x 400), un processeur 68000 cadencé à 16 MHz, un disque dur de 40 Mo, un lecteur de disquette 1,4 Mo… et une poignée de transport pas inutile : avec un poids mastoc de 7,2 kg et une épaisseur de 10 centimètres, ce modèle est très loin des portables ultra-fin et ultra-légers que nous connaissons aujourd’hui.
Vendu très cher (7 300 $ avec son disque dur, près de 18 000 euros actuels), le Mac Portable disparait rapidement de la circulation. Apple lance la gamme PowerBook dès 1991, qui deviendra le MacBook quelques dizaines d’années plus tard.
Clones de Mac : Apple à la dérive
Les clones de Mac marquent la période la plus sombre de l’histoire d’Apple. En 1995, l’entreprise — dont les finances dansaient au bord du volcan — lance un programme de licence pour le Système 7 qui ressemble beaucoup à ce que fait Microsoft pour Windows. Les constructeurs qui le souhaitent peuvent dès lors intégrer le système d’exploitation dans leurs PC, dont chaque unité vendue rapporte une cinquantaine de dollars à Apple.
Pour les consommateurs, c’est une bonne affaire : ces clones sont plus abordables que les Mac « officiels » tout en étant compatibles avec leurs logiciels Mac OS. Plus de 70 modèles sont sortis durant cette époque trouble qui s’achève très rapidement, en 1997, avec le retour de Steve Jobs aux commandes. Le lancement de Mac OS 8 met un terme définitif à cette aventure, les cloneurs n’ayant accès qu’au Système 7…
iMac, le renouveau d’Apple
En mai 1998, Apple tente le tout pour le tout avec l’iMac. Rond, coloré, mignon, ce tout-en-un détonne dans un univers tout en beige. Ce design iconique signé Jony Ive est un sacré pari, tout comme les choix technologiques du constructeur : l’ordinateur est équipé d’un processeur PowerPC G3, un disque dur de 4 Go, un lecteur CD, deux ports USB, un port Ethernet et un modem 56K.
Le constructeur fait table rase du passé au niveau des entrées/sorties (exit le port ADB) ainsi qu’à l’intérieur de la machine qui utilise les mêmes barrettes de RAM que les PC. Et l’accent est mis sur la simplicité de la connexion (filaire) à internet, qui justifie le « i » au début du nom de l’ordi !
Alors qu’Apple filait tout droit vers la faillite, Steve Jobs mise sur un renouveau complet et une simplification du catalogue, en commençant par le Mac grand public par excellence. Preuve de l’importance de l’iMac, il est dévoilé au Flint Center for the Performing Arts, là même où un certain Steve Jobs a présenté le Mac 25 ans plus tôt. Le succès est au rendez-vous et permet à Apple de remonter la pente.
G4 Cube, symbole des flops d’Apple
Après le coup de maître de l’iMac, Apple fait de nouveau parler la foudre avec le G4 Cube. Au-delà de ses caractéristiques techniques, cet ordinateur est d’abord un objet design qui donne à n’importe quel bureau une classe folle. Ce cube enchâssé dans une pièce d’acrylique de 20 x 20 x 25 cm, qui rappelle l’obsession de Steve Jobs pour ce format (le NeXTcube), gagne de nombreux prix de design. Il fait d’ailleurs partie de la collection du MoMA, le musée d’art moderne de New York.
L’accès aux composants internes, qui était encore possible à l’époque, passe par une poignée placée sous l’ordinateur. L’idée de Jobs était de proposer une machine intermédiaire entre l’iMac et le Power Mac.
Mais au-delà de ses formes et de son concept, le Cube montre vite ses limites : prix assez élevé (1 799 $), connectivité limitée (le port audio est déporté sur un boîtier externe), compromis techniques pour réussir le tour de force de design… Apple arrête rapidement les frais : la commercialisation de l’ordinateur, lancé en juillet 2000, s’arrête un an plus tard. Le G4 Cube est aujourd’hui une machine très prisée des collectionneurs.
Le Cube démontre que tout ce que touche Steve Jobs ne se transforme pas en or, et que la « nouvelle » Apple peut se planter. On l’a vu plus tard avec le Mac Pro « cylindre », le clavier papillon ou encore la Touch Bar.
iMac « tournesol » : le design prend le pouvoir
Tout au long des années 2000, l’iMac a été l’expression du design « made in Apple ». Les premières générations du tout en un ont été l’occasion pour le constructeur et pour le studio de Jony Ive de donner la pleine mesure de leur talent. Illustration en 2002 avec l’iMac G4, première révision majeure pour la gamme.
Après le design « bonbon acidulé », place au tournesol ! Ce Mac, au design toujours aussi frappant aujourd’hui, combine une base demi-sphérique sur laquelle « flotte » un écran plat. Grâce à un astucieux bras articulé, la dalle de 15 pouces peut se positionner facilement devant les yeux de l’utilisateur. Le tout n’est pas sans évoquer Luxo, la lampe-mascotte de Pixar dont Steve Jobs est le patron.
Apple décline ce modèle dans des versions de 17 et de 20 pouces. Apple ne se repose pas pour autant sur ses lauriers et en 2004 lance un nouveau design pour l’iMac G5, plus proche de celui qui a survécu jusqu’en 2021 et le premier iMac M1.
La grande transition vers Intel
Malgré les succès des différents Mac, un goulot d’étranglement empêche Apple d’aller plus loin. Les processeurs PowerPC d’IBM utilisés jusqu’à présent ne parviennent plus à satisfaire les besoins du constructeur. L’illustration la plus frappante remonte à la WWDC 2003, lorsque Steve Jobs annonce un Power Mac G5 cadencé à 3 GHz… qui n’arrivera jamais. Tout comme le PowerBook avec un processeur G5.
En juin 2005, durant la keynote de la WWDC, le patron d’Apple annonce la transition des Mac vers Intel, plongeant une partie des aficionados dans la stupeur la plus totale. Intel n’était-il pas l’ennemi à abattre ? À la surprise générale, la bascule se réalise sans trop de soucis.
Après des années de travail dans le plus grand secret, Mac OS X est parfaitement fonctionnel. Les logiciels qui ne sont pas optimisés peuvent tout de même être utilisés grâce à Rosetta. Il est même possible d’installer Windows en parallèle de MacOS ! Et malgré un processeur Core Duo anémique, les premiers Mac Intel (un iMac et un MacBook Pro 15 pouces en janvier 2006 un Mac mini le mois suivant) ne sont pas les catastrophes craintes par les fans d’Apple.
La transition Intel est achevée dès l’été 2006 avec le Mac Pro qui remplace le Power Mac.
Une plus grande transition vers Arm
D’une transition l’autre. Si les processeurs Intel ont permis à Apple de redonner de l’allant aux Mac, la frustration émerge bien vite au sein du constructeur. Intel fait du surplace, obligeant les Mac à multiplier les « speed bump » sans goût ni saveur. Heureusement, Apple a une carte à jouer : l’entreprise développe ses propres puces basées sur l’architecture Arm !
La première puce « maison » est l’A4, qui motorise la première génération d’iPad en 2010, puis l’iPhone 4. On est encore loin de la puissance nécessaire pour faire tourner un Mac, mais l’idée commence à germer. Ce d’autant que l’entreprise place ses puces un peu partout, y compris… dans les Mac, avec les T1 et T2 qui ont servi de coprocesseur dédié à la sécurité entre 2016 et 2020.
En juin 2020, Tim Cook confirme pendant la WWDC ce que la rumeur annonce des années : une nouvelle transition vers des puces Arm pour les Mac. Et là aussi, tout s’est passé sans trop de heurts. Les premiers ordinateurs équipés de la puce M1 — MacBook Air, MacBook Pro et Mac mini — étonnent par leurs performances ébouriffantes par rapport aux modèles Intel sclérosés. Et l’autonomie des portables est rien moins qu’exceptionnelle !
La transition Arm s’est terminée avec le Mac Pro de juin 2023. Dans l’intervalle, Apple a lancé un iMac de 24 pouces au design inédit ainsi qu’un tout nouveau Mac de bureau (le Mac Studio), sans oublier de décliner les puces. On en est aujourd’hui à la M3, et l’avenir s’annonce plus que jamais radieux. Pas mal pour un ordinateur lancé il y a 40 ans…
Et demain, le Vision Pro ?
La coïncidence n’aura échappé à personne. Quelques jours après le 40e anniversaire du Mac, Apple lance son premier « ordinateur spatial », le Vision Pro. Ce n’est pas un Mac, ce n’est pas non plus un iPhone ni un iPad, mais le premier caillou sur une route qui pourrait mener vers la lente disparition de l’informatique à la papa initiée par… le Macintosh de 1984.
Une route qui s’annonce longue et tortueuse. Cette première génération du casque de réalité mixte n’est pas pour tout le monde, ne serait-ce que question prix. Et le pari d’Apple est loin d’être gagné. Mais c’était le cas aussi du Mac il y a quarante ans…
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Happy birthday celebration Mac. 1984 – 2024. The Ups and Downs of the MAC show how progress is made and how APPLE became such a great corporation.