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Le grand bluff d’Apple : report de Siri personnalisé, Apple Intelligence en rade

Tim Cook va-t-il devoir monter au front pour sauver le soldat Siri ? Depuis l’annonce du report des fonctions personnalisées de l’assistant aux calendes grecques, c’est la crise pour Apple Intelligence.

Apple a pris le train de l’IA générative en marche, en confondant vitesse et précipitation. En présentant en grande pompe Apple Intelligence en juin dernier, à l’occasion de la conférence mondiale des développeurs (WWDC), le constructeur espérait changer la perception négative de son retard supposé, alors qu’OpenAI, Google ou encore Meta sont partis bien avant, pour le meilleur comme pour le pire.

Apple coupable de vendre du vent

Apple a livré une partie de la marchandise depuis le lancement des premières fonctions d’Apple Intelligence dans iOS 18.1 : les outils d’aide à l’écriture, les résumés des notifications, l’app Image Playground, les Genmoji, Visual Intelligence… Mais il manque un gros bout de ce qui avait été dévoilé durant la WWDC : un Siri plus intelligent.

L’assistant est devenu un boulet que se traine Apple depuis des années. En 2011, Siri était à l’avant garde et la preuve que le constructeur pouvait être précurseur. Mais le constructeur l’a laissé dépérir, incapable de se mettre au niveau de la concurrence, d’abord Google Assistant et Alexa, puis désormais les bots IA comme ChatGPT.

Siri a bien eu droit à un rafraîchissement sous l’ombrelle d’Apple Intelligence, avec une nouvelle interface et une connaissance accrue des fonctions et des réglages des appareils. Mais il y a toujours ces problèmes de compréhension du langage qui obligent à répéter les questions plusieurs fois, ces réponses fausses ou complètement à côté de la plaque, ces renvois incessants au web…

Avec Apple Intelligence, on allait bien voir ce qu’on allait voir. Siri doit comprendre le contexte personnel en piochant profondément dans les informations des utilisateurs, actionner des fonctionnalités des apps sans avoir à les ouvrir, comprendre ce qui se passe sur l’écran de l’iPhone. Ces fonctions avancées de Siri auraient dû apparaitre avec iOS 18.4, puis iOS 18.5, et puis… on ne sait plus.

À la faveur d’une déclaration un vendredi soir, Apple a annoncé le report de ces fonctionnalités en se contentant de promettre une disponibilité « au cours de l’année à venir », ce qui peut nous pousser à 2026 si le constructeur parle de 12 mois.

Lire Apple Intelligence : les fonctions personnalisées de Siri repoussées aux calendes grecques

Siri, qui souffre depuis trop longtemps de son incompétence et fait régulièrement l’objet de moqueries, révèle désormais les insuffisances criantes d’Apple en matière d’IA générative… et aussi de communication. Car la firme à la pomme ne s’est pas privée de faire la publicité tapageuse des fonctions de ce nouveau Siri, au travers d’un spot mettant en scène Bella Ramsey.

On peut ainsi la voir durant une fête où elle demande à Siri de scanner son calendrier pour lui rappeler le nom d’une personne. Ce spot, qui a été beaucoup diffusé aux États-Unis, a été discrètement retiré de la chaîne YouTube d’Apple, probablement gêné aux entournures. Heureusement, l’internet n’oublie jamais rien !

Apple a également revu la présentation d’Apple Intelligence sur son site web, en indiquant cette fois que :

La capacité de Siri à comprendre votre contexte personnel, à détecter les informations à l’écran et à effectuer des actions dans les apps est en cours de développement. Elle sera prochaine­ment disponible dans le cadre d’une mise à jour logicielle.

En annonçant le report des fonctions personnalisées de Siri pour promouvoir l’iPhone 16, le constructeur prête le flanc à toutes les critiques : au bout du compte, Apple a en effet vendu du vent. Et la salve la plus brutale a été portée par John Gruber, le blogueur de Daring Fireball. Ce dernier, très écouté au sein de Cupertino, est un bon petit soldat d’Apple, toujours prêt à défendre les intérêts de son entreprise préférée au mépris parfois de la vérité. C’est ce qui rend sa charge contre Siri et Apple Intelligence encore plus forte.

Le fiasco, c’est qu’Apple a voulu vendre une histoire qui n’était pas vraie, et qu’en interne, certains savaient sûrement qu’elle ne tenait pas debout. Pourtant, ils ont choisi de suivre cette ligne (…) Ce qu’Apple a montré à la WWDC sur le futur « Siri personnalisé », ce n’était pas une vraie démonstration. C’était une vidéo concept. Et les vidéos concept, c’est du vent. Pire, c’est souvent le signe d’une entreprise qui perd pied, voire qui traverse une vraie crise.

La faute originelle d’Apple est d’avoir présenté ces fonctions personnalisées sans que personne en dehors de l’entreprise ait pu les tester dans la vraie vie. Habituellement, après un keynote, le constructeur organise des démos et des prises en main qui permettent aux heureux élus de la presse et des médias de vérifier la réalité de ce qui a été dévoilé, même dans un cadre verrouillé par Apple.

Mais ça n’a jamais été le cas pour ce Siri personnalisé, ni pendant la WWDC, ni après le keynote des iPhone 16, ni jamais. Et pour cause : jusqu’à preuve du contraire, ces fonctions n’ont aucune réalité concrète, autrement dit… c’est du vaporware. Et ce report pose un sérieux problème de crédibilité pour Apple, qui s’est imposé comme l’entreprise qui livre les fonctions et les appareils annoncés (exception faite de l’anecdotique AirPower).

C’est une tempête parfaite pour Apple. Les fonctions d’Apple Intelligence actuellement disponibles n’ont rien de franchement spectaculaire, elles sont en tout cas à mille lieux de ce que peuvent proposer des modèles IA plus avancés (même s’il y a débat sur leur intérêt intrinsèque). Siri personnalisé est un vaporware. Et le groupe s’est rendu coupable de vendre des fonctions qui n’existent pas en dehors de son labo.

Le fameux analyste Ming-Chi Kuo a rebondi sur ce débat. Il estime que « le pire dans cette affaire », c’est qu’Apple a choisi de passer la mauvaise nouvelle par un canal officieux (en l’occurrence une déclaration faite à John Gruber). « Voilà comment l’entreprise la plus valorisée au monde gère une crise de communication. Qu’aurait dû faire Apple ? L’exemple parfait reste la manière dont Steve Jobs avait personnellement pris en main la crise de l’antennagate de l’iPhone 4 à l’époque », explique-t-il.

À l’époque de cette affaire, Steve Jobs avait effectivement donné de sa personne pour rassurer les utilisateurs, avec un keynote spécial et une solution (un étui gratuit). Tim Cook devrait désormais prendre ses responsabilités dans le dossier Siri, selon Kuo. Car l’image de marque d’Apple en a pris un coup et il est très difficile de remonter la pente ensuite.

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Mickaël Bazoge