Le dernier Houellebecq n'est plus en accès libre sur Internet (MAJ)

Mise à jour le 2 décembre :
Le blogueur défenseur du libre cède à la pression de Flammarion

Volte-face du blogueur qui avait donné libre accès sur Internet au dernier roman de Michel Houellebecq. Cet ardent défenseur de la culture libre vient de retirer le PDF de La Carte et le Territoire de son site. Dans une démonstration fort personnelle, il avait estimé que le Goncourt 2010 devait être distribué sous licence Creative Commons puisque l’auteur avait repris de Wikipedia plusieurs articles eux-mêmes diffusés sous cette licence. Cette interprétation du « partage à l’identique » n’avait pas été du goût de l’éditeur Flammarion.
Bien qu’ayant cédé à la mise en demeure de la maison d’édition, le jeune homme n’a rien perdu de son assurance. Sur son site, il explique : « Sans reconnaître aucun délit et en maintenant totalement la pertinence de mon analyse juridique, j’ai cependant accédé à la demande de Flammarion de retirer du site les liens permettant de télécharger l’œuvre. De plus, j’ai fermé les commentaires, le débat publiquement lancé ici pouvant maintenant continuer ailleurs, où cela me demandera moins de travail de modération. »

Première publication le 26 novembre 2010
Le dernier Houellebecq en libre accès sur Internet
Estimant que La Carte et le Territoire est un roman sous licence Creative Commons, un blogueur le diffuse en ligne. Flammarion l’attaque.

Le Prix Goncourt 2010 est le premier grand prix littéraire à être décerné à une œuvre littéraire libre », estime sur son blog Florent Gallaire, juriste en droit numérique et ardent défenseur de la culture du libre. Dans une analyse toute personnelle, le jeune homme estime que La carte et le territoire est un roman sous licence Creative Commons. Fort de sa démonstration, il met en accès intégral et gratuit la dernière production de Michel Houellebecq. La maison d’édition Flammarion a confirmé à Rue89 son intention d’entamer des poursuites judiciaires envers tous ceux qui mettent à disposition sur le Web le roman de l’un de ses auteurs fétiches.

Application du copyleft ?

Dans son argumentaire, Florent Gallaire rappelle que pour son dernier roman, Michel Houellebecq s’est largement inspiré de trois articles de Wikipédia. Il n’en faut pas plus pour que l’ardent défenseur du libre déclare l’intégralité du roman de Houellebecq œuvre libre de droits, comme le sont sous condition les publications de l’encyclopédie en ligne.

Sur son blog, le jeune homme rappelle que la reprise des œuvres sous licence Creative Commons est soumise à quelques obligations. Parmi elles : le partage des conditions initiales à l’identique. « Si vous modifiez, transformez ou adaptez cette création, vous n’avez le droit de distribuer la création qui en résulte que sous un contrat identique à celui-ci ». Ce « share alike » (partage des conditions initiales à l’identique) imposé par la licence Creative Commons est l’une des applications du copyleft, un mode de distribution des logiciels libres.

Quid d’une action contre Houellebecq lui-même ?

L’argument développé par le blogueur semble bien faible. « Un auteur (au sens de la loi française) dispose de la maitrise intégrale de son œuvre. Il choisit les conditions de divulgation au public. Monsieur Gallaire prétend qu’au motif d’un réemploi d’une œuvre déjà publiée sur Wikipédia, l’auteur (en l’espèce monsieur Houellebecq) serait contaminé par le régime juridique de publication de la première œuvre. Ceci est faux sauf si l’œuvre dérivée (la seconde) n’est pas une œuvre, mais un simple plagiat (copie). Si le roman de Houellebecq est bien une œuvre, il n’y pas contamination du régime de publication de la première œuvre à la seconde. », argumente Jean-Claude Patin, juriste spécialisé pour le site Juritel.com

Si La carte et le territoire est une œuvre originale telle que le définit la loi, la publication du roman en ligne sans autorisation de l’auteur est une contrefaçon. Reste que Michel Houellebecq pourrait fort bien lui aussi être poursuivi pour les mêmes motifs.

« L’infraction contractuelle relevée par monsieur Gallaire concerne le réemploi et la publication de l’œuvre déjà publiée sur Wikipédia. Il y a peut-être une action à intenter contre monsieur Houellebecq en cas de plagiat, les conditions de production de l’œuvre dérivée ne respectant pas les conditions de divulgation et d’exploitation de la première œuvre », conclut Jean-Claude Patin.