La NSA, par-ci, la NSA, par-là. De même qu’on ne pense pas aux hommes de main des méchants de film qui meurent à la pelle, on oublie que derrière la machine à broyer les libertés que s’est avérée être la National Security Agency américaine, il y a des petits cœurs qui battent. Des êtres, de chair et de sang, qui aiment qu’on les aime.
C’est ce que rappelle le Washington Post, qui indique que depuis le début des fuites d’Edward Snowden, le moral des troupes est au plus bas. Le quotidien américain précise même que, selon certains anciens officiels, les agents de la NSA « sont déçus que le président Obama n’ait pas rendu visite à l’agence pour montrer son soutien ». Le fait que des représentants de la Maison blanche se soient rendus au sein de l’agence ne semble pas faire le même effet et la volonté de Barack Obama de réformer la NSA ne doit pas faciliter les choses.
Infiltration massivement multijoueur
Mais la vraie raison de cette « dépression », véritable manifestation d’un risque psycho-social d’un nouveau genre, est certainement liée au fait que les agents de la NSA ne vont peut-être plus pouvoir jouer à World of Warcraft pendant les heures de bureau, comme ils l’ont fait, pour espionner les joueurs et tenter d’infiltrer des groupuscules terroristes depuis au moins cinq ans.
Le quotidien britannique, The Guardian, révèle en effet, en se référant à des documents communiqués par Edward Snowden, que l’agence de sécurité américaine et son homologue britannique, le GCHQ, ont infiltré le MMORPG de Blizzard, et également Second Life, dont on aurait presque oublié l’existence.
Surveillance à tout va
Tout serait parti d’une note interne, en 2007, indiquant que « les terroristes utilisent les jeux en ligne – mais peut-être pas pour leur amusement. Ils sont suspectés de les utiliser pour communiquer secrètement et pour transférer des fonds ». Pas de preuve à l’époque pour étayer cette crainte. Mais un an plus tard, la NSA a eu le temps de faire quelques recherches, d’établir le lien entre des adresses mails « terroristes », des adresses IP « terroristes » et des comptes Xbox Live, Second Life ou WoW… Dans sa moisson, l’agence trouve même des hackers chinois, des scientifiques spécialistes du nucléaire iraniens, et des membres du Hezbollah et du Hamas. Tous jouent en ligne. Incroyable.
Evidemment, la seule à chose à faire était de remonter les manches de son mage niveau 10 et de s’atteler à quelque chose de sérieux : espionner des jeux en ligne. La NSA a donc extrait des métadonnées provenant de World of Warcraft pour tenter d’établir un lien entre des comptes, des personnages et des guildes et des islamistes extrémistes. Un peu plus tard, la même année, les espions britanniques annoncent « avoir intercepté avec succès des discussions entre différents joueurs sur le Xbox Live ».
Pour la horde, d’espions…
Mais pendant que les ingénieurs jonglaient avec les données, comme aux plus grandes heures de la guerre froide, le destin du « monde libre » reposait entre les mains d’agents infiltrés au péril de leur vie… de couple. Des agents « undercover » qui ont arpenté Second Life pendant des heures. Ils étaient d’ailleurs tellement nombreux que les différentes agences gouvernementales ont dû mettre en place des protocoles afin de s’assurer qu’un agent X n’allait pas espionner un agent Y en espérant faire tomber un réseau terroriste, dont l’avatar serait une top modèle à forte poitrine… Les pires.
Maigre loot
En définitive, fin 2008, rapporte le Guardian, la transformation de ces jeux (et mondes virtuels) en nid d’espions n’avait abouti qu’à la fermeture d’un site qui vendait les détails de cartes de crédit volées. Mieux que rien, les contribuables américains et anglais apprécieront.
En 2009, les mêmes agents britanniques remarquaient, avec une perspicacité étonnante que l’économie de Second Life était « essentiellement non régulée » et qu’elle « pourrait presque certainement être utilisée comme moyen pour le blanchiment de fonds terroristes et servira, avec certitude, de vecteur de propagande et de recrutement terroristes », évidemment.
« Les militants se servent souvent de subterfuges dignes de jeux vidéos – fausses identités, voix, messageries instantanées – pour conclure des transactions financières, et les espions américains et britanniques craignent qu’ils n’opèrent dans ces jeux », explique pour sa part le New York Times. Le quotidien cite notamment America’s Army, jeu de tir à la première personne conçu par l’armée américaine et téléchargeable gratuitement sur son site. « Ce jeu est si bon pour identifier des futurs recrues qu’il est utilisé comme exercice d’entraînement », avance le rapport. Et comme l’idée d’un jeu vidéo pour former les troupes est bonne, le Hezbollah a lui aussi créé un jeu du même type pour recruter et entraîner de futurs candidats… aux attentats-suicides.
Espionnage virtuel mais réel
« Non contents d’espionner les courriers électroniques, de mettre sur écoute les téléphones, d’affaiblir les standards d’encryptage, d’utiliser des techniques élaborées pour installer des logiciels espions sur les ordinateurs, ils ont besoin d’étendre leur champ d’action à Middle Earth (sic) et au Xbox Live », a déclaré sur son blog, Graham Cluley, un spécialiste de la sécurité informatique.
Microsoft et Blizzard ont expliqué dans deux communiqués séparés ignorer que leurs service en ligne et monde virtuel faisaient l’objet de surveillance. Hier, huit géants du net (Microsoft, Google, Apple, Facebook, LinkedIn, Yahoo!, AOL et Twitter) demandaient au président Obama d’encadrer les pratiques de surveillance, les révélations d’Edward Snowden ayant sérieusement entamé leur capital confiance auprès des utilisateurs. On pourrait également conseiller à Google et aux autres d’envoyer un message au roi Lich, si on n’avait peur que cela jette un froid…
A lire aussi :
Notre dossier sur Prism et les autres programmes de surveillance
Sources :
The Washington Post
The Guardian
Blog de Graham Cluley
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