La Net économie, une nouvelle 'belle époque'

Les capitaines de la nouvelle économie ont le moral : ‘Transport de la voix gratuit, raccourcissement des cycles… Il y a un certain nombre de choses qui vont changer pour toujours’, affirmait Thierry Labbé, directeur général de Cisco Systems France. Pourtant, personne n’a parlé de révolution économique ou technique. Le mot ‘évolution’ lui étant préféré.L’opposition entre ancienne et nouvelle économie ne convenait pas non plus aux participants du débat qui a animé la séance plénière (quatre ateliers se sont ensuite déroulés – lire les encadrés plus bas). Ils ont plutôt souligné les bouleversements des méthodes de travail et des organisations hiérarchisées amenées par les nouveaux outils du Web. Autre idée reçue battue en brèche: les seniors n’ont pas leur place dans la Net économie. Leurs expériences, leurs réseaux relationnels et leurs capacités de management seraient au contraire particulièrement recherchés par les start up.Pour Thierry Lepercq, PDG de NetsCapital, le vrai débat n’est pas générationnel, mais culturel: il faut avant tout recruter des salariés prêts à travailler en situation de risque. D’ailleurs, Patrick Eveno, agrégé d’histoire et maître de conférences à la Sorbonne, donnait le ton en évoquant ‘une symétrie entre les mutations de la fin du XIXe et celles de la fin du XXe’, identifiant la Net économie à une nouvelle ‘belle époque’

Catalliances, lauréat 2000 du Prix de la jeune entreprise high-tech

C’est Catalliances, une très jeune société vendéenne spécialisée dans l’édition de logiciels de pilotage stratégique et opérationnel des sites de e-commerce, qui reçoit cette année le ‘Prix de la jeune entreprise high-tech’.

Organisé par 01 Informatique, en partenariat avec l’Anvar (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) et avec le soutien cette année de l’incubateur Tocamak, chaque millésime de ce prix récompense une entreprise française innovante créée depuis moins de trois ans.

Parmi les quarante dossiers concourant au vote final, la société créée en septembre dernier par Jean-Marc Montels (président du directoire) et Ian Mac Hueg Herlevsen (directeur financier et administrateur) s’est imposée dans un vote final devant Realviz (éditeur de logiciel de création 3D) et Oxygen Research (jeune pousse fournissant des clips vidéo interactifs pour le Web).

Catalliances a fait la différence tant par le caractère innovant de ses logiciels, par les perspectives de croissance de son marché du décisionnel dédié à l’e-commerce et au Web marketing, que sur les aspects financiers de son dossier.

Avec un effectif de dix-neuf personnes, la société devrait réaliser 3 MF de chiffre d’affaires cette année et compte atteindre l’équilibre fin 2003 avec un CA de 105 MF. Après à peine neuf mois d’existence, le capital de Catalliances en est déjà à son troisième tour de table avec des partenaires tels que I-Source (filiale d’Inria Transfert), Axa Investment Managers ou la Spef (Banques Populaires).

Eric Chreiki

C’est Ian Mac Hueg Herlevsen, directeur financier et administrateur de Catalliances, qui a reçu le Prix de la jeune entreprise high-tech de l’an 2000 des mains de Jean-François Ruiz, directeur adjoint de la rédaction de 01Informatique, et Jean-François Lafaye, directeur de la technologie de l’Anvar.

Ils ont dit

Pierre Cuny, PDG d’Industrysuppliers.com : “On ne peut pas créer une entreprise avec une seule population. Une entreprise avec uniquement des jeunes, cela n’existe pas”

Patrick Eveno, maître de conférence à La Sorbonne : “On passe du taylorisme et du fordisme à un nouveau système économique”

Francis Reverset, PDG du groupe Dégriftour :“La Net économie, c’est la revanche du producteur sur le distributeur”

Thierry Lepercq, PDG de NetsCapital :“Tout le monde, y compris les assistants, est actionnaire chez nous, mais pas au même niveau. Nous ne sommes pas dans une société égalitaire”

Henri Tcheng, associé Arthur Andersen Business Consulting : “Les start up où il n’y a que des jeunes ont d’énormes problèmes de croissance. Les jeunes n’ont pas la notion de ce qu’est la responsabilité, ni parfois même celle d’abus de bien social. On l’a déjà vu dans des sociétés qui ont trois à six mois d’existence. Il est important que toutes les start up se dotent de vrais managers qui ont de l’expérience”

Thierry Labbé, directeur général de Cisco Systems France :” Le transport de la voix dans trois, quatre ou cinq ans sera gratuit. Il sera proposé par de nouveaux opérateurs qui offriront ce service comme un service marginal sur des infrastructures qui transporteront à la fois la voix, les données, les images et la vidéo”

Bernard Razaghi, PDG de Net2S : “L’esprit start up est un mode d’organisation non pyramidal construit sur des fonctionnements en projet. Il n’y a pas de hiérarchie. C’est une pyramide inversée: les plus expérimentés apportent leur expérience et leur aide aux plus jeunes pour les faire progresser”

Atelier 4 : Les start up démystifiées

Trois de ces entrepreneurs ?” Patrick Paugam, de Masaï Systems ; Jean Ferré, d’Arisem; Loïc Le Meur, de Business Pace et Frank Gana, chef de projets chez l’incubateur Tokamac?” se partageaient l’estrade. Le ton général fut pragmatique, concret, passionné, et il s’est agi de tordre le cou à quelques idées reçues. Loïc Le Meur faisait ainsi sensation en affirmant qu’ ‘il n’était pas difficile de créer une entreprise.(…) Tout le monde le dit, mais personne ne le fait’, se justifiait-il, tout en précisant que l’aide d’un avocat était indispensable. Les intervenants étaient unanimes: l’idée, sa réalisation et les moyens financiers comptent moins que l’investissement personnel. ‘Personne ne peut prétendre être le seul au monde à avoir une idée, et l’argent levé doit l’être en fonction de ce qui a déjà été fait’, affirmait Frank Gana. L’image répandue d’une ‘économie-casino’ était peu à peu démentie: les start up sont des entreprises comme les autres, excepté que leur croissance exponentielle nécessite une aide extérieure, des investissements parfois importants et un travail colossal de la part des créateurs. Comme le soulignait Frank Gana, ‘ la première cause d’échec provient des problèmes d’organisation liés à leur développement.’

Jean-Baptiste Dupin

Ils ont dit

Atelier 1 : Le webmaster, déjà en voie de disparition

Les métiers du Web se structurent et se spécialisent: celui de webmaster, homme à tout faire du site Web à la fois animateur, technicien et communicant, est en voie de disparition. Il est progressivement remplacé par deux ou trois personnes spécialisées. Les entreprises recherchent ainsi des profils à la fois plus pointus et plus complets, notamment de chefs de projet, maîtrisant les aspects techniques, marketing et communication, sans oublier les relations commerciales avec les clients. Ainsi que des ingénieurs chargés d’évaluer les nombreux produits logiciels du Web, ou bien encore des cogniticiens capables de concevoir et tester les sites à la manière d’un utilisateur final. Nouvelles compétences et nouveaux métiers viennent ainsi renforcer les armées déjà constituées et répertoriées par France Télécom, qui tient lieu de référentiel. L’opérateur fournisseur de services Internet a détecté vingt-quatre profils répartis en sept familles de compétences. Une classification qui fait l’unanimité. De Fi System en passant par Atos ou Cambridge Technology Partners, les intervenants de l’atelier ‘ Les métiers du Web ‘ clament cependant leurs difficultés à dénicher ces compétences.

Corinne Zerbib

Atelier 2 : Le jeu, un univers de passionnés

Comme tout secteur de haute technologie, le monde des jeux et du multimédia recher-che des techniciens, mais aussi des fous de l’informatique ludique. ‘Nous embauchons tous les passionnés, quelle que soit leur formation’, explique Hervé Iniguez, directeur technique du studio Coktel de Havas Interactive, l’un des acteurs majeurs parmi les Kallisto, Cryo et autres UbiSoft, de ce secteur où la France joue un rôle de premier plan. Certains profils font cruellement défaut, à commencer par celui de chef de projet, un personnage clé qui mène des projets de deux ans mobilisant une trentaine de personnes. ‘On cherche des auteurs qui ont des idées’, renchérit Jean-Philippe Ulrich, fondateur et directeur artistique de Cryo. Les éditeurs traquent aussi des programmeurs expérimentés pour leur R&D, ainsi que des infographistes 3D en temps réel. Le 2D n’est pas mourant pour autant, le WAP devrait lui fournir de nouveaux débouchés.

Boris Perzinsky

Atelier 3 : Pénurie de spécialistes réseaux

La carence d’ingénieur réseaux et télécoms devrait durer. Deux raisons à cela. D’une part, les exigences techniques des employeurs ?”constructeurs et opérateurs?” évoluent plus vite que la capacité à former des grandes écoles et des universités. ‘ Il n’existe pas de spécialistes puisque les technologies n’ont jamais été mises en ?”uvre dans notre pays ‘, constate Laurent Bernard, directeur chez Firstmark. D’autre part, les entreprises elles-mêmes changent. ‘Pour nos candidats, la polyvalence technique est nécessaire, mais aussi le sens de la relation commerciale’, explique Michel Haristoy, directeur du recrutement de Matra Nortel. ‘Nous recherchons des moutons à cinq pattes’, résume Ludovic Caterina, DRH d’Arche Groupe Siemens. Face à cette situation, les écoles d’ingénieurs privilégient les enseignements de base. La formation spécialisée vient ensuite, au cours de la vie professionnelle.

Jean Gomez