Ce 15 octobre, Huawei a ouvert son événement télécom Global Mobile Broadband Forum annuel à Zurich. Le même jour, la Chancellerie suisse donnait son accord pour une initiative populaire fédérale visant à limiter l’extension du réseau 5G. Ses défenseurs ont jusqu’au 25 avril pour récolter 100 000 signatures. Voilà qui résume parfaitement les contradictions du pays. Technologiquement à la pointe au niveau européen et même mondial, il doit faire face aux peurs exacerbées de sa population envers le nouveau standard.
La Suisse compte trois opérateurs : l’historique Swisscom, le challenger Sunrise et le « trublion » Salt, dernier arrivé sur le marché, et qui appartient à la holding personnelle de Xavier Niel. Ils ont tous obtenu des fréquences 5G, mais seuls les deux premiers ont ouvert un service commercial depuis le printemps. La bataille se joue donc entre Swisscom, équipé par Ericsson, et Sunrise, qui utilise du matériel Huawei. « Nous avons actuellement environ 200 antennes en service dans 120 localités », nous a précisé un porte-parole de Swisscom. Sunrise fait mieux avec 262 localités couvertes avec au moins 80% de la population éligible. Mais les deux acteurs sont confrontés à un problème qu’ils n’avaient absolument pas vu venir : une opposition profonde des habitants à la 5G qui a débuté il y a quelques mois.
Une opposition principalement francophone
La contestation se situe principalement en Suisse romande. Genève, Vaud et le Jura ont décrété un moratoire considéré comme illégal par l’Ofcom (Office fédéral de la communication). Fribourg a restreint les installations, Neuchâtel les a suspendu et le parlement du Valais s’est écharpé sur la question avant de renoncer à tout geler. Des manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes et les frondeurs ont fini par se structurer en une association baptisée Frequencia. D’après un sondage du magazine L’Illustré datant du mois d’avril, 65% de la population de Suisse romande redoutait que la 5G ne nuise à leur santé. Les Alémaniques ne sont « que » 51% à partager ces craintes. Ce qui fait une moyenne de 54%. Des résultats qui ont pu augmenter depuis. Des pétitions « Stop 5G » en français, allemand ou italien ont rassemblé chacune plusieurs dizaines de milliers de signatures en ligne.
Le discours reprend les arguments classiques des anti-ondes : la 5G aboutirait à une « irradiation massive de la population » avec des dommages corporels à la clef et des nuisances pour les animaux et les végétaux. Les contestataires demandent des études plus poussées sur les effets des ondes millimétriques, exigent de fixer des valeurs limites plus strictes et refusent la densification des antennes.
Le déploiement est ralenti
Ce mouvement a pour conséquence d’avoir stoppé le déploiement de la 5G dans de nombreuses villes suisses. Swisscom et Sunrise se rabattent donc sur les zones rurales, en mettant en avant leur solution Fixed Wireless Access permettant d’accéder au Très Haut Débit fixe via une box 5G.
« Nous avions totalement sous-estimé les réactions de la population », a déclaré Bruno Duarte, le CCO de Sunrise, lors du Global Mobile Broadband Forum de Huawei auquel nous étions présents. « Il est évident que ces oppositions ralentissent ponctuellement le déploiement mais nous maintenons nos objectifs de 90% de la population couverte d’ici la fin de l’année », nous a précisé un porte-parole de Swisscom. « Il va nous falloir faire preuve de pédagogie, encore et encore pour expliquer que la 5G n’aura pas d’impact sur la santé », nous a-t-on encore confié chez Sunrise.
Cet exemple suisse devrait en tous cas servir de leçon aux opérateurs français. Ils ne pourront pas commencer à déployer sans avoir fait l’effort d’expliquer ce qu’est la technologie à la population, ni se montrer totalement transparents quant à ces effets sur l’environnement. Ils pourront pour cela se baser sur les conclusions de l’Anses, qui va rendre un rapport sur le sujet à l’automne. L’ANFR a également effectué des contrôles sur tous les sites pilotes en 3,5 GHz dont les résultats seront communiqués. Mais cela ne constituera jamais qu’une première étape. Tout sera à recommencer pour la bande de fréquence 26 GHz, dite millimétrique, qui devrait concentrer les hostilités. Or, les tests sur les sites pilotes n’ont pas encore commencé. Seules quelques expérimentations ont eu lieu il y a deux ans en coopération avec l’ANFR.
La 5G pourrait-elle susciter autant d’animosité que Linky ? Le compteur électrique communiquant développé par Enedis fait en effet l’objet d’une défiance massive en France. Un scénario que le gouvernement et tous les acteurs des télécoms redoutent et espèrent bien ne pas reproduire.
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