Depuis l’affaire des .vin et .wine, les relations entre Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, et l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) sont plutôt houleuses, c’est le moins que l’on puisse dire.
Venue inaugurer les nouveaux locaux de l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) ce jeudi 6 novembre à Saint-Quentin en Yvelines, Mme Lemaire est revenue à la charge devant les responsables de l’Afnic, mais surtout en présence de Steve Crocker, président du conseil d‘administration de l’organisation américaine.
Au départ, l’ambiance était à la réconciliation. Lors de son allocution, Steve Crocker a été plutôt consensuel. Il a confirmé la volonté de l’Icann de se réformer et a souligné l’importance des organisations régionales qui œuvrent, comme l’Afnic en France, pour le développement de l’Internet.
Mais lorsque Axelle Lemaire a pris la parole, elle est revenue à la charge sur les dysfonctionnements de l’Icann. Reconnaissant d’abord que son action a permis de faire passer le nombre d’internautes d’une poignée à 3 milliards sans le moindre problème technique, elle a rappelé qu’aujourd’hui les choses doivent changer.
« De nouveaux acteurs doivent tenir un rôle dans la gestion d’Internet. La gouvernance est un enjeu politique au sens le plus noble du terme. » Elle a précisé que les Européens « ne doivent pas avoir un rôle passif ».
Elle se dit confiante en rappelant que le conseil européen qui doit avoir lieu le 27 novembre « apportera des réponses » sur ce point. Cette réunion qui traitera de transport, de télécommunication et d’énergie, se penchera notamment la libéralisation des marchés des technologies de l’information et de la communication.
L’Icann engage des négociations sur le .Vin
Avec le .vin, la secrétaire d’État constate que « les appétits commerciaux se sont aiguisés. Pour nous, le temps est venu pour agir », a-t-elle déclaré en pointant le comportement « parasitaire » Donuts, le groupe américain qui a remporté les enchères du .vin et .wine. « En tous les cas, l’affaire n’est pas bouclée », nous a-t-elle indiqué.
Après des négociations de la dernière heure que l’on aurait pu croire inutiles après la victoire de Donuts, Mme Lemaire affirme avoir réussi à fédérer les viticulteurs américains et européens, mais pas seulement. Aux États-Unis, plusieurs membres du Congrès soutiendraient son action. « Désormais, la pression sur l’Icann est internationale. J’attends des réponses », a signalé Mme Lemaire avant de prévenir qu’il « serait dommage de ne pas aboutir à un accord ».
Apparemment, c’est en marche. L’Icann a ouvert des négociations avec Donuts comme l’a confirmé Fadi Chéhadé, directeur de l’Icann, dans un courrier adressé fin octobre à la Secrétaire d’État. Dans cette lettre que nous nous sommes procurés, il confirme que « de nouvelles discussions entre les parties » sont engagées. Il précise que ces discussions se déroulent en deux Processus dit de Cooperative Engagement (CEP) : l’un est une demande de la communauté viticole, l’autre par la Commission européenne au nom des États-membres de l’UE.
« Un certain nombre de réunions positives ont eu lieu depuis l’été. Les parties concernées travaillent actuellement sur l’élaboration d’un mécanisme qui offrirait des protections à une liste réservée des noms, qui serait contractuellement protégé par le contrat de registre de l’Icann, avec un ensemble de règles autour de la façon dont ces noms pourraient être distribués aux parties qui ont des intérêts dans et les droits à eux. » Le directeur indique enfin que « l’Icann sera chargé de surveiller et d’assurer le respect de ces engagements. »
Axelle Lemaire propose d’organiser en France une suite au sommet NetMundial de São Paulo lors duquel les États-Unis étaient pointés du doigt après les révélations d’Edward Snowden sur les écoutes de dirigeants, parmi lesquels Dilma Roussef, présidente du Brésil. Elle voudrait mettre les dysfonctionnements de l’Icann et sa gouvernance au centre de cet événement international. Si elle y parvient, elle aura réussi son pari de mettre la France au centre du débat sur la gouvernance internet. Une victoire que beaucoup pensaient perdue.
Lire aussi :
– Axelle Lemaire : « Le .vin va impacter les négociations transatlantiques » (30/06/2014)
– Axelle Lemaire : « Avec le .vin, l’Icann légalise la contrefaçon » (27/06/2014)
– Mathieu Weill (Afnic) : «Nous restons préoccupés par les dysfonctionnements de l’Icann» (31/10/2014)
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