Cent trente-quatre milliards de transistors : voilà une puce qui n’existe pas encore officiellement, mais dont l’hypothèse (très sérieuse) a de quoi donner le tournis. Cette puce, c’est évidemment le M2 Ultra d’Apple, pressentie pour succéder au M1 Ultra. Avec l’arrivée l’an dernier du M2 et, hier, des déclinaisons hautes performances que sont les M2 Pro et M2 Max, les regards sont tournés vers Apple pour une version « Ultra ».
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Une puce qui remplacerait le M1 Ultra, qui était déjà le processeur de tous les superlatifs à son lancement début 2022. Intégré dans le Mac Studio, c’est toujours à ce jour la puce tout-en-un (SoC) la plus complexe et riche en transistors du marché du grand public. Ou plutôt un double SoC, car il s’agit en fait de deux puces M1 Max (57 milliards de transistors) « collées » entre elles pour offrir 114 milliards de transistors, soit plus que bien des puces de centres de données ! Alors que les M2 Pro et Max mettent beaucoup l’accent sur le GPU, le M2 Ultra serait, comme son aïeul, un doublement pur et simple des unités de calcul du Max.
Pourquoi le M2 Ultra est crédible
La conception des M2, M2 Pro et M2 Max est dans les clous de la famille précédente. Le M de base est une puce basse consommation qui a sa place autant dans un ultraportable que dans un iPad. Le M Pro est une nouvelle puce qui pose les bases d’un M2 Max auquel on double les unités GPU. Ce faisant, il suffit de regarder dans le rétroviseur et de voir les unités d’interconnexion du M1 Max pour imaginer un M2 Max équipé de la sorte « s’accoupler » avec un autre M2 Max pour former un M2 Ultra.
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Apple étant resté en 5 nm et ayant conservé le schéma organisationnel de ses unités de calcul, aucun frein matériel ne s’y oppose. Non plus que logiciel, puisque les deux briques que sont le CPU ou le GPU peuvent profiter facilement (selon les applications) d’un doublement des unités de calculs. La seule variable à prendre en compte est celle du marché. À savoir est-ce que le public, déjà assez réduit, des utilisateurs actuels du M1 Ultra est assez conséquent pour justifier l’existence si rapide d’un M2 Ultra ?
Les promesses d’un M2 Ultra
Pas besoin d’être devin pour prédire les performances théoriques de cette puce : « Jusqu’à +20% en puissance CPU et jusqu’à 30% en puissance GPU ». D’où sortent ces chiffres ? Simplement des présentations du M2 Pro par rapport au M1 Pro et M2 Max par rapport au M1 Max. La famille M1 ayant prouvé la « scalibility » c’est-à-dire la capacité à monter en puissance de manière constante. Apple a réalisé un tour de force non seulement dans le développement de ses puces, mais aussi dans son framework et ses pilotes logiciels, tous les programmes récents compilés en ARM profitent quasi linéairement de l’augmentation du nombre de cœurs ainsi que d’une éventuelle montée en fréquence – pour l’heure, LA question sans réponse aux présentations des M2 Pro et Max.
À fréquences constantes ou en hausse, et compte tenu du node retenu (N5P un poil amélioré par rapport au N5), on peut aussi être presque sûr qu’autant les M2 Pro et Max que le potentiel M2 Ultra consomment plus d’énergie que leurs prédécesseurs. Car comme on le voit sur les plans du « die » (prononcer « daïe », le cœur en silicium de la puce) communiqué par Apple, les processeurs sont physiquement plus gros, car embarquant plus de transistors sans vraie réduction de taille. L’architecture d’Apple étant la reine du rapport performances/Watt, cela n’est pas un énorme souci, mais plane tout de même un petit risque de throttling. Un phénomène où les fréquences (et avec elle les performances) s’abaissent automatiquement pour réduire la dissipation thermique quand le système est trop chaud. Or, un doublement de puce implique un doublement du supplément de chaleur dégagée : le Mac Studio pourrait-il s’en sortir sans souci ? À cette question, seuls les ingénieurs thermiciens d’Apple ont la réponse !
Des limites d’architecture en vue ?
Pour composer un M1 Ultra, Apple colle deux puces M1 Max qu’elle interconnecte. Pour cela, le besoin de bande passante est important et il nous semble tout à fait crédible que les blocs techniques conçus par Apple soient à même d’encaisser les +20%/+30% de perfs offertes par la nouvelle puce. Mais avant même de parler de la génération M3, il faut pointer des limites perceptibles de l’architecture CPU actuelle d’Apple. En utilisant un node un peu meilleur, Apple fait grossir ses puces de 20% pour obtenir 20% de performances CPU en plus. Preuve qu’une bonne partie des gains de performances entre le M1 et le M2 est le fait de l’augmentation du nombre de transistors – sur la partie GPU en revanche, Apple semble avoir encore progressé notablement.
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Et il semble qu’Apple soit bloqué, d’une manière ou d’une autre, pour la conception d’un M2 Extreme regroupant quatre M2 Max. Que cela soit pour des raisons de coûts (rendements TSMC, demande du marché) ou pour des raisons de limite d’interconnexion. Dans tous les cas, de nombreux analystes assurent que les Mac Pro sont encore repoussés. Car la potentielle puce M2 Ultra ne serait pas au niveau des exigences d’Apple pour assurer dignement la succession des machines actuelles, propulsées par des Intel Xeon.
Et c’est là aussi qu’il faut regarder : si Apple a réussi à développer des puces ayant le meilleur rendement en performances/Watt, la clique des Intel, AMD et Nvidia a toujours un large avantage en puissance pure. Cela, ils le doivent à leurs architectures, parfois moins efficaces dans les tranches inférieures de consommation (même si cela tend à changer, grâce à l’influence d’Apple), mais capable de tout quand on « fait péter les Watts ».
Max et Ultra : des puces uniques à plus d’un titre
Apple s’est construit un terrain de jeu unique avec ses puces Max et Ultra. Des SoC uniques par leur nombre de transistors, par leur gestion de la mémoire… et par leur coût. À 114 milliards de transistors, le M1 Ultra et 134 milliards pour l’hypothétique M2 Ultra, ces puces dépassent largement un couple CPU + GPU séparé des autres constructeurs que sont Intel, Nvidia et AMD. De plus, l’implémentation de modules de mémoire soudée à quelques millimètres de la puce offre un pool de « mémoire unifiée » unique dans le monde de l’informatique grand public. Une conception que seul Apple peut proposer, les trois autres acteurs étant des fournisseurs de plates-formes à des constructeurs. Qui, eux, ont besoin de créer des gammes, mais sans maîtriser ce qui se passe dans les puces.
Finalement, il y a la question du prix des puces. Entre un Mac mini et un Mac Studio, le différentiel de coût du châssis est assez marginal. La vraie différence se fait dans le processeur : entre un M1 (et un M2 à partir de la fin du mois) de Mac mini et un M1 Ultra de Mac Studio, c’est quasiment 5 000 € de différence. Une différence de prix justifiée par le châssis donc, la quantité de mémoire greffée sur la puce. Mais aussi et surtout au coût d’une double puce géante dont les rendements sont infiniment inférieurs à ceux d’un simple M1/M2.
En tous les cas, Apple a développé une catégorie de puce que la concurrence ne peut ou ne veut produire. Lui permettant de conserver un avantage différenciant clé. Espérons cependant que l’entreprise ne souffre pas trop de la fuite de très nombreux cerveaux de son équipe en charge du développement des semi-conducteurs. Car la concurrence ne dort pas : Intel va accélérer sur le déploiement de ses nodes de pointe, gonfle ses muscles dans le graphique et conçoit des cœurs de plus en plus efficaces. AMD a déjà les cartes techniques pour concevoir une puce équivalente (mais le marché n’est pas encore là ?). Et Nvidia reste (et de loin !), le roi de la puissance pure ET de l’efficacité graphique. Apple a commencé une révolution et a montré la voie, il faut désormais qu’il se rappelle qu’il n’est pas seul !
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