Fort d’un investissement colossal dans OpenAI, Microsoft a intégré GPT-3.5, le modèle linguistique derrière ChatGPT, à son moteur de recherche Bing. L’éditeur a également incorporé l’intelligence artificielle générative à son navigateur web, Edge. Microsoft prévoit d’en faire de même avec la suite Office. La firme a confirmé son intention d’intégrer la technologie d’OpenAI dans Word, Outlook ou encore Powerpoint. En affichant des ambitions démesurées, Microsoft a pris la tête de la course à l’intelligence artificielle.
Pris de court par ChatGPT, Google a tenté de répondre à la menace représentée par l’IA. Le géant de Mountain View a dévoilé dans la précipitation son alternative, baptisée Bard. Basé sur LaMDA, un puissant modèle de langage mis au point par Google il y a des années, le chatbot n’est pas parvenu à susciter l’enthousiasme. Ce lancement dans l’urgence, jalonné de gaffes, n’a pas convaincu les employés de Google ni les investisseurs. Alors que le déploiement de Bard se fait encore attendre, Google semble un peu largué par rapport à ses concurrents.
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La prudence de Google
D’après une enquête réalisée par le Wall Street Journal, Google subit les retombées de son excès de prudence. Le géant de la recherche a avancé très prudemment dans le domaine de l’intelligence artificielle, craignant que le moindre faux pas ne ternisse sa réputation, au cours des dernières années. Interrogé par le média, Gaurav Nemade, ancien chef de produit Google ayant travaillé sur l’IA, explique :
« Google a du mal à trouver un équilibre entre le niveau de risque à prendre et le maintien d’un leadership éthique ».
À ce titre, le Wall Street Journal révèle que Google a rejeté à plusieurs reprises LaMDA, le modèle linguistique derrière Bard. Développé par deux de ses chercheurs, Daniel De Freitas et Noam Shazeer, celui-ci était déjà capable de débattre, de faire des plaisanteries et de faire des jeux de mots il y a des années, bien avant la révolution ChatGPT.
Le duo souhaitait intégrer leur invention à Google Assistant, donnant une avancée considérable à Google sur les autres assistants intelligents du marché, et à Google Search. L’entreprise a estimé que le programme informatique ne répondait pas à ses normes en matière de sécurité. De facto, le modèle est resté confiné aux frontières de Mountain View.
Today we’re sharing our AI principles and practices. How AI is developed and used will have a significant impact on society for many years to come. We feel a deep responsibility to get this right. https://t.co/TCatoYHN2m
— Sundar Pichai (@sundarpichai) June 7, 2018
Sous l’égide de Sundar Pichai, PDG de Google, le groupe a mis en place des lignes directrices particulièrement strictes autour de l’IA en 2018. Le dirigeant a notamment édicté sept grands principes, comme le respect de la vie privée et l’éviction de biais injustes. Surtout, Pichai exigeait que l’intelligence artificielle soit d’abord longuement testée dans des environnements fermés, afin de limiter « les résultats imprévus ».
Contacté par le Wall Street Journal, un porte-parole de la firme explique qu’il y a « un grand écart entre un prototype de recherche et un produit fiable qui peut être utilisé au quotidien en toute sécurité ». Bien que prometteur, le modèle de langage de l’époque, conçu par Daniel De Freitas et Noam Shazeer, n’était pas encore suffisamment au point. Le porte-parole ajoute que Google doit se montrer plus réfléchi que les plus petites sociétés concernant l’IA.
Les chercheurs ont fini par démissionner en 2021, déçus par l’approche timorée de Google. Le duo a lancé sa propre entreprise, Character Technologies. La société a développé un chatbot, animé par l’apprentissage automatique, qui peut converser à la manière d’un personnage célèbre tel que le philosophe grec Socrate.
Une occasion ratée
L’enquête du Wall Street Journal indique que Google a plusieurs fois refusé de mettre en ligne une démo publique de son modèle de langage, évoquant systématiquement un problème de sécurité. Néanmoins, Google a bien failli passer le cap en mai 2022. La firme avait finalement décidé de proposer une démo de LaMDA en marge de la Google I/O.
La controverse suscitée par Blake Lemoine, un ingénieur Google, a finalement dissuadé la firme. L’ingénieur avait assuré que l’IA était douée de sensibilité. Agacé par les propos de son employé, Google l’a licencié. Finalement, Google aura attendu qu’OpenAI, fondée en 2015, et Microsoft prennent une avance considérable avant de déployer son intelligence artificielle.
A contrario de Google, Microsoft paraît parfois avancer avec précipitation sur le terrain de l’intelligence artificielle. Depuis le lancement du nouveau Bing, l’entreprise a plusieurs fois été contrainte d’ajouter des limites à Prometheus, la version de ChatGPT incorporée dans le moteur de recherche. Pour éviter que le chatbot ne déraille, proférant insultes et menaces, Microsoft a limité chaque conversation à un maximum de six questions. Un nouveau bouton, permettant d’ajuster la personnalité du chatbot, a aussi été ajouté. Plutôt que de tester longuement le chatbot en laboratoires, Microsoft a préféré le mettre en contact avec les internautes, tout en étant conscient de ses dérives.
Changement de direction pour Bard
Tandis que ChatGPT s’invite dans une pléthore de logiciels, Google hésite encore sur la stratégie à adopter pour la sortie prochaine de Bard. Initialement, l’entreprise souhaitait que son modèle linguistique soit essentiellement consacré à la recherche en ligne, à la manière du Prometheus de Microsoft.
Lors d’une réunion organisée à ses employés début mars, plusieurs cadres de Google ont tenu des propos allant à l’encontre de cette stratégie, relate CNBC. Jack Krawczyk, le chef de produit de Bard, a notamment affirmé que le robot conversationnel « n’est pas de la recherche » :
« La magie que nous trouvons dans l’utilisation du produit, c’est vraiment d’être ce compagnon créatif qui peut servir de bougie d’allumage de l’imagination ».
Plutôt que d’être cantonné à la recherche en ligne, Bard serait finalement présenté comme un chatbot multifonctions, un peu comme ChatGPT. Évidemment, il sera toujours possible de s’en servir pour réaliser des recherches en ligne par le biais de Google Search. Aux dernières nouvelles, Google devrait mettre en ligne la première démo publique de Bard dans un avenir proche.
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Source : Wall Street Journal