Quand on pense à ChatGPT ou à ses concurrents, on imagine des superordinateurs et des semi-conducteurs. Mais on oublie souvent qu’il faut des quantités d’eau douce titanesques pour entraîner les outils d’IA générative. En avril dernier, une étude menée par des chercheurs de deux universités américaines avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Le 9 septembre, on apprend d’Associated Press que d’autres scientifiques ont étudié de près la consommation d’eau des systèmes d’IA d’OpenAI et Microsoft. Bien que leur recherche ne soit pas encore publiée – ils promettent que cela sera fait avant la fin de l’année – leurs premiers résultats confirment les conclusions de la précédente étude.
Selon ces chercheurs, la société qui a développé ChatGPT et le géant des logiciels qui y a investi des milliards ont dû utiliser des tonnes et des tonnes de litres d’eau pour apprendre à l’IA à générer de l’écrit ou du code. Et pour ce faire, les deux partenaires se sont approvisionnés aux États-Unis, dans les rivières Raccoon et Des Moines situées dans le centre de l’Iowa. Peu de gens de cet État américain savent que le GPT-4 « a été littéralement fabriqué à côté des champs de maïs, à l’ouest de la ville Des Moines », a déclaré il y a peu un cadre de Microsoft, dans un discours cité par nos confrères.
Si la température dépasse les 29,3°C, il faut de l’eau
La construction d’un grand modèle de langage nécessite énormément de calculs qui, en plus d’être énergivores, génèrent beaucoup de chaleur. Derrière ChatGPT, il faut se représenter d’immenses entrepôts qui abritent des centres de données et des serveurs informatiques. Or, pendant l’été, la température peut vite y monter – si elle monte trop, les centres vont surchauffer, et les ordinateurs vont s’éteindre. Pour éviter ce scénario, il faut les refroidir.
Si l’air de l’Iowa suffit pour évacuer la chaleur des bâtiments la majeure partie de l’année, dès que la température dépasse les 29,3°C, il faut de l’eau, explique l’entreprise dans une déclaration publique citée par nos confrères. L’eau va permettre de maintenir la température à un niveau raisonnable dans toute l’infrastructure. Et point important : il faut de l’eau douce, et non de l’eau salée qui pourrait entraîner « la corrosion, l’obstruction des conduites d’eau et la prolifération de bactéries », soulignait l’étude publiée en avril. De quoi constituer un véritable problème à l’heure du réchauffement climatique où la disponibilité de l’eau douce, provenant de la fonte des neiges, est appelée à diminuer. La quantité d’eau s’est déjà réduite ces trente dernières années dans plus de la moitié des lacs et des réservoirs du monde, selon une étude publiée dans Science en mai dernier.
Vous écrivez entre 5 et 50 prompts : cela nécessite un demi-litre d’eau
Shaolei Ren, chercheur à l’Université de Californie, s’est attelé, avec son équipe, à calculer l’impact environnemental de ChatGPT. Selon ces chercheurs, l’agent conversationnel engloutit la moitié d’un litre d’eau à chaque fois que vous lui posez entre 5 et 50 questions (ou prompts). L’étude d’avril estimait de son côté que ChatGPT avait besoin de ces mêmes 500 ml d’eau à chaque fois que le seuil allant de 20 à 50 questions était franchi. Un demi-litre, cela ne semble pas excessif. Mais il faut penser aux millions d’utilisateurs de ChatGPT qui vont poser plus de 20 questions, expliquaient en substance les chercheurs.
Pour Shaolei Ren, interrogé par nos confrères, « la majorité des gens ne sont pas conscients de l’utilisation des ressources inhérentes à ChatGPT. Or, si vous n’êtes pas au courant de l’utilisation des ressources, nous ne pouvons pas vous aider à les préserver ».
Une augmentation de la consommation d’eau de 34 % entre 2021 et 2022
Les derniers rapports des géants de l’IA confirment bien qu’ils consomment plus d’eau qu’avant l’ère des IA génératives. Microsoft estime que sa consommation mondiale d’eau a grimpé de 34 % entre 2021 et 2022, selon son dernier rapport environnemental. Pour le chercheur, la raison de cette augmentation est toute trouvée : c’est l’IA. Même son de cloche pour Google, où l’augmentation de la consommation d’eau est de 20 %, selon son rapport publié en juillet 2023.
Dans le partenariat Microsoft-OpenAI, c’était à Microsoft de fournir la puissance de calcul nécessaire à l’entraînement des modèles d’IA. Le géant des logiciels a donc entrepris de construire des centres de données à West Des Moines, dans l’Iowa, une ville de 68 000 habitants où l’entreprise avait déjà des infrastructures. Fin mai, le président de Microsoft, Brad Smith, a confirmé que l’entreprise avait construit son « centre de données de supercalculateur d’IA avancé » dans cet État américain. L’objectif était de permettre à OpenAI d’y entraîner ce qui est devenu son modèle de quatrième génération, le GPT-4.
L’entreprise prévoit d’ailleurs d’y ouvrir son 4ᵉ et 5ᵉ centre, dans l’année. Mais il pourrait ne pas y avoir de 6ᵉ centre, justement en raison de la grande quantité d’eau prélevée l’été. Selon un document publié par la société de gestion de l’eau en avril 2022, la « West Des Moines Water Works », la ville et l’entreprise gestionnaire « n’envisageront de futurs projets de centres de données » de Microsoft qu’à une condition. Il faudra « démontrer et mettre en œuvre une technologie permettant de réduire de manière significative les pics d’utilisation de l’eau par rapport aux niveaux actuels ». L’objectif est de préserver l’approvisionnement en eau pour les besoins des habitants et des entreprises locales.
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Source : Associated Press
Question : cette eau est-elle rejetée ensuite dans le réseau pour être réutilisée ou pas ?