Une attaque, deux cibles : mercredi 18 décembre, Apple a à nouveau accusé Bruxelles de mettre la vie privée de ses utilisateurs en danger. La marque à la pomme estime que le DMA, le règlement européen sur les marchés numériques honni par les géants américains du secteur, obligerait ses usagers « à ouvrir leurs appareils – et leurs données les plus sensibles – à des entreprises qui ont l’habitude de violer leur vie privée ». « Ces processus vont nuire à l’innovation – les entreprises devraient pouvoir rivaliser entre elles pour faire fonctionner leurs propres produits ensemble de manière nouvelle, au bénéfice des utilisateurs, sans donner leurs idées à leurs concurrents », regrette la société de Cupertino.
Pour preuve : regardez les demandes faites par Meta, un de mes rivaux, dit-elle en substance dans son communiqué publié sur son site dédié aux développeurs. Le texte cible directement la maison mère de Facebook, WhatsApp et Instagram. Car selon Apple, Meta, le champion de la publicité ciblée, aurait fait plus de demandes que n’importe quelle autre entreprise pour accéder aux technologies sensibles d’Apple : « Meta a fait 15 demandes (et ce n’est pas fini) d’accès (aux technologies NDLR) d’Apple qui, si elles sont acceptées, réduiraient les protections des données personnelles de nos utilisateurs », écrit-elle noir sur blanc.
Apple ne veut pas « partager ses innovations » avec ceux qui « ne protègent pas assez la vie privée »
En taclant le DMA et l’UE, l’entreprise cherche-t-elle à aussi régler ses comptes avec Meta ? D’un côté, les deux entreprises ont plusieurs conflits en cours. Le groupe de Mark Zuckerberg s’est opposé à plusieurs reprises à Apple sur les frais d’utilisation des applications iOS, ainsi que sur les fonctions de protection de la vie privée. La société américaine a aussi commercialisé des produits concurrents comme son casque Quest et des lunettes intelligentes Meta Ray-Ban.
De l’autre, le DMA contraint Apple à ouvrir davantage son système. La société de Cupertino doit par exemple veiller à ce que d’autres développeurs puissent accéder aux fonctions clés d’Apple. Un accès que Meta, qui souhaite faire fonctionner ses produits avec les systèmes d’Apple, aurait visiblement demandé. Or selon Apple, cet accès revient ni plus ni moins à « partager ses innovations (…) avec tous les autres, y compris ceux qui ne partagent pas son engagement en faveur de la protection de la vie privée des utilisateurs ».
Meta répond qu’Apple ne croit pas en l’interopérabilité
La société Meta a-t-elle profité de ses demandes liées au DMA pour obtenir plus d’informations que nécessaires ? Apple réagit-elle en citadelle assiégée ? Difficile à dire, mais en attendant, Meta a répondu qu’Apple ne croyait tout simplement pas en l’interopérabilité – le fait de permettre aux consommateurs de passer d’un système à l’autre sans être bloqués. « Chaque fois qu’Apple est mis en cause pour son comportement anticoncurrentiel, il se défend en invoquant des motifs liés à la protection de la vie privée qui n’ont aucun fondement dans la réalité », a déclaré un porte-parole dans un communiqué.
Ce nouvel épisode, qui illustre surtout le conflit larvé entre la marque à la pomme et Bruxelles, est parti d’une procédure ouverte en septembre dernier par l’Union européenne dans le cadre du DMA, ce texte qui contraint Apple à davantage ouvrir son écosystème fermé à la concurrence. Trois mois plus tôt, la Commission européenne expliquait vouloir détailler les mesures qu’Apple devra adopter en la matière. Il s’agissait en particulier pour la marque à la pomme de se conformer aux obligations d’interopérabilité entre le système d’exploitation iOS d’Apple et les appareils connectés – à savoir, les montres et les enceintes connectées, ou encore les casques de réalité virtuelle développés par des concurrents comme Meta.
Cette procédure a finalement atteint une étape le mercredi 18 décembre, jour où Bruxelles a envoyé à Apple un projet de mesures à adopter, tout en ouvrant une consultation (jusqu’au 9 janvier) destinée à les évaluer – ce qui n’a visiblement pas plu à Apple.
Dans son communiqué de ce jeudi 19 décembre, l’exécutif européen demande concrètement que les développeurs iOS externes reçoivent plus de détails sur les différentes phases et les critères qu’Apple appliquerait pour évaluer les demandes d’interopérabilité. Il souhaite aussi qu’un mécanisme de conciliation équitable et impartial soit mis en place pour traiter les désaccords techniques avec Apple.
Ces mesures, pour l’instant provisoires et soumises à consultation, devront, une fois définitives, être appliquées par Apple, malgré toutes ses réticences. Car la marque à la pomme risque gros : l’ouverture d’une enquête formelle – comme c’est déjà le cas pour l’App Store – et une amende salée pouvant atteindre les 10 % de son chiffre d’affaires mondial.
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