Sans tambour, ni trompette, Apple vient de confirmer un tournant stratégique capital, qui va avoir un impact sur tous les iPhone, iPad et autres iDevices qu’il va produire dans les prochaines années.
Par un simple communiqué, la firme de Cupertino a annoncé qu’elle mettra un terme d’ici 15 à 24 mois à son accord de licence avec la société Imagination Technologies. Cette entreprise britannique, dont la valeur en bourse a depuis chuté de presque 70%, fournit les technologies de puces graphiques pour les terminaux mobiles d’Apple depuis leurs origines. Ce sont ses puces PowerVR qu’on trouve dans les iPod touch, dans les iPhone, ou encore dans les Apple TV.
La nouvelle n’est toutefois pas une surprise. D’abord parce que cela fait plusieurs années déjà que des rumeurs voulaient qu’Apple travaille à développer ses propres puces. La firme de Cupertino a d’ailleurs débauché des responsables et ingénieurs d’Imagination Technologies ces dernières années. Des fuites avaient même fait état de discussions autour d’un rachat d’Imagination par Apple – lequel posséderait entre 8 et 10% du capital de son partenaire. D’autre part, cette décision est une évolution naturelle de la stratégie du géant américain.
Une suite logique
Depuis 2010, l’introduction de l’iPhone 4 et de la puce Apple A4, la partie processeur du SoC est développée par des ingénieurs maison. A l’époque, les responsables d’Apple avaient expliqué à quel point il était essentiel pour la société californienne de ne plus être tributaire des évolutions technologiques des sociétés qui fournissaient le processeur de ce qui était déjà le fer de lance de son succès, l’iPhone.
Pour gagner en indépendance, en 2008, Apple avait donc racheté P.A. Semi, une petite société, comprenant environ 150 ingénieurs, spécialisée dans les processeurs mobiles basse consommation.
Depuis, les puces Apple Ax ont motorisé les nouveaux produits mobiles de la société de Tim Cook. Un savoir-faire interne qui a également permis le développement de puces sur mesure pour l’Apple Watch, le S1, ou encore le T1, qui est embarqué dans les derniers MacBook Pro et est destiné à gérer la Touch Bar.
La partie graphique va donc connaître la même destinée et les iPhone 2018 pourraient être les premiers à en bénéficier. A l’heure où les jeux continuent à dominer les usages mobiles, cette volonté de contrôle est légitime. Mais ce n’est pas la seule raison. Depuis plusieurs mois désormais, Tim Cook ne cache pas son intérêt prononcé pour la réalité virtuelle et surtout la réalité augmentée, plus facile à décliner au quotidien selon lui. Or, pour des usages fluides et visuellement performants, il faudra que nos appareils mobiles soient puissants et optimisés au mieux.
Ce contrôle absolu et ce savoir-faire internalisé pourraient également permettre à Apple d’avancer plus librement, à son rythme en tout cas, sur le développement de nouveaux produits.
Des rumeurs laissent entendre qu’une équipe d’ingénieurs de la société américaine soit en train de développer des prototypes de lunettes connectées dédiées à la réalité augmentée. Un facteur de forme très contraignant (plus encore que les montres) où l’espace et l’autonomie doivent être équilibrés au mieux. Le contrôle de la consommation de la puce graphique et de ses performances serait en l’occurrence d’autant plus primordial.
Des performances prometteuses
Pour l’heure, il est évidemment impossible de savoir quel chemin a été parcouru par Apple et quelles sont les performances obtenues par les puces graphiques qui ont d’ores et déjà été mises au point. Néanmoins, on peut penser que la “mère des iPhone” n’aurait pas décidé de couper les ponts avec son fournisseur technologique au plus tard d’ici deux ans si elle n’était pas suffisamment avancée dans le domaine. Au moins autant qu’Imagination Technologies, en tout cas.
Or, la société britannique a annoncé il y a quelques semaines la nouvelle architecture de ses futures puces. Baptisée Furian, elle ouvrirait les portes de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée et du jeu 4K aux plates-formes mobiles qui l’embarqueraient. Sachant qu’Apple était et demeure pour l’instant un partenaire privilégié d’Imagination, il est clair que la société de Cupertino est au courant des promesses de cette nouveauté depuis bien longtemps.
Peut-on donc en conclure qu’Apple a dans ses tuyaux des puces aux performances au moins équivalentes ? Cela semble théoriquement envisageable et pas dénué d’une certaine pertinence. En effet, pourquoi abandonner un partenariat technologique pour proposer des solutions moins performantes ?
Les contours d’un gros souci ?
Quoi qu’il en soit, un autre problème pourrait se poser dans les mois et années à venir : celui des brevets et de la propriété intellectuelle. C’est d’ailleurs sur ce point qu’Imagination Technologies émet un doute, teinté d’un semblant de menace.
Dans son communiqué, la société explique en des termes, qui laissent assez peu de place au doute, « qu’il serait extrêmement difficile de concevoir une toute nouvelle architecture de processeur graphique sans violer ses droits à la propriété intellectuelle ».
Apple est prévenu et Imagination lui a demandé des explications qui permettraient de prouver que les équipes de Tim Cook n’auront plus besoin de ses brevets et autres formes de propriété intellectuelle.
Le géant américain n’aurait pas encore répondu à ces sollicitations. Pour l’année 2016, ce sont environ 76 millions d’euros de droits de licence et de royalties qu’Apple aura eu à verser à Imagination, selon cette dernière.
Avant d’être totalement libre de ses engagements vis-à-vis d’Imagination Technologies, Apple va donc devoir faire la preuve que ses progrès technologiques ne reposent pas sur celles de son partenaire. Si ce n’est pas le cas, ce serait en soi une véritable petite révolution. En tout cas, voici une affaire qu’il va falloir suivre de près, car, entre révolutionner un secteur et aboutir à un procès, il y a un monde. Même si Imagination indique clairement être ouverte à une troisième voie.
En définitive, Apple donne une nouvelle dimension à son credo et continue de creuser le sillon de l’intégration “symbiotique” entre les parties matérielle et logicielle. La société américaine est en passe d’atteindre le contrôle quasi total pour ses produits mobiles, qui sont les plus stratégiques à son développement et dans son écosystème.
Mais, ce ne pourrait être qu’un début. Au regard des transferts de technologies par glissement qui existent entre le monde iOS et macOS, ces dernières années, il ne paraît pas totalement déplacé d’imaginer que les Mac suivent la même voie à plus ou moins long terme. Intel sera-t-il la prochaine victime de la volonté d’indépendance totale d’Apple ? Pas forcément, mais il est de plus en plus clair que des puces ARM auront un rôle prépondérant dans les futurs Mac.
Sources :
Imagination Technologies
Bloomberg
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.