La vague des rééditions « mini » des anciennes consoles – qui se poursuit toujours avec l’annonce de la Game Gear par Sega – fait un petit détour par les territoires exotiques du gaming avec l’arrivée sur le marché de la Core Grafx. Une console de salon sortie au Japon à la fin de l’année 1987 et vendue à plus de 10 millions d’unités. S’il s’agit de la 18e console de salon la plus vendue de l’histoire, cet honorable succès est un peu en trompe l’œil, puisque 40% de ce volume concerne le Japon, son pays de naissance où elle a eu une vraie influence sur l’histoire vidéoludique locale.
Dans le reste du monde son destin fut bien plus compliqué : le distributeur français de l’époque achetait des consoles qu’il modifiait lui-même pour les faire fonctionner avec nos téléviseurs ! Quant aux USA, où l’essentiel du reste des consoles s’est vendu, les ambitions dans le domaine vidéoludique de NEC/Hudson Soft, les concepteurs des premières consoles PC Engine, se sont envolées face à un Nintendo qui signait des accords exclusifs pour les jeux et Sega qui a contre-attaqué avec sa Megadrive (Genesis sur le territoire US). [ Lire notre test de la Megadrive Mini ]
Appelée PC-Engine au Japon, TurboGrafX-16 aux USA et Core Grafx en France (qui est le seul pays européen à l’avoir officiellement distribué) la console de NEC/Hudson Soft renaît de ses cendres sous trois apparences différentes selon les marchés. En Europe, la Core Grafx mini reprend la robe noire de l’époque et la manette ressemble à s’y méprendre à l’originale.
Une console, deux identités et une double ludothèque
La dualité de la console qui s’est surtout vendue au Japon et aux USA avec des catalogues assez différents a mené Konami à proposer non pas une mais bien deux ludothèques. Et afin de faire facilement le tri entre les deux, les développeurs de l’interface graphique les ont séparées en deux consoles virtuelles. Un bouton en bas à droite de l’écran permet de basculer du catalogue japonais (« PC Engine » en rouge) à l’américain (TurboGrafX-16 en rouge et or).
L’avantage est double : il évite le caractère fouillis qu’aurait représenté une interface de 57 jeux (moins en fait, lire plus loin) et met plus en lumière les différences culturelles des deux catalogues. La console ayant connu plusieurs déclinaisons et évolutions (II, CD, etc.), l’interface présente à chaque fois de quelle version du titre il s’agit.
Do you speak english ? 日本語は話せますか ?
Amis défenseurs de la langue française, passez votre chemin : aucun titre n’est dans la langue de François Villon. Aucun jeu n’ayant en effet passé le cap de la traduction à l’époque – pour des raisons de coût – tout les titres s’affichent donc en anglais… ou en japonais. Pas d’inquiétude, vu la horde de jeux de plate-forme, de shoot’em up et autres, il ne s’agit pas d’un handicap rédhibitoire.
Mais certains titres du catalogue nippon vont vous faire travailler vos hirakanas, katakana et autres kanjis puisqu’ils sont 100% en langue japonaise. Idéal pour les otakus, fans du Japon et autres parfaits masochistes. Mais si vous n’entravez rien à la langue du Major Katsuragi, bonne chance pour jouer à « Snatcher », un roman interactif sur fond de Cyberpunk à Neo-Kobé qui consiste essentiellement à lire du texte (en japonais) et à choisir des options (en japonais) ou à poser des questions (vous avez compris : en japonais). Genki desu !
Catalogue varié mais quelques doublons
Théoriquement, la console embarque 57 titres : 25 issus du catalogue nord-américain, 32 du japonais. Mais il y a une petite entourloupe : trois de ces titres sont en double ! Dungeon Explorer, Neutopia I et Neutopia II sont ainsi présent dans les deux ludothèques, pour des raisons qui nous échappent à l’heure actuelle. Cela fait ainsi « seulement » 54 titres jouables, moins quelques jeux d’aventure nippo-nippon dont la portée ludique est hors de portée des non-japonisants.
L’effet nostalgie ne touchera que les rares chanceux qui ont pu jouer avec à l’époque et son ennemi 8-bit, la NES Classic Mini, a évidemment l’avantage de la notoriété des franchises. Mais la Core Grafx offre un catalogue tout à fait satisfaisant, en qualité comme en variété.
Les fans de RPG ont droit au tout début de la saga d’Ys (Book I and II), ceux en manque de Zelda-like pourront s’essayer à Neutopia I et II (bien plus jolis que les Zelda Nes) ou à The Legend of the Valkyrie, qui ressemble pas mal à The Story of Thor sorti quelques années après sur Megadrive (moyennant quelques menus et noms d’item en japonais). Les amateurs de shoot’em up sont parmi les plus choyés tant l’offre est importante avec, pour ne citer qu’eux, R-Type, Blazing Lazers, Soldier Blade, etc. Ou encore le drôle de mélange de chevalier du Zodiaque et de shoot’em up à défilement horizontal qu’est Lords of Thunder.
La seule faiblesse est à chercher au niveau des jeux de plate-forme : seul Bonk (PC Gaijin) est de bonne tenue, les autres titres sont un peu trop simplistes, un New Adventure Island ne pouvant prétendre à la qualité d’un Mario. Mais cela est rattrapé par de bons titres, notamment dans les beat them all, ainsi que deux titres de la franchise Bomberman.
Interface graphique exemplaire
L’interface graphique et l’ergonomie logicielle de la CoreGrafx mini sont les meilleures de toutes les mini consoles. Outre le fait que tout se pilote avec la manette, le raccourci d’accès au menu est plus efficace que celui de la SNES Classic Mini par exemple. Au lieu d’avoir à maintenir plus d’une seconde quatre boutons (Start, Select, L et R), sur la CoreGrafx Mini il suffit d’appuyer sur Select + Run pour voir arriver le menu de sauvegarde et de retour au déroulé des jeux. Plus rapide, plus efficace. Et plus joli.
Car s’ajoute à cela une interface à la fois efficace, parfaitement fluide, belle et soignée. Avec la possibilité de changer le système de tri des jeux (ordre alphabétique, date de sortie ou type de média). Et profiter non seulement de de belles illustrations d’époque (les jaquettes apparaissent en grand) mais aussi de chouettes animations qui ajoutent un petit plus à l’expérience. Le chargement des jeux varie selon qu’il s’agisse d’une HuCard (cartouche) ou d’un CD. Tout cela tandis que de petits personnages de chargement parcourent l’arrière-plan de l’interface en permanence. Même la bascule du catalogue de la TurboGrafx-16 (USA) au catalogue de la PC-Engine (Japon) a de la classe : le signal se brouille et l’écran passe au noir à la façon d’un écran à tube cathodique. Une somme de détails qui montre que ce sont bien des passionnés qui ont développé l’interface !
Au passage et de manière plus marginale, ce sens du détail se perçoit aussi sur la page du site web de Konami dédié à la console – en français, n’ayez pas peur. Beaucoup de jeux étant peu connus du très grand public (à part Bomberman), Konami a pris le soin de présenter et contextualiser chaque titre.
Tout cela pour dire que, qualité des titres mise à part (puisqu’elle est variable), l’expérience de jeu est vraiment bonne. Non seulement Konami n’a pas bâclé sa console comme l’a fait Sony avec sa PlayStation Classic, mais en plus le studio japonais s’est payé le luxe de faire mieux que Nintendo.
Une bonne manette… mais un peu seule !
La reproduction de la manette est très fidèle à l’origine et intègre les leviers « turbo » qui évitent de se détruire les doigts quand on joue aux shoot’em up, par exemple. Autre très bon point, le câble USB mesure 3 m ce qui permet de se placer à bonne distance d’une télévision. Une taille bien plus confortable que les câbles de manette de la NES Classic qui mesurent moins d’un mètre pour assurer la compatibilité avec le vieux protocole de communication des anciennes manettes.
Sans être un modèle d’ergonomie (on a un peu progressé en trente ans !), la manette est agréable même au-delà d’une heure de jeu, les finitions sont très bonnes et les boutons parfaitement ajustés.
Tout serait parfait dans le meilleur des mondes si la manette ne se sentait pas si seule. Car de nombreux titres de la PC-Engine/CoreGrafx/TurboGrafX-16 se jouaient à deux joueurs voire plus, et la console n’est livrée qu’avec une seule manette. Pour l’heure, alors que la console est à peine disponible en Europe, il est impossible de dégotter une seconde manette officielle filaire.
Le spécialiste des manettes 8-BitDo va bien en proposer un modèle sans fil via dongle, mais non seulement la manette n’est pas encore disponible mais en plus elle ne disposera pas des modes Turbo. Même combat pour le multitap, cet adaptateur qui permet de jouer jusqu’à 5. Aquestion bêtennoncé, il n’est pas encore disponible.
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