‘ On est en train de mettre le feu près de la voie SNCF à proximité du tunnel ‘, observe le capitaine sapeur-pompier Sébastien Deroche. Non, ce responsable pédagogique n’est pas en train de surprendre un pyromane. Il signale que l’exercice de lutte contre le feu commence. Pas sur le terrain, mais sur un simulateur présenté comme unique au monde. L’Ecole d’application de sécurité civile de Valabre, à 10 km d’Aix-en-Provence, forme à la lutte contre les feux de forêt et décerne les brevets aux cadres des postes de commandement. Son logiciel de simulation d’incendies s’appuie sur une cartographie en 3D et des scénarios réalistes. Plus de 2 000 stagiaires officiers et sous-officiers y ont déjà été formés. ‘ Nous sommes au huitième jour d’un stage qui en compte quinze, et les visages aux traits tirés de nos douze stagiaires expriment bien la densité de cette formation ‘, remarque le capitaine Deroche.
Une formation au rythme soutenu
Le rythme est dense : six exercices d’une heure s’enchaînent quotidiennement. A la clé, l’obtention du brevet national FDF4, qui permet de devenir chef de colonne et de commander trois groupes d’intervention d’au moins quatre camions chacun sur un sinistre important. Les stagiaires sont répartis dans des salles informatisées, reliées au serveur gérant la simulation. Oubliant vite qu’ils ne sont séparés que par quelques cloisons, ils disposent des mêmes moyens de communication que sur le terrain. Chacun doit remplir une fonction précise comme lors d’un combat réel contre le feu. Figurent deux chefs de groupe, un officier ‘ aéro ‘ chargé de gérer les avions, un officier des ‘ moyens ‘ qui tient à jour la liste des forces engagées et un autre qui s’occupe des transmissions. Une chasuble distinctive permet de les identifier. ‘ Au plus fort de l’intervention, on se croirait dans une véritable ruche ! ‘, s’exclame le capitaine Deroche. C’est le commandant Romain Moutard, officier sapeur-pompier de la Côte-d’Or, qui joue le rôle de chef de colonne. Son objectif est de tout mettre en ?”uvre pour stopper le feu, limiter sa propagation, protéger les habitations.
Un réalisme saisissant
Il attend le début de l’exercice, isolé dans une pièce devenue son bureau de chef du centre d’intervention de Bandol. Soudain, un appel lui signale un départ de feu. Deux opérateurs viennent de le déclencher à partir de leur ordinateur. Un train en feu provoque plusieurs débuts d’incendie. L’apprenti chef de colonne récolte les premières informations et construit son raisonnement tactique. Il demande des renforts et part sur les lieux en prenant place dans une cabine représentant l’intérieur d’un véhicule. Sur l’écran défile le paysage en 3D de l’itinéraire entre la caserne et le lieu de l’intervention. ‘ C’est un outil de simulation extraordinaire ! Il a été développé ici pour les besoins de la lutte contre les feux de forêt dans le sud-est de la France, sur la base d’une cartographie complète qui restitue avec un réalisme saisissant les reliefs de cette zone, la végétation, et les problèmes d’accessibilité ‘, s’enthousiasme le capitaine Deroche.Son élève vient d’atteindre sa destination virtuelle et se rend dans une pièce agencée en poste de commandement. A la lumière d’un premier bilan effectué avec les officiers déjà sur place, le commandant Moutard ordonne : ‘ Tu prends deux colonnes en plus des groupes déjà là : l’objectif est d’établir une ligne d’appui sur toute la partie menacée, ici, sur ce secteur énorme ! ‘ Puis direction l’hélicoptère, plus exactement le box, recréant, grâce à des écrans, l’intérieur d’une cabine de Dragon. Décollage pour une reconnaissance de l’étendue des flammes. C’est un des points forts du simulateur : il permet de multiplier les points de vue avec une parfaite correspondance entre les visions terrestre et aérienne. Le feu menace des maisons. L’officier contacte le bombardier d’eau, situé dans une autre pièce, et lui commande un largage localisé.L’exercice touche à sa fin. Happés par la simulation, les stagiaires sont dans un fort état de stress. Le dispositif a annihilé la frontière entre virtuel et réel. ‘ C’est un simulateur vivant, il change en permanence, confie le capitaine Deroche. Toutes les actions ont une conséquence sur le feu. Cela oblige les stagiaires à rester très vigilants. ‘
Une finalité pédagogique
Pour corser l’exercice, les responsables peuvent modifier les données : la force du vent, le taux d’humidité de la végétation, la présence de randonneurs…
‘ Si l’incendie se passe trop bien, nous le faisons évoluer en ajoutant des départs de feux ou des éléments perturbateurs afin de titiller les stagiaires. La finalité est évidemment pédagogique. ‘ Cet outil de formation s’inscrit dans la nouvelle panoplie high-tech des sapeurs-pompiers, qui deviennent coutumiers des logiciels de situation tactique, des systèmes d’information géographique et de la géolocalisation. Autant d’aides à la décision de nature à leur donner une longueur davance dans leur guerre du feu
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