C’est avec un certain aplomb et une bonne dose d’énergie que Wendie Zahibo décide en 2016 d’autopublier un beau livre retraçant le parcours de 10 héroïnes africaines et afro-caribéennes. Elle ne connaît rien au monde de l’édition. Alors pour financer son projet, elle lance une campagne Kickstarter, un site web et s’active sur les réseaux sociaux. Elle n’a pas forcément les compétences techniques ou l’expérience, mais apprend vite et sur le tas. « C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience du pouvoir émancipateur des outils numériques », se souvient-elle.
De la cybersécurité au No Code
Depuis, la trentenaire enchaîne les initiatives sur le web. Le site lancé pour promouvoir Reines des temps modernes est devenu un véritable média web féminin, elle publie de la poésie et multiplie les podcasts. Mais surtout, elle a réussi à imposer une conférence mensuelle en ligne sur les femmes noires dans la tech baptisée FANMTECH. « C’est un rendez-vous autour d’une thématique précise, avec une invitée et l’objectif de démocratiser certaines notions technologiques », nous explique Wendie Zahibo.
Citons l’épisode avec Emmanuelle Ozier, qui évoquait les CRM (gestion de la relation client), celui de Gaëlle Charles-Belamour sur No Code, ou encore avec Juliana Bod sur la cybersécurité. Lancé en septembre 2020, ce webinar a réuni chaque fois une centaine de personnes connectées à travers le monde. La première saison s’achève le 26 juin prochain.
Les profils existent mais manquent de visibilité
Wendie Zahibo a développé ce concept sans aucun contact à la base. Et elle se retrouve maintenant avec un carnet d’adresses bien fourni. En décalage complet avec l’absence de visibilité dans les médias des femmes noires de la Tech. « “J’en connais pas, je ne sais pas où les trouver”, c’est l’argument qu’on entend souvent de la part des journalistes. Mais les profils existent, et il y en a dans tous les domaines ». Pour Wendie Zahibo ce problème est crucial. « Les médias ont un rôle à jouer, car se voir, c’est déjà croire », assure-t-elle.
C’est lors d’un séjour au Brésil qu’elle a été amenée à s’interroger sur son identité riche et multiple : femme française de la classe moyenne, noire, d’origine africaine, qui a passé son enfance et son adolescence dans les Antilles. Elle a pris conscience du manque de représentativité des femmes noires dans les médias et en a fait depuis l’un de ses chevaux de bataille.
Encourager les jeunes femmes noires
Car son objectif, c’est de donner confiance et d’encourager les jeunes femmes noires d’aujourd’hui à embrasser les métiers du numérique. Elle se déplace même dans les classes pour les motiver. Non sans mal. Il y a encore peu de postulantes et quand c’est le cas, elles se heurtent souvent à un entourage socio-éducatif prompt à les limiter. « Un jour, j’étais dans une classe de terminale et une jeune fille me dit qu’elle rêve d’être hackeuse. -”Tu veux pas plutôt être infirmière”, la coupe sa professeur ? ».
Des obstacles auxquels Wendie Zahibo n’a pas été confrontée grâce à son solide ancrage familial. Née à Marseille, elle a grandi en Guadeloupe auprès d’un père ivoirien et d’une mère centre-africaine qui ont toujours cru en elle. Elle décroche un bac S, intègre une classe préparatoire à la Rochelle, puis l’école de commerce de l’Issec à Bordeaux, enchaîne sur un Master à Chicago et un stage à Los Angeles.
La suite de son parcours l’amènera à travailler aussi bien pour une entreprise de commerce électronique qu’une ONG. En 2018, elle accompagne la création du premier espace de coworking de Guadeloupe. Alors qu’elle se trouve au contact de nombreux entrepreneurs, émerge l’envie de devenir son propre patron. Aujourd’hui, elle est à la tête d’une agence de communication et d’événementiel et a cofondé avec des associés Campus Digital, un centre de formation dédié aux métiers du numérique.
Ce qui frappe le plus chez Wendie Zahibo, c’est l’impression de force tranquille qu’elle dégage, mêlée à une certaine dose de fantaisie que laissent transparaître à l’occasion des tenues colorées. Sans complexe et sans prétention, rien ne semble pouvoir l’arrêter. L’événement FANMTECH recommencera à la rentrée, des bootcamps sont programmés et un festival en présentiel est en préparation pour 2022 si la situation sanitaire le permet !
- Le site Reines des temps modernes
- Le prochain rendez-vous de FANMTECH le 26 juin avec Florence Dorsile, consultante en transformation digitale.
Voir les précédents numéros de Ces femmes qui font la tech.
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