En septembre 2012, à l’occasion de la signature de l’acte légal permettant à Google de tester des voitures autonomes en Californie, Sergey Brin prédisait qu’il faudrait encore un certain nombre d’années avant que ces véhicules sans conducteur puissent vraiment partir à la conquête du monde… ou en tout cas de ses routes. Le cofondateur de Google précisait dans la foulée « un nombre d’années que je peux compter avec une seule main » et ajoutait qu’en fixant à cinq ans l’arrivée des Google Cars sur le marché, il rendait tout à coup nerveux ses ingénieurs présents dans la pièce.
Le temps, pire ennemi
Cinq ans plus tard, donc, les ingénieurs de Waymo, nom de l’entreprise en charge de l’effort automobile autonome d’Alphabet (maison mère de Google), sont toujours un peu tendus. Et cela ne devrait pas aller en s’améliorant. A en croire The Information, le service de voitures autonomes à la demande de la société, baptisé Chauffeur, devrait être lancé à Chandler, une banlieue de Phoenix, dès cet automne… et non sans quelques tensions internes.
Selon le site, la volonté exprimée par Sergey Brin et Larry Page de presser le pas passe en effet assez mal auprès des ingénieurs. D’autant plus que les équipes n’apprécient pas forcément beaucoup John Krafcik, ancien de Ford et CEO de Waymo depuis le départ du meneur historique du projet Chris Urmson.
Le nouveau-venu n’est pas un ingénieur et a pour mission de mener à bien le projet Chauffeur le plus rapidement possible. Une mission essentielle aux yeux des deux fondateurs du géant américain qui suivent ce dossier de très près, au point semble-t-il d’imposer leurs décisions au nouveau directeur général. Pas forcément pour le meilleur.
C’est lui qui, poussé par Larry Page qui s’inquiétait d’une explosion des coûts, a mis fin au partenariat à grande échelle établi avec Ford, indique The Information. Le géant de l’automobile devait fournir les véhicules à partir desquels seraient produites les voitures autonomes. Cette solution avait le soutien des ingénieurs et de Dmitri Dolgov, soldat de la première heure du projet, désormais en charge de la division logicielle de Waymo.
Une fois cette option abandonnée, Waymo a dû négocier un nouvel accord, moins ambitieux, avec Chrysler, qui fournit désormais les minivans hybrides qui servent de base au programme Chauffeur. Un retard lourd pour le projet.
Des limites technologiques…
Une route longue et chaotique, parsemée de divergences entre les deux dirigeants et les équipes de Waymo. Ainsi, toujours selon The Information, les fondateurs de Google souhaitent lancer une flotte de véhicules autonomes sans aucun conducteur humain. Mais les dirigeants de Waymo ont dû les convaincre que la présence humaine était encore nécessaire dans certains contextes précis, comme les trajets plus longs ou ceux empruntant des routes privées, qui ne sont pas répertoriées par Waymo. Et il ne s’agit pas seulement de quelques chemins de terre… mais également des labyrinthes routiers qui mènent d’une voie publique à un centre commercial privé. Depuis, la société californienne a passé des accords avec Lyft pour gérer ces types de trajets particuliers.
Mais au-delà de ces problèmes résolus ou contournés, The Information semble indiquer que les voitures de Waymo ne sont pas encore totalement prêtes.
Des problèmes non résolus
Ainsi, selon des sources du titre américain, les voitures autonomes sont testées depuis un an et demi dans les rues de Chandler et des banlieues alentour. Or, malgré ces tests, elles peinent toujours à gérer les culs de sac, nombreux dans les banlieues américaines, où elles doivent faire des demi-tours en trois temps… qu’elles peinent à effectuer, apparemment.
Plus préoccupant encore, ces voitures ont dû, parfois, arrêter d’essayer de tourner à gauche, parce que le logiciel embarqué n’arrivait pas à trouver le bon comportement face à l’absence de flèche verte indiquant la possibilité de tourner à un croisement non protégé. Un cas de figure courant un peu complexe qui peut perturber les conducteurs humains et semble poser un vrai problème à une voiture intelligente.
Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de noter que ces carrefours ont posé davantage de souci aux voitures autonomes après leurs mises à jour, poussées quotidiennement ou hebdomadairement. Censées enrichir leur connaissance, leur maîtrise de la conduite et des dangers qu’on peut y croiser, elles ont au contraire fait baisser le taux de confiance de la voiture lorsqu’il s’agit aborder ces croisements… ce qui implique qu’elle ne sait plus quoi faire. Jusqu’à présent, le conducteur à bord prenait le relais, mais sans pilote, que se passera-t-il ?
Car le point d’achoppement est là : Waymo ne veut pas de conducteur humain pour Chauffeur, contrairement à Uber qui fournit déjà des courses « autonomes » mais avec un pilote à bord. L’impact psychologique est moindre évidemment.
De fait, le géant de Mountain View semble plutôt vouloir déporter le conducteur et en faire un « contrôleur ». Il a d’ores et déjà mis en place des centres de commande, avec des personnes assises derrière un écran, qui surveillent des écrans. Leur tâche est de confirmer à une voiture, en cas de doute, si ce qu’elle croit voir est bien la réalité. Si le téléopérateur ne réagit pas immédiatement, la voiture est supposée s’arrêter et se garer sur le bas-côté, expliquait une source de The Information.
Or, lors des tests, les conducteurs encore présents dans les voitures devaient régulièrement prendre la main car les opérateurs mettaient trop de temps à réagir. Un point qui pourrait être assez peu apprécié par les utilisateurs, s’ils ne sont pas échaudés par le train de sénateur que s’imposent ces « Google Cars » afin de réduire les risques.
Au vu des enjeux, il est évident qu’Alphabet a tout intérêt à corriger ses problèmes avant de sauter le pas. En avance sur la concurrence sur ce point, le géant américain sera observé de très près. Les premiers pas des services de voiture autonome se jouent là et un accident grave pourrait retarder longuement l’expansion de l’offre.
Il y a cinq ans, Sergey Brin prédisait que les voitures sans conducteur seraient parmi nous d’ici cinq ans. Nous y voilà. Le futur est derrière une portière blanche. Mais sachant ce que doivent nous apporter ces nouveaux moyens de transport, est-on vraiment à quelques mois près ?
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