Derrière son côté ludique, TikTok est régie par la culture chinoise. Alors que les États-Unis viennent d’ouvrir une enquête sur les pratiques de TikTok par crainte de contre-espionnage, s’ajoutent des soupçons de censure des contenus. Au sein de l’entreprise, les voix dissonent entre les équipes américaines et chinoises. Tant bien que mal, les managers américains tentent de s’émanciper des consignes de Beijing. Mais, cela révèle l’immense fossé entre la culture chinoise et américaine.
Un « choc » culturel
« TikTok affirme qu’ils ne suivent pas les instructions chinoises. Ils prétendent qu’ils ne censurent pas… Mais les anciens employés de Tiktok affirment le contraire. », explique le sénateur républicain Josh Hawley au Washington Post alors que l’entreprise a refusé de témoigner face au Congrès.
Les Américains qui travaillent pour l’entreprise chinoise, très attachés à la sacro-sainte liberté d’expression, en particulier en ligne, se hérissent face aux instructions venus de Pékin.
Selon les témoignages récoltés par le quotidien américain, ils doivent supprimer les vidéos jugées subversives ou critiques par les équipes chinoises, y compris les longs baisers ou les débats politiques enflammés.
Aucun lien avec les autorités chinoises ?
De son côté, l’entreprise chinoise assure que les ordres ne viennent pas de Pékin. Dans un communiqué, Vanessa Pappas, directrice générale de l’entreprise aux États-Unis, a affirmé qu’aucune décision de supprimer ou garder une vidéo « n’était en aucun cas liée à un gouvernement étranger, même chinois ».
Selon elle, il s’agit simplement d’un temps d’adaptation entre la croissance exponentielle de TikTok et la prise de conscience des responsabilités qui en découlent.
« TikTok a connu une croissance rapide, tel que Facebook, Instagram, Twitter et Snapchat pendant leurs premières années », a déclaré la directrice américaine. « Et comme ces plates-formes, cette croissance pose des défis pour que nos politiques et nos pratiques suivent le rythme.»
120 millions de téléchargements aux États-Unis
L’application de partage de vidéos a été téléchargée plus de 120 millions de fois rien qu’aux États-Unis. Dans le monde, TikTok revendique 1,3 milliard d’utilisateurs, dont l’immense majorité est très jeune. L’entreprise chinoise tente de rassurer quant à l’utilisation des données et les potentielles backdoor contenues dans l’application : les données des utilisateurs américains ne quittent pas le territoire. Les data center se situent en Virginie et à Singapour.
« Ils ont l’ambition d’être une entreprise d’envergure mondiale, et en termes de chiffres, ils connaissent le succès », a déclaré au Washington Post un ancien directeur de Bytedance (la société derrière TikTok), qui a démissionné cette année. « Mais la source de financement est toujours en Chine : l’argent vient toujours de là, et les décisions aussi. »
Comme le rapporte le journal, Doug Brush, vice-président d’un comité spécial en charge d’évaluer les risques de contre-espionnage, a déclaré lundi 4 novembre que son équipe avait découvert certaines « vulnérabilités à faible risque », mais qu’il n’y avait « aucune indication » que le gouvernement chinois avait accès aux données des utilisateurs de TikTok.
Pourtant, Alex Stamos, ex-directeur de la sécurité chez Facebook, et maintenant responsable de l’Observatoire d’Internet à l’université de Stanford, voit des « préoccupations légitimes » au sujet d’une potentielle surveillance des utilisateurs sur TikTok. L’entreprise chinoise « fonctionne sous un régime de censure politique » et « le gouvernement chinois n’a aucun problème à dire à [ses entreprises] où se placer dans les débats politiques. ».
La rançon du succès international
D’ailleurs, TikTok s’est vu refuser l’entrée au groupe interentreprises, Global Internet Forum to Counter Terrorism (GIFCT) pour non-respect de certaines conditions, notamment le respect des droits de l’homme et la transparence.
Récemment, The Guardian publiait des documents internes expliquant les éléments à supprimer. Parmi les mots interdits « Événements de Tiananmen ». La plate-forme s’en défend, insistant sur l’envie de préserver TikTok comme un « havre de paix ». Malgré ces bons sentiments, il semble difficile de justifier ces choix de modération, si ce n’est pour servir les intérêts de Pékin.
« Cela est révélateur d’un phénomène croissant chez les entreprises technologiques chinoises qui se mondialisent », a expliqué au Washington Post Elsa Kania, agrégée de recherche adjointe et chercheuse chinoise au Centre pour une nouvelle sécurité américaine, un think tank de Washington. « Malgré toutes leurs aspirations internationales, on s’attend à ce qu’ils respectent les exigences du Parti communiste, y compris les exigences de censure. »
Source : The Washington Post
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