Diplômée de l’Esag (Ecole supérieure d’arts graphiques), Sophie Bramly est directrice des nouveaux médias d’Universal Music France. Elle a assuré la création des sites
e-compil.fr,
cafedulive.com et
universalmusic.fr. Elle a été auparavant directrice marketing national de Barclay (1995 à 1998) et de Remark Records (1991 à 1994). Sophie Bramly a occupé également le poste de productrice à MTV
Europe, TV6 (Système 6), Antenne 2 (Sex Machine, les Enfants du Rock), TF1 (hip-hop)…Bonsoir à toutes et tous, nous sommes heureux de recevoir Sophie Bramly. Bonsoir !Onile : Quel est votre rôle chez Universal ? A quoi correspond le poste de directrice des nouveaux médias ? Je n’ai en fait qu’un seul nouveau média, puisque je ne m’occupe que des questions de l’Internet.Atomstef : Bonjour à tous, j’aimerais rentrer directement dans le sujet en vous demandant si le site e-Compil est rentable ; sinon, est-ce que vous pensez que vos tarifs d’abonnement sont à l’origine de cet échec, si échec il y a
? C’est bien de rentrer directement dans le vif du sujet. Il n’y a pas d’échec je crois, puisque c’est le deuxième site de musique en France, derrière un site pirate. Nous ne sommes évidemment pas encore rentables, mais la situation
est plus qu’encourageante.agedeglace : Y a-t-il en Europe des pays plus ouverts ou plus fermés que d’autres au marché de la musique à télécharger en payant ? D’après une étude de Jupiter, sortie hier, nous sommes le deuxième pays d’Europe, derrière la Suède, à être enclin à payer pour les services d’abonnements à la musique.smeagoll : Chez Universal, quelles sont les prochaines opérations prévues pour interférer les téléchargements de fichiers audio ? Je ne comprends pas très bien la question.smeagoll : Je parlais de fichiers fantômes sur Kaaza, par exemple, ou des disques incopiables. Pour l’instant Universal France ne souhaite ni mettre à disposition des fichiers fantômes, ni sécuriser les CD. Vous savez aussi bien que moi que les CD sécurisés sont d’un côté, facilement ‘ hackables ‘ et
de l’autre très décourageants pour les consommateurs.Pitre : Le marché est loin d’être évangélisé… Pourquoi se contenter d’une gloriole : 2e site en France, ce n’est pas un succès !Evidemment premier c’est toujours mieux, mais il est tout de même très difficile d’être en compétition avec des sites qui proposent du contenu pirate, donc gratuitement !agedeglace : Avec l’arrivée des téléphones couleur, et d’ici 1 à 2 ans de l’UMTS, est-ce que l’on pourrait voir arriver du téléchargement de musique sur téléphone mobile via votre filière SFR et Vizzavi ? Globalement, il semble que d’ici un à deux ans on pourra effectivement télécharger des titres via les téléphones mobiles, que ce soit ou non avec les entités du groupe.Cacharel : Que pensez-vous des pubs des FAI qui incitent clairement au téléchargement illégal de MP3 ? Que pourrais-je en penser si ce n’est des choses négatives ? Il est bien évident que c’est un immense préjudice pour les maisons de disques comme pour les artistes !Journaliste_01net : Quelle est l’attitude d’Universal en ce qui concerne les sites de peer-to-peer qui proposent de la musique sans respecter les droits d’auteur ? On ne peut décemment pas se réjouir de chiffres aussi effrayants : 150 millions de titres sont téléchargés tous les mois en France contre 150 millions de disques vendus par an !Atomstef : Pourquoi ne pas repenser votre formule d’abonnement, qui me paraît très chère ; cela revient presque au même prix qu’un CD chez le disquaire : 20 Chansons pour 18 euros. Ne pensez-vous pas que c’est un
tarif rédhibitoire pour l’internaute moyen ? Si je prends le cas de l’abonnement 20 titres, le titre revient à 0,71 ?, ce qui comparé à 5 ? pour un single, est évidemment très bas. Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de trouver un prix qui pourrait
à la fois satisfaire le consommateur et l’artiste. Ce n’est évidemment pas une chose facile. Pour revenir aux 20 titres pour 18 ?, on y trouve tout de même l’avantage d’une compile idéale, sans frais de déplacement 🙂agedeglace : Pourquoi sur les autres sites du groupe Vivendi ne faites-vous pas la promo d’e-compil ? C’est une question qu’il faudrait poser à ces sites ! Je crois qu’ils ont peut-être pensé que nous avions trop de sites ! Universal France en gère environ 150.Franz : Combien de morceaux sont téléchargés par jour sur e-compil ? Je ne regarde pas les chiffres au quotidien et j’ai tort, mais, en 2002, 225 000 titres ont été vendus. Je ne compte évidemment pas les téléchargements promotionnels, qui sont nombreux…bruno vandelis : Bonjour, avec le téléchargement payant verra-t-on une baisse du prix des produits musicaux ? Je crois, si vous parlez des produits physiques, que nous verrons une baisse du prix du CD, dès cette année, avec la baisse de la TVA, si tout va bien 🙂sandyl : Il y a 25 % des internautes qui se disent prêts à payer pour télécharger de la zique : est-ce une victoire pour vous ? Je ne parlerai pas de victoire, mais de logique ! C’est vraiment le ‘ produit ‘ que l’on a le plus envie de consommer via Internet. Tout le monde sait que le piratage ne va pas durer éternellement, et
les services payants ont de vraies valeurs ajoutées.myst : L’intérêt du téléchargement n’est-il pas de rendre disponible des disques épuisés ou rares, qui ne sont pas stockés en magasin ? Est-ce que cela se vérifie dans les faits ? Merci de votre réponse ! Oui, c’est bien sûr aussi l’idée ! Il faut d’abord réussir à obtenir les droits des artistes, ce qui est difficile lorsqu’ils sont morts (c’est souvent le cas des disques rares), mais pas impossible. Nous y travaillons, bien
sûr.Caz : En quoi consiste le site cafedulive.com ? C’est un site qui propose ce que l’on ne peut pas voir à la télévision : la rencontre d’un artiste connu et d’un artiste inconnu, qui jouent ensemble et échangent leurs points de vue. Cette ‘ émission ‘
a donné lieu a de très belles rencontres et a concrètement aidé de jeunes artistes. Je pense notamment à Ingrid, qui a écrit une chanson pour Jennifer, ou à Scapin, qui a joué en première partie de De Palmas.Journaliste_01net : Allez-vous permettre à plus de sites de vendre votre catalogue ? Bien sûr. Nous parlons avec la Fnac et Virgin Megastore. Il n’est pas question de garder la vente en ligne exclusivement sur e-Compil.Guyrez : Pour répondre à la thématique ‘ le téléchargement payant a-t-il de l’avenir ‘, pensez-vous qu’il en aura tant que l’on ajoutera des bonus et des vidéos sur les CD, comme ça se fait de plus en
plus ? Oui, bien sûr ! Sinon, je n’y travaillerais pas jour et nuit, lol ! Blague à part, il n’y a pas de format qui efface un autre format, ce sont juste des manières différentes de consommer. La télé n’a pas tué la radio, et le
vinyle est toujours là !karinette : Suivez-vous les discussions autour de la directive sur la copie privée ? Pas directement, mais beaucoup de gens chez nous suivent activement ce dossier.agedeglace : Pourquoi ne pas proposer des séminaires ou des formations aux professeurs des écoles pour qu’ils prêchent la bonne parole antipiratage auprès des plus jeunes ! Car télécharger sans payer ou graver des CD, c’est voler
en fait ! Oui ! C’est une bonne idée, mais c’est un travail de longue haleine ! Mais il y a des organismes qui s’attachent notamment à sensibiliser les universités sur ces problèmes.Lody : Est-ce que tous les artistes d’Universal ont accepté de participer à l’aventure e-compil ou bien certains sont-ils encore réticents ? Certains sont encore réticents. C’est normal, on a lu tellement de choses effrayantes a une époque sur l’Internet, mais je crois que, petit à petit, tout le monde y viendra.Karim : Trouve-t-on des inédits sur e-compil ? Pas pour l’instant, car s’ils sont inédits nous n’avons pas les droits ! Mais nous mettons presque tous les titres 6 à 8 semaines avant leur sortie commerciale. Nous essayons aussi de mettre à disposition des titres qui ne
sont plus dans le commerce.bruno vandelis : Ne pensez-vous pas que la meilleure arme contre le piratage MP3 est la baisse du prix des produits musicaux ? Sur un disque à 20 euros, combien vont réellement à l’artiste ? Quelques euros ? La
majeure partie allant aux frais de marketing…
Il n’y a pas que les frais marketing ! Il y a aussi les frais d’enregistrement, la promo, etc. Mais sans marketing, l’artiste n’a aucune visibilité ! Prenez l’exemple de Prince, qui pensait pouvoir vivre sans sa maison de
disques grâce à l’Internet. Il est passé de 17 millions de disques vendus à moins de 100 000 ! Résultat : il a dû resigner ailleurs et faire plus de promo qu’il n’en avait jamais fait dans toute sa vie !Journaliste_01net : Préparez-vous une offre spécifique pour les internautes ayant un accès à haut débit ? Nous ne sommes pas fournisseurs d’accès ! Mais je pense que quand le marché haut débit sera mûr nous proposerons effectivement un contenu spécifique, à commencer par des albums entiers, probablement.Laurent : Qu’avez-vous envie de dire aux pirates ? Bonjour! Je suis très polie! Lol ! Ce qu’il y a de difficile à comprendre, probablement, c’est que si Madonna ou Johnny Hallyday se mobilisent pour défendre leurs droits, personne ne va pleurer pour eux. Et si de jeunes artistes
communiquaient sur le sujet, on n’y serait pas plus sensible, faute de les connaître, justement. Or si le nombre de titres pirates continue d’augmenter comme il le fait depuis deux ans, c’est toute l’industrie du disque qui sera remise en cause,
avec d’un côté des licenciements de personnel et de l’autre l’impossibilité de développer des nouveaux talents, ce qui serait tragique. Fort heureusement, nous n’en sommes pas là et je suis très optimiste sur l’avenir, d’autant que les sites de P2P
n’ont pas un modèle économique très solide et que la loi finit toujours par triompher 🙂Xerox : Ne pensez-vous pas que le téléchargement de fichiers audio et vidéo va laisser la place au streaming, beaucoup plus simple d’utilisation, moins exigeant en mémoire et, forcément vu le format, moins cher pour
l’internaute ? Il y a ce point de vue-là, mais aussi celui d’internautes qui comparent le stream payant à de la location, et qui ne souhaitent pas retrouver un coût additionnel sur l’achat de leur musique. Il y a aussi le problème de la portabilité
pour le stream, or on n’écoute pas forcément de la musique uniquement sur son PC, il faut pouvoir la balader. Donc, oui, c’est moins cher, mais il y a je crois des désavantages. Cela dit, l’un n’empêche pas l’autre, ils peuvent tout a fait
cohabiter.bill : Que pensez-vous du téléchargement illimité ? Les quelques modèles existants aux Etats-Unis sont en train de faire faillite ! La rémunération des artistes restant fixe, plus le public télécharge, plus le site perd d’argent. On ne peut pas toujours parler d’argent, mais il
faut quand même bien arriver à faire tourner une boîte.coco110 : Il est normal que les pirates soient nombreux du fait du prix des CD. Pour 180 francs, on dispose de 10 à 18 malheureuses chansons. Je peux vous dire que, bientôt, personne ne paiera un seul CD si les prix continuent
d’être aussi élevés. D’ailleurs, le logiciel Kazaa est inattaquable en justice car chacun fait son propre serveur. On ne peut donc pas condamner 3 à 5 millions de personnes en même temps !Non. C’est vrai, mais on peut très facilement faire fermer le site central, sans lequel rien n’est possible ! A part ça, estimer que, le prix du disque étant trop élevé, il vaut mieux le voler n’est pas un raisonnement qui tient
la route. Les pommes du verger sont gratuites, et pourtant il me semble que vous acceptez de les payer à votre épicier ! Comme je l’ai écrit plus haut, nous nous battons tous, à l’échelle européenne, pour une baisse de la TVA, qui est à
19,6 % en France aujourd’hui. Si la TVA baisse, le prix du disque baissera aussi, forcément !Journaliste_01net : Quels sont vos projets concernant le Super Audio CD (SACD)? Je crois qu’Universal mise beaucoup aujourd’hui sur le SACD. C’est un support qui a un son extraordinaire en 5.1 et qui est sécurisé. Il a donc l’air d’avoir beaucoup d’avantages, du point de vue consommateur comme du point de vue
producteur.smeagoll : Une étude cet été a prouvé que le téléchargement pirate avait fait augmenter les ventes de CD : que répondez-vous à ça ?! Est-ce qu’Universal ne veut pas tout simplement imposer une musique marchande ?
J’ai lu toutes sortes d’études qui disent tout et son contraire. Mais, dans les faits, le marché du disque a baissé de 10 % en 2001 et il faudra ajouter une autre baisse de 10 à 5 % selon les pays pour 2002. Les gens
consomment toujours autant de musique. Donc la seule chose qui justifierait une telle baisse semble bien être l’Internet !Alias : Vous dites que les sites “pirates” n’ont pas de business plan viable ? Est-ce que vous pensez enfin avoir réussi à trouver un business plan qui tient la route avec e-compil ? Etes-vous déjà bénéficiaire ?
J’ai un peu répondu à cette question tout à l’heure. Il est difficile d’être rentable dès la première année d’un business, quel qu’il soit, et encore plus s’il s’agit d’un marché gratuit. Mais les chiffres sont très encourageants et
si nous nous donnons les moyens de le faire, c’est bien parce que nous estimons que ce marché va devenir incontournable et qu’avant de faire il faut savoir apprendre.Laurent : Donc si le marché du disque baisse ce n’est ni parce que les disques sont mauvais, ni parce qu’ils sont chers… C’est Internet le coupable !! Un peu facile non ?! Nous en avons peut-être assez d’être pris pour des
vaches à lait, on veut du bon son pas formaté FM ! Pourtant 90 % des titres téléchargés dans le monde correspondent exactement aux mêmes titres que ceux vendus dans le monde physique, il s’agit toujours du Top 50 ! Lol !Clara : Comment voyez-vous l’avenir de la musique sur le Net ? Je suis extrêmement optimiste, sinon je crois que je serais déjà partie me saoûler dans un bar au lieu de venir vous voir ! 🙂Merci Sophie Bramly Merci beaucoup et au revoir.
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