Entre un kiosque numérique et un service de streaming vidéo, Apple a dévoilé lundi l’Apple Card, une carte de crédit qui a beaucoup fait parler. On le constate d’ailleurs sur le YouTube d’Apple, la carte bancaire pulvérise les autres annonces en termes d’audience, preuve de l’intérêt des consommateurs.
Il faut dire que de ce qu’on en a vu, l’Apple Card a de nombreux atouts. Intégration parfaite à l’application Wallet des iPhone, suivi clair des dépenses, système de cashback pour récupérer de l’argent à chaque transaction, design minimaliste… La présentation d’Apple fait rêver. Si Goldman Sachs, le partenaire d’Apple, laisse entendre que l’Apple Card arrivera à terme à l’international, cela risque d’être en réalité bien plus compliqué. On vous explique pourquoi.
Un produit taillé sur mesure pour les États-Unis
La « carte de crédit » présentée par Apple n’a pas de vrai équivalent en France. Ici, on lui préfère le « débit différé », où l’on paye tous les mois la somme due, sans taux intérêt.
Le modèle américain est basé sur de l’endettement permanent et du remboursement sans échéance fixe. Ainsi, le propriétaire de l’Apple Card se verra prêter de l’argent qu’il remboursera progressivement selon différentes règles. À vous de choisir combien vous voulez rembourser, l’application calcule alors un taux d’intérêt (l’APR, pour Annual Percentage Rate).
Elle peut aussi vous envoyer des notifications pour vous rappeler que vous devez de l’argent et que le taux d’intérêt augmente. Le problème, c’est justement la valeur de ce taux. Apple l’annonce entre… 13,24% et 24,24%, ce qui est bas pour le marché américain selon lui, et qui se trouve effectivement dans la tranche basse de la norme américaine.
Mais maintenant, imaginez si une banque française vous demandait autant ! Autrement dit, le modèle économique de l’Apple Card est inapplicable en France, la faute à (ou grâce à) de nombreuses protections étatiques. Dans l’Hexagone, on ne s’endette pas aussi facilement qu’aux États-Unis.
Un cashback entre 1 et 3%, impossible en France
C’est une des fonctions les plus marquantes de l’Apple Card, le « Daily Cash ». À chaque paiement, Apple rembourse 1% de la somme si vous venez de payer avec la carte physique, 2% si vous avez payé avec Apple Pay et même 3% si vous venez d’acheter quelque chose en Apple Store. Ça donne évidemment envie.
Comment ça marche ? Apple pioche sur la commission d’interchange, le montant que récupère une banque à chaque paiement. Elle est d’environ 2% aux États-Unis et pourrait augmenter bientôt.
À chaque transaction, 2% de ce que paye le propriétaire d’une Apple Card revient à Apple. Comme beaucoup de banques américaines, la marque a décidé d’en redistribuer une partie au client, c’est que qu’on appelle du cashback.
Dans le cas d’un paiement avec la carte physique, Apple fait donc 1% de marge. Lors d’un paiement Apple Pay, il offre l’interchange à l’utilisateur mais récupère son prélèvement sur les achats effectués avec Apple Pay et négociés avec les banques. Enfin, dans un Apple Store, il vous offre l’interchange et vous fait une remise de 1%, une sorte de récompense fidélité.
Un modèle tout à fait viable, n’est-ce pas ? Le problème est qu’en France, la commission d’interchange est de de 0,2% ou 0,3%. Autrement dit, rembourser 1% ou 2% sur chaque paiement serait une aberration pour Apple qui perdrait énormément d’argent. Seul le Daily Cash en Apple Store serait concevable dans la mesure où Apple serait à la fois l’émetteur et le receveur. Toujours est-il qu’on doute que la marque fasse de si gros cadeaux et que, si l’Apple Card arrive un jour en France, Apple devra abandonner cette fonction phare.
L’Apple Card en France… sous une différente forme ?
Pour autant, l’Apple Card pourrait bien débarquer en France un jour, à condition d’abandonner le modèle actuel pour quelque chose de plus proche des exigences européennes.
Goldman Sachs n’étant pas présent sur le marché des particuliers en Europe, l’entreprise de Cupertino n’aurait pas d’autres choix que de solliciter l’aide d’une autre banque, voire d’en racheter une si ses ambitions grossissent ou de demander une licence bancaire (une procédure qui prend un peu moins d’un an).
En définitive, même si le produit français pourrait reprendre l’interface et les services de l’Apple Card américaine, il divergerait sur de très nombreux points.
En dehors du changement de modèle économique et du cashback réduit ou de zéro, Apple pourrait avoir du mal à imposer sa carte toute blanche sans informations.
En effet, si la signature n’est plus obligatoire au dos d’une carte aujourd’hui, le numéro et le CVV à trois chiffres sont toujours exigés. À voir si Apple réussirait à convaincre en Europe comme il l’a fait avec Mastercard.
Les néo-banques européennes gagnantes… pour l’instant
Les très nombreux avantages de l’Apple Card vous donnent envie ? Vous rêvez de profiter d’un compte gratuit sans frais, de notifications instantanées, d’une bonne application, d’un regroupement par catégories ou d’une carte en métal ? Il se trouve qu’en France, les deux néo-banques les plus importantes proposent tout cela.
Nous avons contacté des responsables des banques mobiles N26 et Revolut, qui suivent, logiquement, de très près l’annonce d’Apple. La probable absence sur le long terme du fabricant de l’iPhone en France leur laisse un magnifique boulevard. « Ils lancent un produit stylé et on est l’alternative européenne », nous confie Emmanuel Boulade, de Revolut. Même constat pour Jeremie Rosselli, de N26 : « Apple donne un coup de projecteur sur le secteur des banques mobiles ». La néo-banque allemande compare l’annonce d’Apple à Orange Bank qui lui avait valu l’arrivée de très nombreux utilisateurs.
Même s’il s’agit sans doute d’un « discours de communicant », il est vrai que l’absence d’Apple en Europe devrait leur profiter à court et moyen terme. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’utilisateurs s’enthousiasment en découvrant l’existence de ces services. Ils pensaient qu’Apple venait de les inventer.
L’Apple Card débarquera-t-elle un jour en France ? Sous cette forme, c’est tout simplement impossible. Sous une autre, pourquoi pas, mais Apple devra la réinventer. En attendant, espérons que les idées de simplification d’Apple inspirent les vieillissantes banques et améliorent un peu plus les banques mobiles. Après tout, à défaut d’être le premier, Apple a toujours su inspirer une industrie entière.
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