Le fleuron de la gamme reflex de Nikon passe la sixième : l’opticien japonais annonce le lancement de son D6, un boîtier reflex essentiellement destiné aux photojournalistes de sport. Un boîtier de type « monobloc », un colosse en alliage de magnésium dont le système de double grip permet un usage aussi bien vertical qu’horizontal.
Un boîtier protégé contre les intempéries jusqu’au bout de la baïonnette, le genre d’appareil photo capable de tenir des journées entières dehors, qu’il pleuve ou qu’il neige.
De l’AF « qui accroche » à l’AF « qui colle »
Selon Nikon France qui nous a présenté le boîtier sous embargo, « si l’autofocus du D5 était réputé pour vite accrocher ses sujets, celui du D6 «colle» à eux. Au cœur de cette promesse, un nouveau module AF, le Multi-cam 37K. Développé spécialement pour le D6, ce module n’offre « que » 105 collimateurs AF en choix sélectionnables, mais ce sont des collimateurs de nouvelle génération, offrant chacun une meilleure couverture et une plus grande finesse (détection sur deux fois trois points de détection de phase, contre deux fois deux sur le D5).
Comme Canon, Nikon a adapté au reflex le fameux « EyeAF » des hybrides, un système d’autofocus qui colle à l’œil des sujets. Quand Canon a recyclé un processeur Digic 8 pour gérer l’AF, Nikon a préféré développer une nouvelle puce spécialisée (ASIC) pour piloter le Multi-cam 37K. Vu la qualité du suivi AF 3D de Nikon, la promesse d’un AF « qui colle » ne paraît pas vaine.
Mais loin d’avoir tout développé à partir de zéro Nikon a, comme Canon, procédé à du recyclage de composants.
Capteur de D5, processeur de Z7
Le Nikon D6 marque la maturité des boîtiers reflex plein format de sport. Comme son rival le Canon 1DX Mark III lui aussi récemment annoncé, le D6 reste sobre en matière de pixels puisqu’il n’affiche « que » 20,8 Mpix. Moins que la plupart des appareils photo, même d’entrée de gamme, plutôt autour des 24 Mpix. Si les photographes animaliers peuvent le regretter, Nikon précise que le D850 peut, grâce à son module AF issu du D5, tout à fait remplir le rôle de boîtier « nature ». Pour Nikon, le D6 est vraiment conçu pour les photojournalistes qui parcourent les terrains de sport de la terre entière et n’ont pas besoin de super définition, mais de super vitesse. Et pour les satisfaire, Nikon a ressorti le capteur… du D5.
Est-ce une erreur, une provocation, une pingrerie ? Les tests évalueront ses aptitudes, mais sur le papier, tant en termes de performances que de business, ce choix a du sens. Côté business, parce que développer un nouveau capteur plein format pour un appareil avec un public aussi restreint aurait plombé le prix de l’appareil. Côté technique, la maîtrise que Nikon a acquise avec le D5 a permis au constructeur japonais de connaître son capteur jusque sur le bout des microlentilles. Couplé avec l’Expeed 6 issu des Nikon Z7/Z6 (l’autre recyclage technologique), le boîtier offre non seulement une belle plage ISO théorique – 100 ISO à 102 400 ISO en natif, 50 ISO à 3 280 000 ISO plage étendue – mais surtout Nikon promet une belle amélioration de la gestion du bruit numérique.
Pour Alain Mounic, photojournaliste du journal L’Équipe qui a pu tester le boîtier plusieurs jours avant son annonce officielle – et faire deux « unes » en à peine une semaine ! – « mon seuil maximal de qualité en hautes sensibilités est passé de 5000 ISO à 12.800 ISO ». Quand on vous dit que le processeur et le traitement numérique du signal sont primordiaux !
À cette amélioration des artéfacts liés à la montée en ISO, Nikon annonce aussi avoir retravaillé son moteur de contrôle de la balance des blancs et promet ainsi des rafales avec une grande cohérence des couleurs.
Rafale à 14 i/s, mémoire tampon très sage
Nikon a joué la prudence côté rafale. Annoncée à 14 images par seconde, la rafale du D6 offre deux images de plus que le D5 (12 i/s), mais reste inférieure à celle du 1DX Mark III de Canon (16 i/s) fraîchement annoncé. Et bien en deçà de l’Alpha A9 de Sony qui turbine à 20 images par seconde. Deux ans et demi après le lancement de l’hybride de Sony qui a volé la couronne de la rafale aux reflex, la réponse de Nikon paraît timorée.
Timorée aussi dans la profondeur de la rafale qui s’affiche à 200 images avant ralentissement, comme pour le D5. Si l’approche de Nikon colle sans aucun doute à l’usage réel des photographes pros qui écument les stades, la comparaison « marketing » avec la concurrence fait mal. Sur une simple carte SDXC UHS-II (alors que le D6 intègre deux emplacements XQD compatibles CFexpress, plus rapides), un Alpha A9 encaisse jusqu’à 320 images en RAW+Jpeg avant de ralentir. Et le 1DX Mark III ne lève la pédale que passé la millième image…
Peut-être que la dérive des reflex monobloc vers un marché professionnel d’agences – les seules qui ont vraiment les moyens d’acheter plusieurs dizaines voire centaines de boîtiers – limite l’importance des records marketings. Mais pour les quelques passionnés fortunés – qui pèsent tout de même plus de 50% des ventes ! – et qui basent en partie leur jugement sur les spécifications, il est regrettable que Nikon n’ait pas un peu plus gonflé les muscles sur le plan technologique.
Les fonctionnalités avant les performances pures
À la course technologique à tout prix, Nikon a fait des choix – et des développements liés aux besoins et donc aux usages des photographes ciblés. Comme en témoigne la présence, pour la première fois dans l’histoire des appareils photo, d’une prise informatique Kensington. Présente sur les PC portables professionnels, cette « serrure » permet d’attacher et donc de limiter les vols des boîtiers pilotés à distance par les photographes (autour des cages de foot, en hauteur des paniers de basket, etc.).
Et puisqu’on parle de connectivité, il faut aussi souligner le soin apporté par Nikon dans ce domaine : outre la prise RJ45 Gigabit intégrée, on retrouve aussi le Bluetooth pour le Snapbridge et le Wi-Fi pour le pilotage et la récupération des images à distance. Et, cerise sur la pizza, une puce GPS intégrée pour géomarquer automatiquement les images. Seul regret technologique : la puce Wi-Fi ne supporte pas le Wi-Fi 6.
Finalement, comme tous les boîtiers photographiques – professionnels ou pas – le D6 intègre aussi pléthore de fonctionnalités discrètes, comme ce bouton qui permet « d’injecter » un réglage en plein milieu d’une prise de vue. Usage type : en plein milieu d’une rafale où le photographe détecte une image différente à faire, il presse un bouton qui va modifier les paramètres de prise de vue tant qu’il est maintenu. Une fois l’image réalisée, l’appareil repasse dans le premier mode et continue sa rafale comme si de rien n’était. Le genre de fonctionnalités développées à la demande des « vrais » utilisateurs et qui peuvent permettre à ce D6 de faire la différence.
Le Nikon D6 sera disponible entre la fin du mois de mars et le début du mois d’avril à 7299 euros.
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