Reed Hastings a créé Netflix en 1997. A l’époque, la société n’est encore qu’un service de location de DVD par correspondance. En 2007, il décline son service sur Internet avec des vidéos à voir en streaming. C’est le début d’une ascension fulgurante. A 53 ans, il est aujourd’hui à la tête d’un véritable empire présent dans 47 pays dans le monde.
01net : Est-ce que c’est un grand jour pour vous ce lancement en France ?
Reed Hastings : C’est très réjouissant pour nous et nous sommes très heureux. Nous travaillons depuis des années pour offrir un super contenu, le proposer sur tous les supports, et finalement lancer Netflix en France. C’est tellement excitant. Il y a tellement d’attention autour de Netflix ici, c’est énorme !
L’annonce de votre arrivée en France a provoqué beaucoup de peur et d’enthousiasme en même temps. Est-ce que ça vous a surpris ?
L’enthousiasme, on avait l’habitude, c’est compréhensible. Mais on a été surpris par la peur. Quand on y réfléchit, quand on pense à la fierté des Français pour leur contenu, c’est tellement puissant ! Quand vous prenez l’Italie ou l’Espagne, par exemple, ils n’investissent pas dans les films. Ils produisent trois à quatre films par an. En France c’est 200 films par an. C’est juste un investissement phénoménal, c’est tellement énorme ! Donc cette peur est naturelle en quelque sorte.
Quels sont vos principaux concurrents en France ?
La piraterie est notre concurrent le plus important partout dans le monde. Parce que c’est gratuit et sans chronologie. Et on peut tout y trouver. Mais aujourd’hui, on constate un nouveau phénomène en musique avec le recul de la piraterie grâce à Deezer et Spotify. C’est d’ailleurs le cas en France. Ca commence à être le cas aussi pour la vidéo dans d’autres pays. Au Canada où nous avons lancé Netflix, le piratage a reculé.
Qu’allez-vous apporter de plus aux Français alors qu’ils disposent déjà de services comme le vôtre ?
Nous avons grandi avec internet, c’est ce que nous sommes et nous faisons ça très bien. Le streaming marche incroyablement bien avec des images de qualité HD, l’interface utilisateur, les recommandations sont géniales et enfin le contenu. Personne d’autre que nous n’a Orange is the new Black, Bojack horseman, The Mentalist, Big bang theorie ou Fargo. Nous avons tellement de grandes productions TV !
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre contrat avec Bouygues ?
Dans la plupart des pays où nous nous lançons, nous n’avons pas de contrat au départ avec un fournisseur d’accès à internet. C’est le cas seulement quand nous nous développons. Au Royaume-Uni, nous avons conclu un deal avec Virgin Media deux ans après notre lancement. Aux Pays-Bas, nous nous sommes lancé il y a un an et nous n’avons toujours pas d’opérateur.
Donc nous sommes très enthousiastes d’avoir Bouygues avec nous et c’est la première fois de notre histoire que nous avons un opérateur dès le lancement. Mais nous allons continuer aussi à discuter avec SFR, Free et Orange. Nous serons peut-être en mesure de dire quelque chose là-dessus bientôt. Nous l’espérons. Le challenge c’est que nos prix sont tellement bas, à partir de 7,99 euros par mois, qu’il ne reste pas beaucoup de revenus à partager ensuite.
Aux Etats-Unis, vous avez fini par payer les fournisseurs d’accès à internet pour garantir la qualité du débit du streaming de vos abonnés. Etes-vous toujours malgré tout un défenseur de la neutralité du Net ?
Oui. A l’inverse de ce que nous sommes obligés de faire aux Etats-Unis, nous pensons que cela devrait être gratuit de s’interconnecter. C’est d’ailleurs uniquement de cette façon que de nouvelles sociétés peuvent commencer leur activité : elles n’ont pas à demander de permission à des opérateurs. Et nous ne devrions pas avoir à le faire. C’est comme cela qu’Internet a commencé, avec cet échange gratuit, et c’est pour cela qu’il y a eu autant d’innovations.
Qu’est-ce que vous pensez du système de régulation de l’audiovisuel français ?
Le seul aspect qui pose vraiment problème pour nous, c’est la chronologie des médias. Parce que ça veut dire que nous ne pouvons pas avoir de films récents. Mais c’est pire en Belgique.
La France est-elle un petit marché pour vous ?
Non, c’est un marché plutôt important. Un peu moins qu’au Royaume-Uni ou au Brésil mais cela reste un marché conséquent comme l’Allemagne, par exemple.
Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur Marseille, votre première production française ?
Absolument. Nous avons justement déjeuné samedi avec Dan Franck qui est le scénariste. Il a travaillé sur Carlos et d’autres grosses séries et il nous a décrit comment la saison une allait se dérouler, les dynamiques dans la famille du personnage principal, la puissance de la famille. C’était passionnant et fascinant juste de l’entendre parler de ça. J’espère qu’on va voir rapidement le résultat mais probablement pas avant un délai d’un an ! Si cela fonctionne et que cette série a du succès dans le monde, on lancera d’autres productions françaises.
Dans le communiqué de presse de lancement, vous affirmez apporter la télévision du futur en France. Qu’entendez-vous par là ?
Aujourd’hui, la télévision est linéaire donc les émissions commencent à une heure précise et finissent à une heure précise. Et si vous êtes coccupés, vous loupez ces programmes. Mais les gens aiment le “à la demande” et le “à la demande” est en train de se développer en France de façon importante. La prochaine étape, c’est lorsque tout aura basculé “à la demande”. C’est ça la révolution de la télévision du futur : tout “à la demande”.
Quels sont vos objectifs en France ?
Nous espérons que beaucoup de consommateurs français vont essayer Netflix. C’est gratuit de tester le service, il n’y a pas d’engagement et on peut arrêter à tout moment. Nous espérons atteindre à terme 1/3 des foyers français comme aux Etats-Unis. Mais ça nous a pris sept ans chez nous donc ici, ça prendra probablement quatre à dix ans…
Voir notre dossier spécial Netflix.
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