Professeur, artiste, designer, culturiste, théoriste et présidente de l’organisation transhumaniste Humanity +, Natasha Vita-More est aussi l’épouse de Max More, un philosophe pionnier du transhumanisme. Elle enseigne également à l’Université des technologies avancées dans l’Arizona et à l’Université de la Singularité. Nous l’avons rencontrée à Paris lors du colloque Transvision 2014 où elle est intervenue. Interview.
« Il y a de la désinformation »
01net : Quel est votre rôle à la tête de Humanity + ?
Natasha Vita-More : Humanity + est une organisation internationale à but non lucratif. Ce n’est pas la seule association transhumaniste mais probablement la plus connue. En tant que présidente, j’essaye de simplifier les informations à transmettre aux journalistes ou aux chercheurs. J’ai constaté par le passé qu’il y avait eu beaucoup de désinformation sur le transhumanisme. Certains grappillent des éléments hors de leur contexte et racontent au final une histoire qui n’a rien à voir avec la réalité.
Le transhumanisme, c’est une vision du monde, un mouvement philosophique qui consiste à penser, critiquer les technologies émergentes que nous avons aujourd’hui et que nous pourrions employer mieux pour le bien de tout le monde. Nous faisons aussi notre possible pour éduquer, faire prendre conscience aux gens du futur qui s’annonce et de la convergence NBIC. Il ne s’agit pas seulement de disciplines scientifiques qui progressent de façon exponentielle. Ces avancées vont avoir une conséquence directe sur nous et notre corps. Alors nous en parlons, nous organisons des conférences, nous publions notre magazine, nous soutenons des projets artistiques et nous essayons de connecter les gens ensemble pour qu’ils collaborent et se questionnent sur ces thèmes.
« Nous comptons beaucoup d’informaticiens »
Qui sont vos membres ?
La plupart sont informaticiens ou travaillent dans les jeux vidéo. Il y a beaucoup d’experts en intelligence artificielle ou en nanotechnologies. D’autres sont juste intéressés par les bio et les nanotechnologies. Certains sont philosophes, artistes ou designers. Il n’y a pas de gens venant d’une religion en particulier ou d’un parti politique spécifique. Nous comptons des membres dans le monde entier.
Notre dénominateur commun, c’est que nous considérons la vie comme une valeur à protéger et que nous voulons être bien informés. Nous ne nous soucions pas seulement de ce que va être le futur, nous voulons en faire partie.
Quels sont vos relations avec la NASA et Google ?
Tous les ans, je co-préside une session plénière sur le transhumanisme lors de la conférence internationale spatiale (ISDC) à laquelle participe la NASA mais aussi d’autres organisations spatiales du monde entier.
Nous travaillons également avec Google, comme avec beaucoup d’organisations, des dirigeants et des entrepreneurs de la Silicon Valley qui sont membres de Humanity +. Mais nous ne sommes pas pour autant une organisation professionnelle.
Quel a été votre parcours académique ?
J’ai un doctorat en arts médiatiques et design. Mais j’ai aussi étudié la peinture, j’ai fait du théâtre, réalisé des courts métrages dont des films expérimentaux comme « Breaking Away » en 1980. J’ai étudié la philosophie, les technologies émergentes et enfin le design.
Mon travail en design se focalise sur l’amélioration humaine et l’extension de la vie. Le design a cette aptitude incroyable de pouvoir considérer un problème, et de créer un système qui va aider à trouver une solution et proposer des connexions entre les choses. C’est dans cet esprit que j’ai conçu Primo Posthuman, mon concept de corps humain du futur qui répond aux problèmes de dégradation cellulaire, aux maladies et à la mort. J’ai dessiné ce prototype parce que j’ai réalisé que des gens qui souffraient de certaines maladies auraient besoin d’un corps alternatif. Et j’ai fait cela très sérieusement, après avoir consulté des experts. Et je pense qu’un jour, on mettra vraiment au point le Primo Posthuman.
« Je milite pour la liberté morphologique »
Le transhumanisme est très critiqué par les philosophes français. Qu’en pensez-vous ?
Oui je sais. Et c’est vraiment difficile pour moi de comprendre pourquoi. De comprendre d’où cela vient. Peut-être est-ce dû au courant de pensée de la postmodernité qui est encore très fort en France. Comme le transhumanisme suscite de l’intérêt et que le post-modernisme décline, il y a peut-être un peu d’envie là-dedans.
Espérez-vous un jour pouvoir télécharger votre esprit dans un cerveau artificiel ?
Je trouve le concept du téléchargement de l’esprit très intéressant. Cela pourrait avoir des applications pour faire de la téléprésence, par exemple ou pour des personnes malades qui ne sont plus autonomes. Mais je ne suis pas de ceux qui rêvent de télécharger leur esprit dans un ordinateur. Je pense que nous garderons un corps biologique, une enveloppe qui continuera d’exister parce que le corps a une influence dans nos relations avec l’extérieur et les autres, dans nos perceptions, nos expériences qui forment aussi notre conscience.
Vous militez pour la liberté morphologique. Qu’est-ce que cela veut dire exactement ?
La liberté morphologique c’est un droit. Celui de protéger l’autonomie de quelqu’un qui veut s’augmenter et le droit de ceux qui ne veulent pas le faire. Cela veut dire que vous avez la liberté de choisir de changer votre corps ou votre cerveau à partir du moment où vous ne nuisez à rien ni à personne.
Que faites-vous tous les jours pour vivre mieux et plus longtemps ?
J’essaye de prendre soin de mon corps tout en ayant du plaisir, alors je bois du café, je mange du chocolat et je bois du vin. Je fais du sport, je suis des entraînements de bodybuilding, je fais de la méditation, je mets des lotions et des crèmes. Mais c’est aussi une question d’attitude : je tente d’étirer mon corps et mon esprit et de rester connectée avec les gens. Je ne suis pas une personne religieuse mais je crois profondément aux ondes positives que l’on peut dégager et recevoir dans ses relations avec les autres.
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