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Les Français vite affolés, aussi vite rassurés

L’entrée en Bourse, en 1997, de France Télécom a provoqué une sorte de guerre de religion. L’arrivée, trois ans plus tard, de l’opérateur étranger Vodafone dans son capital est passée quasiment inaperçue. Par Jean-Pierre Soulès.

En a-t-elle fait couler de l’encre et de la salive, au milieu des années quatre-vingt-dix, la question de la privatisation partielle de France Télécom ! Pacte avec le diable affirmaient les uns. Et de brandir le spectre de la mise à sac de l’opérateur public par les intérêts privés. Comment ! Les Français avaient dû cracher au bassinet pour rattraper notre retard en matière d’équipement télécoms et maintenant que notre réseau brillait de tous ses feux, on allait le dépecer.Notre beau service public ?” unique au monde, il va sans dire ?” allait être battu en brèche. Les prix allaient flamber. La pauvre grand-mère dans l’Ardèche ne pourrait plu s’offrir le luxe de téléphoner à ses enfants et petits enfants en région parisienne : trop cher. Devenu une société capitalistique, l’opérateur ne se soucierait plus que de rentabilité pour ses actionnaires et sacrifierait les zones les moins rentables.Les temps ont changé affirmaient, pour leur part, les tenants de la privatisation, et celui des monopoles d’État est passé. Pour faire face à des concurrents nouveaux et privés, France Télécom doit s’émanciper et, surtout, disposer des mêmes armes que ses rivaux. Il faut qu’il entre de plain-pied dans ce monde moderne et le passage en Bourse se révèle inévitable, ajoutaient-ils.
Et de toute façon, ce serait un bien timide essai, puisque l’État resterait largement majoritaire.Ces points de vue contradictoires suscitèrent des polémiques dans les médias. Les experts de l’un et l’autre bord tiraient des expériences à l’étranger des arguments en leur faveur.Trois ans plus tard, France Télécom est devenue l’une des vedettes de la Bourse de Paris et l’un des moteurs les puissants du fameux CAC 40. L’opérateur affiche une forme olympique et croît plus vite que du temps où, en tant qu’administration, il s’appuyait sur son monopole. Plus personne ?” presque plus personne ?” ne songe à critiquer cette mise en Bourse.A telle enseigne que lorsqu’il a annoncé le rachat d’Orange, le numéro trois des opérateurs britanniques, les débats ont presque exclusivement porté sur la somme totale à débourser : 325 milliards de francs iront dans la poche de Vodafone, l’actuel propriétaire d’Orange. Bonne affaire pour les uns, arnaque pour les autres.Pour régler la facture, France Télécom empruntera auprès des banques et paiera le reste en actions : 10 % du capital (plus que n’a détenu Deutsche Telekom, l’allié stratégique du temps des grandes amours).
Du coup, après la mise sur le marché, durant ces trois ans, de tranches supplémentaires ?” avec une discrétion de bon aloi ?” et ces 10 % à Vodafone, la part de l’Etat est inférieure à 55 %.Même si, probablement, Vodafone ne les gardera pas, trois ans plus tôt, cette situation aurait mis le feu aux poudres. Mais de l’eau a coulé sous les ponts et le pétard sest mouillé.Prochaine chronique le vendredi 23 juin

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Jean-Pierre Soulès, grand reporter