Avec ses caméras de vidéosurveillance Ring, Amazon est désormais très bien placé pour gagner aux prochains Big Brother Awards. Depuis mars 2018, les cadres de Ring font la tournée des services de police aux États-Unis, pour les inciter à devenir partenaires de « Neighbors », un réseau social dédié à la surveillance locale, entre voisins. Cette application permet aux membres de partager des informations et, surtout, des vidéos enregistrées par les caméras Ring. L’objectif étant de signaler les évènements louches ou d’aider la résolution de délits : vols de colis, cambriolages de maisons, effractions de voitures, violences, etc.
Les services de police partenaires de Neighbors peuvent, à ce titre, solliciter les membres de ce réseau social pour accéder à leurs flux enregistrés, par exemple pour les aider dans une enquête. Les policiers, évidemment, adorent ce concept, car il leur donne potentiellement accès à un gigantesque réseau de vidéosurveillance. Selon The Washington Post, le nombre de caméras Ring déployées aux États-Unis serait l’ordre de plusieurs millions.
L’accès aux caméras Ring est d’autant plus intéressant que les sonnettes vidéo – le produit phare de Ring — fournissent des images de haute résolution, et cela non seulement de l’entrée d’une maison, mais aussi de la rue adjacente et des maisons d’en face. Il n’est donc pas très étonnant que le fournisseur ait d’ores et déjà pu enrôler plus de 400 services de police, comme vient de le révéler Jamie Siminoff, le fondateur de Ring, dans une note de blog. Le fournisseur a même publié une carte des services de police partenaires.
Pour Ring, associer les forces de police aux utilisateurs-épieurs de Neighbors est un concept gagnant. « Les utilisateurs et les forces de l’ordre ont obtenu des résultats étonnants en travaillant ensemble via l’application Neighbors, comme récupérer des armes volées dans la rue, aider les familles à assurer la sécurité de leurs enfants et même à retrouver des fournitures médicales volées pour un enfant diabétique », souligne Jamie Siminoff. Dans une mise au point, le fournisseur souligne néanmoins que les policiers ne peuvent pas accéder aux flux en temps réel et qu’ils n’ont aucune visibilité sur le traitement de leurs requêtes. En particulier, ils ne peuvent pas savoir qui les a reçus, qui les a acceptés et qui les a refusés.
Une paranoïa antidémocratique
Pour autant, les défenseurs des droits citoyens ne voient pas du tout cela d’un bon œil. Interrogé par The Washington Post, le professeur de droit Andrew Guthrie Ferguson estime que ce programme de partenariat permet la création en douce d’un réseau de vidéosurveillance nationale entièrement nouveau. Et comme cela se fait sous la houlette d’une entreprise privée, cela évite « le genre d’examen qui se produirait si cela venait de la police ou du gouvernement », souligne-t-il. Pour sa part, Evan Greer, directeur adjoint de l’association Fight for the Future, estime que le modèle économique de Ring s’appuie sur la paranoïa et qu’il va à l’encontre du processus démocratique.
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En France, l’application Neighbors n’est pas disponible. Il n’est d’ailleurs pas certain que ce flicage vidéo façon réseau social soit juridiquement possible. Comme le rappelle la CNIL sur son site, « seules les autorités publiques (les mairies notamment) peuvent filmer la voie publique ». Les juristes de Ring, d’ailleurs, le savent très bien. D’après les conditions d’utilisation de Ring, l’utilisateur doit s’assurer que « l’installation de tout Produit enregistrant des images et/ou des sons sera faite sous un angle qui respecte les limites de votre propriété (notamment les trottoirs ou voies publiques) ».
Source : The Washington Post
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