Passer au contenu

Les blocages d’Internet par les autorités en forte hausse dans le monde

Dans son rapport annuel, Acces Now, une ONG qui défend les libertés numériques, s’inquiète de l’augmentation des coupures volontaires du Web, notamment en Asie et en Afrique. Et le plus souvent lors de périodes électorales ou de protestations. 

196. C’est le nombre de blocages d’internet qui ont eu lieu durant toute l’année 2018 dans 25 pays différents. L’ONG Access Now, qui coordonne une campagne pour un libre accès à internet baptisée « Keep it on » (Laissez le branché), fait état de ce chiffre inquiétant dans son rapport annuel [PDF], présenté lors du sommet international sur les libertés numériques RightsCon, à qui avait lieu du 11 au 14 juin, à Tunis.

De manière générale, le nombre de coupures volontaires a augmenté par rapport aux années précédentes. Access Now avait décompté 75 blocages en 2016 et 106 en 2017 -même si cette hausse est partiellement due à une amélioration des techniques de détection.

Ce chiffre est aussi gonflé par la multiplication des pays qui ont eu recours à ces techniques autoritaires. Cette année, l’ONG a recensé des coupures dans des contrées où il n’y en avait jamais eu auparavant, comme le Bénin, pourtant riche d’une culture démocratique solidement encrée.

Inde, premier sur les blocages internet en 2018

Sur l’année 2018, les régions les plus touchées sont l’Afrique et l’Asie. L’Inde est particulièrement touchée. À elle seule, elle recense 134 blocages, essentiellement locaux.

« L’Inde est un acteur majeur en terme de blocage d’Internet, et d’autres gouvernements en tirent des leçons », explique le rapport, précisant que les coupures massives ont laissé place à des coupures plus ciblées.

Les gouvernements des pays concernés assurent que ces coupures permettent de protéger la population (91 cas) garantir la sécurité nationale (40 cas) ou encore lutter contre la désinformation et les incitations à la haine (33 cas). La quatrième cause de blocage recensée est une période d’examen (11 cas). Une mesure pour le moins radicale afin d’éviter la triche. 

Mais c’est aussi et surtout effectivement un outil de censure, voire de répression, très efficace. « Ce que l’on constate sur le terrain, c’est que les gouvernements coupent Internet quand il y a des manifestations, des élections », a déclaré Berhan Taye, une des auteures du rapport. À l’appui, un graphique qui confronte les justifications officielles et les « faits » (voir ci-dessous). Par exemple, en République Démocratique du Congo, l’internet a été interrompu pendant 21 jours après la présidentielle de décembre 2018, selon l’ONG.

justif officielle vs factuelles.PNG

La fermeture du réseau peut cependant répondre aussi à de réelles conditions exceptionnelles. C’est ce qu’il s’est passé dernièrement au Sri Lanka après les attentats d’avril 2019 pour éviter la propagation de fausses informations

Un nombre qui explose déjà en 2019

Pour l’instant, en 2019, 70 blocages ont déjà été recensés, notamment au Soudan et au Venezuela, au bord de la guerre civile.

« Le Soudan est un exemple catastrophique de la façon dont les droits de l’Homme sont violés quand Internet est bloqué : l’Internet n’est pas un luxe, ce n’est pas seulement pouvoir […] mettre des photos de ce qu’on mange sur Instagram », souligne la militante. Avant d’ajouter : « C’est aussi pouvoir localiser ceux qu’on aime et savoir dans quelle morgue ils se trouvent pour les enterrer quand ils ont été tués par des milices. »

Autre exemple certes un peu différent : Hong Kong, en proie à des troubles politiques vis-à-vis de la Chine dont elle dépend. Selon le cofondateur de Telegram, Pavel Durov, la messagerie cryptée a été victime d’une cyberattaque majeure, jeudi 13 juin, provenant de Chine, alors que l’application était largement utilisée pour coordonner les manifestations contre un projet de loi controversé visant à autoriser les extraditions vers Pékin.

Pendant ce temps-là, en Chine continentale, toutes les informations à propos des protestations à Hong Kong ont été filtrées. Sur le réseau social dominant Weibo (équivalent chinois de Twitter), la recherche des mots «manifestations à Hong Kong» ne mène qu’aux communiqués du ministère chinois des Affaires étrangères qui les ont qualifiées d’«émeutes» ou de «comportement qui met en péril la paix et la stabilité à Hong Kong». Et les autorités a déclaré « ne pas être au courant », selon l’AFP.

Dans un monde ultra connecté, le travail de décryptage mené par l’ONG Access Now illustre combien l’accès au réseau -et donc, à l’information- est un enjeu démocratique de premier plan. 

Source : Access Now

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Marion SIMON-RAINAUD