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Le rapport sur la cybercriminalité alerte les défenseurs des libertés citoyennes

Surveillance préventive, blocage par simple notification administrative, multiplication des mesures de répression… Les recommandations du procureur Marc Robert font craindre une chape de plomb numérique.

Remis le 30 juin au gouvernement, le rapport du procureur général Marc Robert sur la lutte contre la cybercriminalité est difficile à digérer, dans tous les sens du terme. Les 277 pages (plus 207 pages d’annexes) n’ont pas encore été totalement lues qu’elles font déjà bondir ceux qui défendent les libertés citoyennes. Ils craignent que les 55 recommandations ouvrent la porte à une surveillance de masse disproportionnée et source de dérives. « Le rapport commence par dire qu’Internet est un formidable outil de liberté, puis après c’est le coup de bambou. Je suis effrayé par la quantité de mesures répressives qui y figurent. J’ai un sentiment d’étouffement quand je parcours ce travail », explique Olivier Iteanu, avocat.

L’homme pointe, en particulier, sur la mise à contribution grandissante des intermédiaires techniques. Ainsi, les moteurs de recherche seraient désormais soumis aux mêmes obligations que les hébergeurs et les fournisseurs d’accès Internet, pour lutter contre la prévention et la sanction des contenus illicites (recommandation n° 22, p.177).

Effet de masse

Tous devraient être soumis par ailleurs à une obligation de « surveillance préventive » pour la détection de contenus illicites particulièrement graves comme la pornographie enfantine, l’incitation à la haine raciale ou l’apologie de crime contre l’humanité (recommandation n°25, p.185). « Tout ceci implique, en amont, une importante conservation des données. Je n’ai pas l’impression que l’on ait pris conscience de l’effet de masse que cela représente. C’est unique dans un état de droit moderne. Par ailleurs, cette surveillance privatisée présente le risque d’être détournée. Il faut trouver des garanties pour les citoyens », souligne Olivier Iteanu.

Même son de cloche chez la Quadrature du Net, qui rejette également en bloc les recommandations relatives aux intermédiaires techniques. Elle s’inquiète en particulier de la possibilité d’un blocage de site web sur simple notification administrative aux hébergeurs (recommandation n°26, p.192). « La censure, si elle doit se faire, doit toujours passer par un juge. Nous ne voulons pas que les prestataires soient les juges de l’étendue et des modalités de la liberté d’expression. C’est un droit fondamental », explique Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes au sein de la Quadrature du Net.

La police veille… sous pseudonyme

L’association s’alarme également du pouvoir renforcé dont bénéficieraient les officiers et agents de police judiciaire. L’enquête sous pseudonyme se verrait élargie à n’importe quels crime et délit punis d’une peine d’emprisonnement (recommandation n° 47, p.240), alors qu’elle est actuellement assez restreinte (terrorisme, traite d’êtres humains, proxénétisme, stupéfiants, etc.) Les policiers pourraient également se mouvoir sur la Toile sous pseudonyme pour une simple veille, sans motif d’investigation particulier (recommandation n°46, p.239). « C’est comme rentrer dans un lieu en civil pour écouter ce qui se dit. Cela pourrait être assimilable à de la surveillance et pourrait mener vers des dérives », ajoute Adrienne Charmet.     

Enfin, Olivier Itenau alerte également sur la tendance à vouloir faire de l’utilisation d’un « réseau de communication électronique » une circonstance aggravante. Cela existe déjà pour la diffusion de pornographie enfantine. Le rapport propose la même chose pour l’usurpation d’identité (recommandation n° 14, p. 154). « Ce n’est pas une bonne idée. Pourquoi serait-ce plus grave sur Internet ? », se demande l’avocat. Le risque est que la répression devienne, petit à petit, plus forte sur la Toile que dans le monde réel. Ce serait le début d’une chape de plomb pour le web.

Lire aussi :

Lutte contre la cybercriminalité : un rapport, cinquante-cinq propositions, le 01/07/2014
Les FAI devront-ils bientôt jouer la police sur le web ?, le 24/06/2014

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Gilbert Kallenborn