Halte au dilettantisme ! C’est en substance le message de l’Académie nationale de médecine, qui a publié aujourd’hui, suite au dépôt d’une proposition de loi sur les ondes électromagnétiques, un communiqué pour mettre en garde contre « une instrumentalisation systématiques des inquiétudes de l’opinion » et une utilisation « abusive et trompeuse » du principe de précaution.
Dans ce communiqué, l’institution regrette que cette initiative politique soit « fondée sur un flou scientifique et réglementaire ». Elle se permet de rappeler un certain nombre de références scientifiques sur le sujet : les conclusions du rapport 2009 de l’Anses (ex-Afsset), le classement des portables en « possiblement cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’origine psycho-somatique de l’électrohypersensibilité, le manque de justification scientifique d’une limite de puissance d’émission fixée à 0,6 V/m.
01net a interrogé le professeur André Aurengo, médecin chef de service à la Pitié-Salpêtrière et membre de l’Académie nationale de médecine. Il a participé à la rédaction de ce communiqué.
01net : Pourquoi avoir publié ce communiqué, qui ne fait que rappeler des résultats d’études passées ?
André Aurengo : Le nouveau projet de loi fait fi des connaissances scientifiques actuelles. Pourquoi le rapport 2009 de l’Afsset n’est-il pas cité? Cette agence de sécurité sanitaire a réuni les meilleurs experts pendant un an, et les élus de la nation préfèrent s’appuyer sur BioInitiative, un rapport autocommandité et douteux qui monte en épingle des études trouvées ici ou là. Ce n’est pas sérieux et c’est même choquant. Il nous a paru important de rappeler au public que la recherche sur les ondes électromagnétique n’est pas un terrain vierge et qu’il y a déjà eu beaucoup de travail effectué.
01net : Les auteurs du rapport BioInitiative, qui viennent de publier un nouveau rapport, expliquent qu’ils s’appuient sur les mêmes études que les autres organismes, mais qu’ils n’utilisent pas les mêmes niveaux de preuves. Peut-on avoir plusieurs interprétations à partir des mêmes études ?
André Aurengo : Non. L’évaluation d’un risque sanitaire est une démarche scientifique. Dans une expertise collective, comme celle de l’Afsset, il s’agit de vérifier la validité des différents résultats scientifiques obtenus, de croiser les expériences et de ne retenir que les études sérieuses. C’est aussi une question de légitimité scientifique. Qui faut-il croire ? L’agence nationale française ou Cindy Sage, co-éditrice du rapport BioInitiative qui vend, par ailleurs, des dispositifs de protection contre les ondes. Il y a là un conflit d’intérêt majeur. L’évaluation du risque sanitaire n’est pas une affaire de dilettante.
01net : Que pensez-vous du seuil d’émission des antennes-relais de 0,6 V/m, mentionné dans le projet de loi ?
André Aurengo : Comme précisé dans le communiqué, ce seuil est un résultat qui a été trouvé à un moment donné par des chercheurs, mais qui l’ont eux-mêmes abandonné par la suite, après avoir poussé plus loin leurs études. Il n’a donc plus aucune justification scientifique et il serait malhonnête de dire le contraire. Abaisser le seuil d’émission des antennes-relais à 0,6 V/m pourrait, en réalité, augmenter l’exposition aux ondes, car il faudrait augmenter le nombre d’antennes-relais. Or, à chaque fois qu’un utilisateur passe d’une antenne à l’autre, le téléphone augmente sa puissance de rayonnement.
01net : Que pensez-vous des « gestes simples » recommandés par le gouvernement pour réduire son exposition face au téléphone portable ?
André Aurengo : C’est un dépliant qui a été établi par le ministère de la santé. Il donne des conseils de bon sens tout en laissant la porte ouverte à la recherche scientifique. Cela avait entrainé un climat de sérénité qui, maintenant, vole en éclat. Ce nouveau projet de loi va affoler les gens pour rien.
Retrouvez notre dossier complet : « les ondes électromagnétiques sont-elles dangereuses ? »
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