« Victoire ! ». Le mouvement « SaveTheInternet », qui militait pour une définition stricte de la neutralité du net et rassemblait de nombreuses associations, triomphe depuis que le gendarme européen des télécoms (l’Orece appelé aussi Berec en anglais) a rendu ce 30 août une feuille de route qui lui est favorable sur le sujet.
Le règlement européen du 25 novembre 2015 posait certes pour la première fois le principe de la neutralité du net mais laissait de nombreuses questions en suspens. Les opérateurs allaient-il dégrader le débit de certains services pour des raisons commerciales ? Les utilisateurs de VPN seraient-ils pénalisés ? L’Orece a lancé une grande consultation publique pour mettre tout à plat. Et aujourd’hui, elle rend des lignes directrices clairement pro neutralité. Si les pratiques les plus controversées comme les services spécialisées, le zéro-rating ou la gestion de trafic sont bien autorisées, elles seront à l’avenir restreintes. Voilà qui ne va pas réjouir les FAI.
Les opérateurs mécontents
L’ETNO, l’association qui les regroupe en Europe, a d’ores et déjà déclaré que l’Orece n’avait malheureusement pas pris en compte la plupart de ses préoccupations, sous-entendant que ces nouvelles règles allaient freiner l’innovation. « Les voitures connectées, l’e-santé, les capteurs industriels et de nombreuses autres applications nécessitent une connectivité basée sur des exigences de qualité spécifiques (…), en particulier dans un scénario 5G » peut-on lire dans le communiqué de presse de l’association.
Le chantage à la 5G est donc de nouveau brandi. Un argument qui fait suite au manifeste 5G publié début juillet par les opérateurs réclamant clairement la restriction de la neutralité du net pour pouvoir déployer cette nouvelle technologie. Mais l’Orece n’a pas cédé à la pression.
Les services spécialisés redéfinis
Ce qui effrayait les activistes de la neutralité du net, c’est le flou entourant certaines pratiques des opérateurs. Même si le règlement imposait qu’elles soient prises en toute transparence, de façon proportionnée et non discriminante.
En premier lieu, la polémique faisait rage autour des services spécialisés, appelés aussi « services optimisés ». Un opérateur est en effet autorisé à accorder un débit garanti à certains services comme la télévision sur internet (IPTV) pour garantir la qualité de leur fonctionnement. Le danger était que cela puisse dégrader la qualité générale d’accès à internet et que certaines entreprises en bénéficient sans que cela soit justifié.
Pour éviter cela, l’Orece propose une définition plus précise des services spécialisés : ils ne peuvent être des services d’accès à internet, doivent être optimisés pour des contenus, des applications ou des services spécifiques, et leur optimisation doit paraître objectivement nécessaire afin de répondre à des exigences élevées en terme de qualité. Enfin, la capacité du réseau des opérateurs doit être suffisante pour que cela ne ne pénalise pas les utilisateurs finaux des services d’accès à internet.
Le zero-rating très encadré
Autre sujet de tension, le zero-rating, visant à ne pas décompter du forfait data des abonnés l’utilisation de certains services ou applications comme le stockage dans le cloud. Ce qui permet de favoriser ces applications ou services au détriment des autres. Cela pose aussi un problème de choix à l’utilisateur puisque que l’opérateur se transforme en prescripteur. Un peu comme Facebook avec son Free Basics.
L’Orece précise que si un abonné a dépensé tout son quota de data, tous les services et applications devront être bloqués ou ralentis de la même manière, y compris ceux qui ne sont pas décomptés. Il ne sera pas non plus possible d’offrir du zero-rating pour toute une catégorie d’applications comme le streaming vidéo ou musical. Et surtout, l’utilisateur ne pourra être empêché d’utiliser d’autres services que ceux qui sont offerts. L’autorité reconnaît enfin que le zero-rating incite les consommateurs à utiliser certains services plutôt que d’autres et invite en conséquence les régulateurs de chaque Etat à examiner la situation au niveau local afin de ne pas renforcer les positions d’acteurs déjà dominants et ainsi tuer dans l’œuf le développement de nouvelles start-ups indépendantes.
La gestion de trafic limitée
Enfin, la dernière pomme de discorde concernait la gestion de trafic permettant aux FAI de prioriser certaines communications sur leurs réseaux. Ce qui permet notamment de prévenir des congestions de trafic. Mais bloquer ou ralentir certains services trop gourmands en bande passante allait-il devenir possible pour les opérateurs ? On pense bien évidemment à Youtube, Netflix ou au streaming vidéo en général.
Là encore, l’Orece clarifie les choses en limitant dans la durée la gestion de trafic “qui ne doit pas être maintenue plus longtemps que nécessaire” et en interdisant que cette pratique cible des contenus en particulier.
A chaque Etat membre désormais de s’emparer de ces lignes directrices. Ce sera fait en France dans le cadre de la loi numérique. Reste donc à savoir ce comment ce texte sera traduit. Le président de l’Arcep Sébastien Soriano a déjà prévenu lors de la conférence de presse de l’Orece que «chaque pratique sera analysée au cas par cas et en fonction du contexte du marché national ». Encore faudra-t-il que l’Arcep ait les moyens d’enquêter auprès des opérateurs.
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