Il aura fallu plus de deux ans de procédure et l’examen de milliers de pièces. Finalement le tribunal de commerce de Paris a condamné eBay à verser à LVMH, le numéro un mondial du luxe, 38,6 millions d’euros pour vente de
parfums et de produits contrefaits. La sentence est on ne peut plus claire pour le site d’enchères, qui a commis ‘ des fautes graves en manquant à ses obligations de s’assurer que ses activités ne généraient pas des actes
illicites ‘, a estimé la justice ce lundi 30 juin 2008. C’est la première fois en France qu’eBay n’a pu se retrancher derrière son statut de prestataire technique tel qu’il est défini dans la LCEN du
21 juin 2004.‘ Il est manifeste qu’eBay est un site de courtage (…) ‘ et qu’il ‘ déploie une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits aux enchères et ne
limitent donc pas cette activité à celle d’hébergeur ‘, a estimé le tribunal dans ses attendus que 01net. s’est procuré.Dans un
précédent jugement, pour lequel eBay a fait appel, le site d’enchères avait été condamné à verser 20 000 euros de
dommages et interêts à Hermès. Le tribunal de Troyes avait néanmoins retenu le statut d’hébergeur et d’éditeur de service au défendeur. Cette fois-ci la justice va beaucoup plus loin.
Le rôle très actif d’eBay reconnu
‘ La responsabilité d’eBay est d’autant plus importante qu’elle a délibérément refusé de mettre en place les mesures efficaces et appropriées pour lutter contre la contrefaçon, comme celles consistant à imposer
aux vendeurs de fournir sur simple demande la facture d’achat ou un certificat d’authenticité des produits mis en vente… ‘, estime le tribunal de commerce. Selon lui, le site d’enchères ‘ a un
rôle très actif notamment par des relances commerciales pour augmenter le nombre de transactions générant des commissions à son profit ‘.En conséquence, il condamne eBay à verser un total de 19,1 millions de dommages et intérêts à Louis Vuitton Malletier et 16,3 millions à Dior Couture auxquels s’ajoutent 3,2 millions d’euros aux parfums du groupe LVMH
pour infraction à la distribution sélective. Le numéro un du luxe assignait eBay dans plusieurs affaires, lesquelles ont, en raison de leur proximité, été jointes par la justice.Louis Vuitton Malletier et Christian Dior Couture attaquaient l’américain pour ‘ négligences fautives ‘. Ils lui reprochaient d’avoir laissé sciemment des produits contrefaits se vendre
sur sa plate-forme. Dior, Guerlain, Givenchy et Kenzo quant à eux estimaient que le site détournait le principe de distribution sélective qui s’applique au marché des parfums. Pratique commerciale selon laquelle seuls certains partenaires agréés par
une marque sont habilités à vendre des produits.
Une attitude protectionniste des marques ?
eBay a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel de ce dernier jugement. ‘ C’est une décision rarissime. Notamment au niveau des montants des dommages et intérêts au titre de l’article 700 de la
procédure civile. Toutes les demandes des parties adverses ont été accordées ‘, analyse maître Cyril Fabre, avocat spécialisé en nouvelles technologies chez Alexen. Il n’en faut pas plus pour que le site d’enchères voit dans
ce jugement une volonté des fabricants de garder le contrôle de leur pré carré.‘ Ces poursuites pour contrefaçon des marques du luxe cachent en réalité la volonté de protéger des pratiques commerciales et exclure toute concurrence sur Internet. La contrefaçon n’est plus au c?”ur du
procès ‘, estime Alexandre Menais, directeur Europe en charge des relations avec les marques au sein d’eBay. Pourtant d’autres concurrents du site d’enchères, qui permettent tout autant la vente entre particuliers, et
notamment de produits de luxe, ne subissent pas à ce jour les foudres des marques. ‘ Nous ne faisons pas le même métier ! Et nous n’avons rien à voir en termes de nombre d’annonces notamment. Dans ces conditions, mettre
en place des mesures de lutte anti contrefaçon [humaine et pro active, NDLR] n’est pas faisable … ‘, réplique Alexandre Menais.Depuis 2006, date où les faits qui lui sont reprochés se sont produits, eBay a sensiblement amélioré son programme VeRO (Verified Right Owners). Les marques qui collaborent avec le site peuvent depuis le début de
l’année 2008 supprimer elles-mêmes les annonces litigieuses et contacter les vendeurs, assure l’américain. Un peu tard pour les fabricants qui ont alerté régulièrement eBay depuis 1999.Les ennuis judiciaires du site pourraient ne faire que commencer. ‘ Dans de nombreux cabinets, des assignations ont été temporairement suspendues en l’attente du procès LVMH. Au vu des sommes attribuées, d’autres
marques notoires pourraient assigner eBay en justice avec des dommages et intérêts colossaux à la clé ‘, conclut Cyril Fabre.
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