Depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’HyperCasher, le gouvernement français a affiché sa volonté de durcir les mesures de lutte contre le terrorisme, notamment sur Internet. Cela n’a étonné personne. Pourtant, on peut se demander pourquoi une telle nécessité. Une surveillance accrue, voire extrême, du web aurait-il permis d’éviter les récents attentats ? Il ne semble pas que les failles dans les dernières affaires venaient de ce côté-là. Mais ce que l’on constate, avec évidence, c’est qu’Internet est devenu un terrain de jeu idéal pour la propagande. Et notamment la propagande terroriste.
Les réseaux sociaux, en particulier, sont très efficaces dans ce domaine. Ils sont gratuits, rapides et sans risque pour ceux qui les utilisent. La preuve : même si un compte Twitter faisant l’apologie du terrorisme se fait repérer et fermer sur Twitter, son titulaire peut instantanément en ouvrir un autre (et même y rappatrier tous ses anciens contacts s’il est un peu malin).
Aussi, Twitter permet de diffuser des liens vers des vidéos ou photos interdites, et les diffuser auprès d’un maximum de monde. De même, doctrines et mouvements idéologiques se répandent très facilement par l’usage de ce que certains appellent des « bombes » : l’ajout abusif d’un mot-clé très populaire sur Twitter dans un message de propagande (qui n’a donc rien à voir avec ledit mot-clé). Et voilà comment un ado qui suit des conversations innocentes via un hashtag anodin, peut se retrouver nez à nez avec des posts de djihadistes, par exemple…
Des lois sécuritaires déjà bien en place
Alors, comment mieux lutter contre ces nouvelles formes d’embrigadement ? Manuel Valls et son ministre Bernard Cazeneuve préconisent un renforcement de la surveillance des réseaux. Un doux rêve ? Ou peut-on effectivement être plus efficace ? A voir… Car la France ne part pas de zéro en matière de surveillance électronique. Au moins quatre lois permettent actuellement aux enquêteurs de faire ce travail :
1/ Ils peuvent demander aux hébergeurs de sites de supprimer des contenus illicites et de leur transmettre une pleine année d’informations (toutes les données de connexion) sur leurs utilisateurs.
2/ Les cyberenquêteurs peuvent aussi utiliser des logiciels espions pour intercepter des communications.
3/ Depuis la récente loi antiterroriste, on peut bloquer les sites incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie, sans passer par un juge (sur simple demande de l’Office de lutte contre la cybercriminalité).
4/ La nouvelle loi peut aussi punir les auteurs de tels messages en ligne risquent sept ans de prison et 100 000 euros d’amende.
Un fichier européen des passagers aériens
Que manque-t-il, selon le gouvernement, à cet arsenal ? Avant la fin du mois de mars, il devrait présenter un projet de loi sur le Renseignement pour élargir encore les moyens de captation des contenus numériques. En attendant, une autre mesure est discutée à Bruxelles : l’utilisation par les Etats des PNR (Passenger Name Record), qui permettrait de créer un fichier européen contenant toutes les données transmises par les passagers aux compagnies aériennes lors de la réservation d’un vol. Les eurodéputés se sont engagés à finaliser cette directive cette année. Mais à une condition : qu’il y ait en parallèle, un renforcement et de réelles avancées sur la protection des données.
Les cyberlibertés en danger
Incontestablement, ces nouvelles mesures de cybersurveillance inquiètent les députés européens, comme tous les défenseurs de la vie privée. Les risques ? Que le cadre de ces cybersurveillances renforcées ne soit pas suffisamment défini et donne lieu à des dérapages. Que la cybersurveillance vire à la suspicion systématique. Qu’une provocation d’un internaute sur le web, en fasse un suspect interdit de passer une quelconque frontière. Que la liberté d’expression sur la Toile en prenne un grand coup.
Au minimum, et sans faire dans l’idéologie ou le catastrophisme, il est essentiel que les mesures qui seront prises soient transparentes pour les citoyens, leur offrent des recours et qu’un contrôle important soit imposé sur les écoutes électroniques. Enfin, toute colllecte de données devrait toujours être justifiée et respecter une certaine proportionnalité. C’est ce à quoi le Parlement européen va travailler, et aboutir, je l’espère, d’ici à la fin 2015.
Cette chronique a été diffusée en vidéo (ci-dessous) :
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