Comme souvent, l’Arsenal juridique imaginé par nos dirigeants est déjà dépassé par la technologie. L’Hadopi ne changera rien aux habitudes des pirates. Voici pourquoi.
Cette loi est mal ficelée, mais, plus grave, elle n’aura aucun effet sur le piratage de masse. Oui, les internautes débutants qui recevront un ou deux e-mails cesseront peut-être leurs téléchargements sur les réseaux peer-to-peer. Mais achèteront-ils pour autant plus d’albums ou de films ? Quant aux plus accros, ils utilisent déjà de nombreuses autres techniques et réseaux afin de télécharger plus rapidement ou de manière totalement anonyme. Des pratiques qui existent depuis longtemps et que la loi DADVSI n’a pas su endiguer. En se focalisant sur les réseaux P2P, la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet fait fausse route.Tout d’abord parce que ces réseaux vont rapidement devenir le terrain de jeu des pirates. Ainsi, le site Pirate Bay a par exemple annoncé qu’il stockerait des milliers de fausses adresses IP sur ses trackers (les serveurs qui assistent la communication entre deux clients sur les réseaux BitTorrent). Il sera alors impossible pour les sociétés chargées de repérer les pirates français de savoir s’il s’agit de vrais clients qui téléchargent ou d’internautes virtuels.Ensuite, parce que les alternatives au P2P sont très nombreuses. Groupes de discussion, serveurs de stockage rapide ou forums sont autant de passerelles possibles afin de partager sans limites des contenus multimédias, protégés ou non, dans un anonymat quasi total. Arrêter ces services est en théorie techniquement et juridiquement possible. La loi DADVSI permet à tout ayant droit de saisir la justice pour faire fermer un site qui diffuse ou stocke illégalement des contenus soumis aux droits d’auteurs. Mais, dans la pratique, la démarche s’avère beaucoup plus délicate. Si les paradis fiscaux sont actuellement en ligne de mire, les pays qui n’offrent pas une franche collaboration en matière judiciaire sont pour l’heure relativement épargnés. Des lieux de résidence parfaits pour des serveurs pirates connus de tous et contre lesquels la justice ne peut rien.En dehors du réseau Internet, l’échange physique de fichiers devrait connaître un essor important. Les clés USB, les disques durs externes et les supports optiques sont autant de moyens de s’échanger musiques, photos ou vidéos dans la cour de récréation, à la machine à café ou lors d’une soirée entre amis. Un ensemble de méthodes qui sortent totalement du cadre de contrôle des polices privées que mettront en place les majors…