Passer au contenu

Batteries : l’Europe bientôt bonne élève sur le recyclage… mais mauvaise sur les matières premières ?

En une semaine, deux annonces concernant le secteur des batteries électriques sont tombées. D’un côté, le Parlement européen a validé le texte qui impose le recyclage et la réutilisation des batteries. De l’autre, la Cour des comptes européenne a publié un rapport qui estime que l’Union européenne risque d’échouer dans sa volonté de « devenir un moteur mondial de cette industrie ».

Alors que le Parlement européen a validé la mise à jour de la directive sur les batteries, qui impose toute une série d’obligations de recyclage et de réutilisation des matériaux, un rapport est venu doucher les ambitions de l’Union européenne (UE) qui souhaite devenir une puissance mondiale dans ce secteur.
Le texte, publié le lundi 19 mai, provient de la Cour des comptes européenne, et pointe les nombreux obstacles auxquels fait face l’Europe. Premier d’entre eux : « l’accès aux matières premières » permettant de fabriquer les batteries des voitures électriques, suivi par « la hausse des coûts et la concurrence mondiale féroce », détaille l’autorité qui écrit noir sur blanc que l’Europe « risque d’échouer à devenir un moteur mondial de cette industrie ». 

Pourtant, le 14 juin dernier, on apprenait que le Parlement européen donnait son feu vert au tout premier texte qui veut réglementer ce secteur des batteries électriques de A à Z, de la phase de conception aux matières premières jusqu’à la fin de vie et le recyclage de ces produits. Bien qu’il doive encore être adopté par le Conseil, et qu’il ne doive être applicable que trois ans et demi après son entrée en vigueur, un temps laissé aux fabricants de smartphones, d’ordinateurs, de batteries électriques pour vélo ou voiture, ce texte constitue une véritable avancée.
Il obligera les constructeurs à mettre en place un cycle de recyclage des métaux utilisés comme le nickel, le cobalt, le lithium et le plomb. Ces derniers devront suivre des normes d’éco-conception devenues obligatoires. Parmi elles : les consommateurs pourront changer directement leur batterie de smartphone, sans passer par la case réparateur agréé et sans risquer de casser leur smartphone avec des batteries collées voire soudées. 

Un risque de forte dépendance vis-à-vis la Chine

Mais pour qu’il y ait recyclage, encore faut-il qu’il y ait une batterie fabriquée, si possible en Europe. Et sur ce point, la Cour des comptes européenne est pessimiste. Bien qu’elle salue l’action de la Commission européenne, elle souligne que l’Europe risque de se retrouver dans une situation de forte dépendance vis-à-vis la Chine qui produit, aujourd’hui, 76% des batteries. Or, « l’UE ne doit pas se retrouver dans la même position de dépendance avec les batteries qu’avec le gaz naturel ; sa souveraineté économique est en jeu », explique Annemie Turtelboom, autrice de l’audit, citée dans le communiqué. 

Car « en prévoyant de mettre fin à la vente de nouvelles voitures à essence et diesel d’ici 2035, l’UE mise beaucoup sur les batteries », soulignent les magistrats dans leur rapport. Mais en pratique, l’Europe, qui dispose de quelques réserves comme des gisements de lithium au Portugal, devrait ne pas disposer de matières premières nécessaires à la fabrication de batteries avant longtemps. Il faut en effet une période qui oscille entre 12 et 16 ans pour passer de la découverte d’un gisement à l’extraction. L’UE n’a ensuite conclu aucun accord de libre échange avec un pays producteur de minerai comme la Chine (graphite naturel), l’Australie (lithium brut), l’Afrique du Sud et le Gabon (manganèse) ou la République du Congo (cobalt brut). Alors que l’UE devrait voir sa production de batteries augmenter rapidement d’ici à 2030, elle va être confrontée à une pénurie de matières premières à brève échéance – et ce dès 2030, préviennent les magistrats. 

À lire aussi : 25 000 commandes en moins de 2 jours : quel est le secret du succès de cette voiture électrique chinoise ?

Pour retarder cette pénurie, les futures normes qui imposeront la réutilisation des matériaux de batteries usagées prévues par le nouveau Règlement sur les batteries pourraient jouer un rôle, mais elles ne suffiront pas. Selon les estimations, l’Union européenne aura besoin, en 2030, de 14 fois plus de batteries qu’aujourd’hui. Une partie d’entre elles pourrait provenir du recyclage. Le texte adopté au Parlement européen prévoit en effet qu’en 2027, les matériaux récupérés devront être réutilisés à 50% pour le lithium, à 90% pour le cobalt, le cuivre, le plomb et le nickel. En 2031, le chiffre montre à 80% pour le premier, et à 95% pour les trois autres. Preuve de l’immense gaspillage, les batteries sont aujourd’hui peu réparées ou reconditionnées. Or, il suffit d’une seule cellule défectueuse, sur une batterie de vélo qui en compte une trentaine, pour que cette dernière finisse à la poubelle, explique Alexandre Vallette, fondateur de Gouach, à l’UFC-Que choisir : un non sens écologique et énergétique qui devrait prendre fin une fois le texte en vigueur. Mais l’UE doit faire plus pour devenir un champion des batteries. 

Pas de coordination et de ciblage des financements et subventions

Pour ce faire, elle devra surmonter un deuxième problème, soulevé par la Cour des comptes européenne dans son rapport : l’UE est peu attractive pour les investisseurs. Les fabricants de batteries pourraient être tentés par les États-Unis dont l’IRA (le plan massif de subventions du secteur, appelé « Inflation Reduction Act ») incite massivement les entreprises à s’installer outre-Atlantique. Le pays subventionne directement la production de batteries, ainsi que l’achat de véhicules électriques fabriqués aux États-Unis à partir de composants américains.
En tout, Washington devrait débourser près de 16 milliards de dollars, contre 7,7 milliards (en subventions et via les Projets importants d’intérêt européen communs) pour l’Europe. L’UE ne fait donc pas le poids, dit en substance l’autorité européenne. Et s’il existe bien des aides publiques, la Commission européenne « n’a pas de vue d’ensemble du montant total des financements accordés à l’industrie, ce qui limite sa capacité à assurer une coordination et un ciblage adéquats », écrit la Cour des comptes.

Des coûts des matières premières qui se sont envolés

Troisième problème, le coût des matières premières a explosé – en deux ans, le prix du nickel a augmenté de plus de 70 %, celui du lithium de 870 %. Or quand on sait qu’une batterie représente 40% du prix total d’un véhicule, le coût d’acquisition de ce type de véhicule ne devrait pas faiblir. Le rapport dresse deux scénarios catastrophe : soit l’UE serait contrainte de reporter l’interdiction des véhicules à moteur à combustion au-delà de 2035, soit elle devrait faire appel à des batteries et des véhicules électriques hors de l’Europe, au détriment de l’industrie automobile et des emplois européens. Pour les éviter, la Cour liste une série de recommandations à destination de la Commission européenne, comme la sécurisation de l’accès aux matières premières, et le ciblage des financements. Cela suffira-t-il pour nous transformer en champion des batteries électriques ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.

Source : Rapport de la Cour des comptes européenne du 19 juin 2023


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *