C’était une promesse de Google après le revirement de la Cour suprême aux États-Unis, qui a mis fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement outre-Atlantique. Le géant numérique s’était engagé, pendant l’été 2022, à supprimer les données de localisation des utilisatrices qui se rendent dans une clinique pratiquant l’IVG. Dans les États américains où l’interruption de grossesse deviendrait interdite, s’alarmaient les défenseurs de droits civils, ces informations pourraient être demandées par un juge. Le smartphone et ses données de localisation deviendraient alors le pire ennemi de toutes les femmes cherchant à avorter. Pour éviter ce schéma, Google comme d’autres mastodontes numériques avaient donc solennellement promis que les données en question seraient bien supprimées.
Près de dix mois après avoir fait cette déclaration : la promesse de Google n’est pas systématiquement tenue, constate le Washington Post, le 9 mai dernier. Nos confrères ont en effet testé Google, en se rendant dans plusieurs cliniques pratiquant l’IVG, ainsi que dans d’autres centres médicaux en Californie et en Floride. À chaque fois, les journalistes ont utilisé Google Maps pour s’orienter. Dans un cas sur deux, Google a conservé les données de localisation et les parcours effectués. D’autres trajets ont bien été supprimés dans les 24 heures. Nos confrères n’ont pas pu comprendre pourquoi l’application conservait ou supprimait les données, en fonction des déplacements. Ils notent que parfois, Google conserve bien la localisation des lieux visités, mais en les identifiant par le nom du quartier ou du café d’à côté, plutôt que celui de la clinique visitée.
Des « mandats de géolocalisation » de plus en plus demandés
Même constat pour Aditi Ramesh, une des responsables de l’association Accountable Tech, qui explique avoir aussi testé Google. Dans 60 % des cas, rapporte-t-elle à nos confrères, Google n’a pas supprimé les données de localisation. Autre problème : outre ces informations, Google peut aussi conserver les données de recherche effectuées sur l’avortement, les cliniques pratiquant l’IVG, la façon dont on peut s’y rendre… Et bien que le géant n’ait jamais promis de supprimer ces données de recherche spécifiquement, elles pourraient aussi être utilisées contre des femmes ayant cherché à avorter dans les 13 États de l’Union où l’IVG est devenue interdite. « Personne ne devrait être suivi ou ciblé pour ses décisions personnelles en matière de santé. Mais c’est exactement ce que vise le modèle commercial de surveillance publicitaire des grandes entreprises technologiques », déplore Aditi Ramesh.
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Interrogé par nos confrères sur les cas où la société n’a pas supprimé ces données, Google a simplement répété la promesse faite en juillet dernier. « Si nos systèmes identifient que (les utilisateurs) ont visité certains lieux qui peuvent être particulièrement personnels – y compris des établissements médicaux tels que (…) des refuges pour victimes de violence, des cliniques d’avortement, des centres de fertilité, des centres de traitement des addictions, des cliniques de perte de poids, des cliniques de chirurgie esthétique et autres – nous supprimerons cette entrée de l’historique des localisations peu de temps après la visite », a répondu la porte-parole du groupe, Genevieve Park. La responsable a ajouté que les utilisateurs devaient être vigilants et bien vérifier leurs paramètres d’utilisation, puisqu’ils auraient la possibilité de supprimer ces données et d’empêcher l’entreprise de les collecter.
Problème : choisir les bons paramètres de confidentialité n’est pas si évident, soulignent nos confrères. Et Google recevrait de plus en plus souvent des « mandats de géolocalisation », demandant de communiquer l’identité de personnes se trouvant dans une certaine zone, à un moment donné. En mars dernier, le média américain Mashable rappellait que tout ce qui est dit ou fait en ligne ou sur son smartphone peut être utilisé contre un utilisateur par un tribunal aux États-Unis. Car Google, comme les autres géants du numérique, a l’obligation de se conformer aux demandes de transmission de ces données sensibles, en particulier si elles émanent d’une juridiction où l’avortement est désormais interdit. Résultat : les médias américains appellent à la plus grande prudence dès qu’une recherche est faite sur l’IVG.
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Source : Washington Post