Quand on s’intéresse à ARM et à ses solutions, l’anglicisme « scalabilité » revient régulièrement. Les SoC de la société britanniques sont en effet capables de s’adapter à une grande variété de plates-formes, de la montre connectée au PC, en passant par le smartphone ou les tablettes.
Presque deux mois après avoir introduit sa première nouvelle architecture en environ dix ans, l’Armv9, ARM vient d’en annoncer trois représentants, trois nouvelles microarchitectures mobiles 64-bit, toujours. Deux big qui ont des prédécesseurs directs, et un LITTLE, tout nouveau tout chaud :
- le Cortex-X2, successeur du Cortex-X1,
- le Cortex-A710, qui remplacera l’A78,
- le Cortex-A510, qui succède au vieil A55. Il s’agit d’un tout nouveau cœur LITTLE, ce qui n’était pas arrivé depuis des années.
Du big, et un nouveau LITTLE
ARM vient donc de renouveler ses core haut performance et ses core basse consommation. Autrement dit, dans le cadre d’un SoC big.LITTLE, présent dans la plupart des smartphones, où le concepteur du processeur choisit, par exemple, de mettre deux cœurs haute performance (big) et quatre cœurs basse consommation (LITTLE), on pourra tout à fait voir cohabiter des cœurs Cortex-X2 et A710 (big) avec des cœurs Cortex-A510 (LITTLE).
Précisons d’ailleurs que les cores ne sont pas les seuls points d’amélioration en l’espèce. ARM a optimisé sa dynamic shared unit, avec la DSU-110, qui partage le cache de niveau 3 et accélère donc le traitement des données. Elle est donnée pour assurer jusqu’à x5 plus de bande passante dans le cluster composé des différents cores utilisés. Ce qui devrait donc éviter les goulets d’étranglement dans ces puces Armv9.
Un peu plus en détail
L’ARM Cortex-X2 est le processeur le plus performant, celui qui prendra place dans les smartphones haut de gamme et les PC portables (ARM, évidemment).
Digne représentant des Series-X et successeurs des X1, il est là pour repousser les limites de la microarchitecture en visant donc la puissance, et en négligeant l’économie d’énergie. Enfin, autant que peut le faire une architecture pensée par ARM, évidemment.
Il est donné pour être 16% plus performant que le Cortex-X1, et profitera de la nouvelle extension SVE2, introduite en mars comme le reste d’Armv9, pour afficher un x2 en performances liées aux calculs d’apprentissage machine.
ARM déclare également qu’il sera 30% plus puissant que les processeurs embarqués dans les derniers smartphones haut de gamme sous Android et 40% plus puissant, également, que les processeurs qu’on trouvait dans les PC grand public en 2020. On le voit, la promesse est belle et les ambitions énormes. On pourrait presque y voir une petite déclaration de guerre vis-à-vis d’Intel.
Le Cortex-A710 est lui taillé pour trouver l’équilibre entre performances et consommation électrique. Il est le champion du PPA, pour Power, Performance and Area, trois critères qui permettent aux concepteurs de puces d’analyser avec précision et en amont, avant même sa fabrication, le rapport entre la puissance nécessaire, les performances assurées et la taille en mm2 du processeur. Trois éléments essentiels dans la création d’appareils mobiles, par exemple.
Il n’est donc pas étonnant que le Cortex-A710 soit destiné aussi bien aux smartphones qu’aux téléviseurs connectés. Il affiche un gain de 30% en consommation d’énergie par rapport à la génération précédente.
Le Cortex-A510 est lui plus intéressant. Il se place à la croisée de deux chemins en étant un cœur LITTLE, donc taillé pour l’efficacité énergétique, mais avec une très forte hausse des performances promises.
Il est donné pour être 35% plus performant que la génération de CPU basse consommation précédente. ARM s’amuse même à le comparer à la génération de core big de 2017 (le Cortex-A73). Le nouveau core A510, taillé pour la faible consommation, est à moins de 10% d’IPC (instructions par cycle d’horloge) de cet ancien champion des performances, pour une consommation 35% moins importante.
Notons que l’année 2017 n’est pas retenue au hasard, c’est la date de la dernière mise à jour d’importance de la microarchitecture LITTLE par ARM, avec le Cortex-A55. Il était donc temps que les cœurs basse consommation réalisent un bond en avant, et l’introduction de l’architecture Armv9 était l’occasion rêvée.
Une partie GPU qui vise haut également
Au-delà de ces cores CPU, il ne faut pas oublier la partie GPU. Tous les concepteurs de SoC ARM, que ce soit pour smartphone ou d’autres appareils, ne développent pas leurs propres puces graphiques. ARM propose donc les Mali, en l’occurrence les modèles G710, G610, G510 et G310.
Le Mali-G710 repose sur la troisième génération de GPU Valhall. Il est donné pour être jusqu’à 20% plus performant pour le traitement des tâches exigeantes, comme les jeux, tout en affichant la meilleure efficacité énergétique jamais offerte pour ce genre de cœur.
Il ne se roulera pas non plus les pouces pour les usages liés à l’utilisation d’algorithme de machine learning. Il devrait être 35% plus rapide pour ces calculs particuliers.
De facto, en plus de trouver sa place dans des smartphones haut de gamme et gamer, il pourrait tout à fait prétendre s’installer dans un PC portable, qu’il tourne sous ChromeOS ou Windows.
Le Mali-G610 marche dans les pas du G710, mais avec en tête de réduire les coûts. Il promet donc de faire tourner les jeux mobiles AAA sur des smartphones premium, mais plus abordables. Difficile de faire la moue.
Le Mali-G510 repose lui sur la seconde génération de GPU Valhall. Il est clairement destiné au milieu de gamme, mais aussi aux téléviseurs connectés… 8K. ARM promet que son GPU sera à la hauteur de la (très) très haute définition et des hauts taux de rafraîchissement d’image.
Il pourrait apporter un gain de performance de 100% par rapport à la génération précédente et 22% d’économie d’énergie en plus.
On devrait le trouver dans de nombreux types de produits car la société britannique le décline en dix configurations possibles, pour s’adapter aux besoins des constructeurs et de leurs produits.
Avec le support de définition aussi haute et une scalabilité importante, il est logique de penser qu’il pourrait élire domicile dans des casques de réalité augmentée ou virtuelle. ARM en tout cas ne s’en prive pas.
Enfin, vient le Mali-G310. Porté par la première génération d’architecture Valhall, il trouvera sa place dans les produits d’entrée de gamme. Qu’il s’agisse de smartphones, de produits connectés, de téléviseurs connectés, ou même de casques de réalité virtuelle/augmentée.
Il est toutefois donné pour être six fois plus performant que le Mali-G31, représentant de la génération précédente. Quand on se concentre sur l’API Vulkan, il s’avère a priori x4,5 plus puissant tout en étant économe en énergie.
On est impatient de voir ce que les smartphones qui embarqueront ses Cortex et Mali vont donner lors de nos tests et entre nos mains au quotidien. Il va toutefois falloir être un peu patient.
Une révolution logicielle en douceur ?
Au-delà de la question des performances, il faut retenir que ARM a décidé de cesser le support du mode d’exécution AArch32. Ainsi, seuls les cores A710 gèreront encore le 32-bit – pour répondre notamment aux besoins du marché chinois plus hétérogène dans ses magasins d’applications. Ni les Cortex-X2, ni les Cortex-A510 ne supporteront les applications 32-bit. Qu’est-ce que cela signifie ?
Que l’ère du 32-bit est sur le point de tirer sa révérence et que les applications qui ne sont pas pensées pour le 64-bit vont devoir franchir ce cap, où elles ne pourront simplement plus fonctionner sur les appareils qui embarqueront ces nouveaux Cortex.
ARM annonce que la grande bascule se fera en 2023. Mais avec seulement les Cortex-A710 à la manœuvre, on ne voit pas comment ce changement ne pourrait pas se faire plus rapidement.
A priori, cela ne devrait toutefois pas avoir trop d’impact pour nos smartphones. Apple est passé au 64-bit avec l’iPhone 5S (lancé en 2013, donc), et Google prépare ce changement depuis 2019. Les applications 32-bits devraient disparaître du Play Store cet été.
Avec ces trois Cortex, ARM vient non seulement de dévoiler de manière tangible ce que peut faire sa nouvelle architecture dans les prochaines années, mais aussi de définir clairement que ses ambitions ne s’arrêtent plus aux seuls smartphones.
Les X2 sont l’exemple même des puces qui trouveront leur place dans les PC (portables ou de bureau) de demain, et qui apporteront la puissance qui manquait jusqu’à présent aux machines Windows ARM.
Ne reste maintenant plus qu’aux clients de la société britannique de concevoir leurs produits autour de ces solutions… Il va certainement falloir attendre un peu, a priori jusqu’à l’année prochaine, pour voir arriver les premiers représentants de cette nouvelle ère.
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