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Apple VS Samsung, une victoire déjà remise en cause

Alors que les jurés ont jugé que Samsung avait copié Apple pour développer ses smartphones et ont établi les dommages à plus d’un milliard de dollars, des irrégularités pourraient remettre en cause cette première nette victoire de la firme de Cupertino.

Dans la nuit de vendredi à samedi, heure française, les jurés américains ont rendu leur verdict dans l’affaire qui oppose Apple à Samsung autour de multiples violations de brevets que l’un et l’autre des acteurs se reprochent. La firme de Cupertino en ressort grand vainqueur, même si elle n’a pas obtenu l’interdiction de la vente de smartphones et de tablettes Samsung sur le territoire américain.

Pour autant, c’est une première lourde défaite pour Samsung, qui va certainement faire appel de ce verdict. Mais avant, la société coréenne va jouer d’une clause juridique (Règle 50b) pour tenter de changer la donne. Cela pourrait aboutir à un nouveau verdict ou même à un nouveau procès.

Irrégularité et amateurisme

Une tentative qui pourrait être couronnée d’un certain succès. A en croire le site spécialisé dans les affaires de justice et le droit, Groklaw, le travail des jurés serait parsemé d’irrégularités ou d’éléments pour le moins surprenants, qui pourraient faciliter la tâche de Samsung.

Ainsi, les jurés ont rendu un verdict très rapidement. Trop rapidement pour certains, qui craignent que les membres du jury n’aient pris tout cela à la légère. Ainsi, appelé à établir les indemnités que chaque partie devait se verser, le jury a attribué 2 millions de dollars à Apple, avant de devoir redélibérer à la demande du juge et de les retirer car il n’y avait pas de violation de propriété intellectuelle. Et Groklaw de poser la question : « Quelle était la base utilisée par le jury pour le calcul des dommages ? Et s’il avait vraiment une base, comment a-t-il pu se tromper ainsi ? »

On peut même aller plus loin, les jurés ont-ils pris la pleine connaissance des plus de cent pages de documentation qu’on leur a confié pour déterminer s’il y avait violation de propriété intellectuelle, aussi bien à l’encontre d’Apple que de Samsung ?

Un jury sous influence ?

Par ailleurs, nos confrères de The Verge, qui couvraient l’événement en direct, mettent en avant le rôle du président du jury. Ce dernier, qui possède lui-même un ou plusieurs brevets notamment sur des méthodes de stockage d’informations liées à des vidéos, aurait eu un ascendant sur les autres jurés. Il aurait eu un poids prépondérant dans les décisions. A tel point d’ailleurs qu’il aurait indiqué à la Cour que le jury n’avait pas besoin d’avoir les réponses à toutes ses questions pour trancher et rendre son verdict. Un verdict qui a d’ailleurs dû être amendé, à la demande de la juge, pour corriger certaines erreurs.

Un amateurisme logique, puisque les jurés sont des citoyens ordinaires, ce qui apporte de l’eau au moulin de ceux qui s’interrogent sur la pertinence d’un procès devant une telle instance. Et qui pourrait évidemment permettre à Samsung de faire réviser le procès.

Microsoft vers le meilleur, Google prêt à entrer en guerre

Si la bataille judiciaire aux Etats-Unis, et dans les autres pays où elle est engagée, n’est pas près d’atteindre son terme, cette décision a déjà eu des répercussions directes ou collatérales. A commencer par la chute de 7 % de la valeur de l’action de Samsung. Mais comme le révélait également l’agence Reuters, la victoire d’Apple dans ce procès pourrait bénéficier à un autre acteur : Microsoft. En effet, dans un contexte où Apple vient de voir valider le message qu’il martèle depuis plusieurs mois : « Nous n’innovons pas pour tout le monde », les fabricants asiatiques, comme HTC, qui travaillent avec Android se trouvent dans une position où ils pourraient éventuellement craindre des attaques en justice à leur tour. Ron Laurie, spécialiste dans l’étude de la propriété intellectuelle dans le domaine high-tech, déclarait ainsi à Reuters : « Microsoft est le grand bénéficiaire de ce combat en tant qu’autre élément alternatif à Android ». Une analyse qu’un autre acteur, au moins, semble partager : Google lui-même.

Après être resté étonnamment silencieux, comme s’il souhaitait rester à l’écart de l’affaire, le géant de Mountain View a publié un court communiqué prudent et attentiste, dans lequel il annonce attendre le résultat de l’appel. Mais Google précise surtout que « la majorité des plaintes [pour violation de propriété intellectuelle] ne sont pas liées aux fonctions centrales du système d’exploitation Android », même si certaines fonctionnalités ergonomiques présentes dans l’OS, comme le rebond de défilement, sont concernées par le procès. Une manière de rassurer ses partenaires « avec lesquels [Google] travaille pour donner aux utilisateurs des produits innovants et accessibles ». Et de conclure, comme un coup de tonnerre dans le lointain « et rien ne doit limiter cela… ».

Prochaines étapes

Apple va a priori déposer une injonction en justice pour faire interdire à la vente les périphériques de Samsung reconnus « coupables » de violation de brevets sur le sol américain. Samsung va s’escrimer à faire annuler ce premier verdict et fera certainement appel s’il n’arrive pas à modifier le résultat de ce procès. Et Google pourrait donc entrer dans la danse s’il juge que le développement économique (et technique) de son OS est menacé. La guerre entre Apple et Samsung n’est pas finie. Elle ne fait peut-être même que commencer et pourrait prendre une nouvelle ampleur…

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Pierre Fontaine