À partir de cet été, le renseignement et la défense américaine adopteront le cloud computing pour stocker leurs informations. Afin de mutualiser leurs données et de travailler plus efficacement, les 17 agences de la Communauté du renseignement des États-Unis (IC) – dont font partie la CIA et la NSA – pourront partager leurs fichiers en ligne. À la baguette, le géant américain Amazon par le biais d’Amazon Web Services (AWS) qui a développé ce programme depuis début 2013. Le contrat d’une valeur de 600 millions de dollars a été conclu à l’initiative de la CIA, et s’étalera sur une période pouvant aller jusqu’à dix ans. Pour le renseignement américain, plutôt habitué aux immenses centres de stockage, c’est une petite révolution.
Mutualisation et plus grande autonomie
Selon des hauts fonctionnaires contactés par le Government Executive, le cloud permettra à l’IC d’augmenter l’efficience des différentes agences. Ces dernières pourront partager leur savoir-faire et ainsi mutualiser les compétences. En conséquence, une entité pourra par exemple offrir certains services d’analyse qui lui sont propres. L’objectif est de générer des économies sur le budget informatique de l’IC, qui s’élevait à 8 milliards de dollars en 2013 selon des documents révélés par Edward Snowden.
Pour John Pirc, ancien chercheur en cyber-sécurité à la NSA, l’utilisation du cloud se justifie également par la puissance d’analyse qu’il procure. Selon lui, les informations traitées peuvent être «très sensibles au facteur temps». Une opération nécessitant plusieurs heures de calcul sur une machine pourrait alors être exécutée en quelques secondes.
La sécurité en question
Faire sous-traiter un service aussi sensible que le stockage de données paraît plutôt étonnant. Toutefois, les dirigeants de la CIA sont confiants. Selon un haut fonctionnaire de l’agence de renseignement, « la sécurité du cloud sera aussi solide, sinon plus, que les centres de stockage de données actuels ». Les informations sensibles seront classifiées, avec un accès restreint. Chacune des 17 agences sera libre d’établir la liste des utilisateurs autorisés pour chaque document.
Amazon prétend d’ailleurs que son système – plus centralisé et donc avec moins de points d’entrées – est plus sécuritaire que ce qui se fait déjà. Une affirmation qui se tient d’un point de vue technique, mais plutôt contestable à la lumière de l’affaire Snowden : en cas de faille interne, la concentration des données est plutôt un facteur aggravant. L’ancien informaticien de la NSA a réussi à outrepasser ses droits pour accéder à des fichiers stockés localement. Pourquoi n’aurait-il pas pu le faire pour accéder au cloud, et donc également aux autres agences dont la CIA?
Une puissance décuplée
Peu d’informations ont filtré concernant les spécificités techniques du cloud proposé par AWS. Cependant, Amazon est déjà en charge du cloud de la SEC (organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) sur lequel transite chaque jour un milliard d’enregistrements de transactions. Il est probable que l’IC utilise le cloud de façon bien plus intense encore avec des dizaines voire des centaines de milliards de données quotidiennes.
En réalité, les agences gouvernementales pourraient avoir une force de frappe bien plus importante encore. La mise en place d’un cloud au sein de l’Agence Nationale d’Intelligence Géospatiale (qui utilise des images satellites a des fins géopolitiques) a considérablement fait augmenter son activité, faisant doubler son personnel depuis 2004.
En travaillant avec Amazon (qui sera en charge de la maintenance), le renseignement américain s’assure une évolution permanente, en rythme avec les progrès technologiques. Toutefois, la NSA a récemment investi 2 milliards de dollars dans le plus gros data center du monde. Réaliser un tel investissement pour basculer l’ensemble des données sur un cloud serait pour le moins étonnant. Il est donc probable que les secrets les mieux gardés restent jalousement cachés par chaque agence.
Source (en anglais)
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